Décret du 10 mai 2024 : nouvelles règles applicables aux recours contre les projets agricoles et réduction du délai de recours des tiers contre toutes les ICPE, IOTA et autorisations environnementales

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

June 2024

Temps de lecture

4 minutes

Décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement en matière d’élevage et aux autorisations environnementales

Le décret du 10 mai 2024 a été adopté pour répondre à la mobilisation des agriculteurs du début d’année afin d’accélérer le traitement des recours contre les projets agricoles.

Le décret comprend une série de nouvelles règles applicables uniquement aux recours contre ces projets agricoles ainsi qu’un article dont le champ d’application concerne plus largement le contentieux de l’autorisation environnementale ainsi que le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement (ci-après « ICPE ») et des installations, ouvrages, travaux et activités (ci-après « IOTA »).

Il est applicable aux décisions prises à compter du 1er septembre 2024.

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L’article 1er du décret modifie l’article R. 611-7-2 du code de justice administrative (ci-après « CJA ») afin de prévoir, en matière de projets agricoles, une cristallisation des moyens, c’est-à-dire un délai au-delà duquel les parties ne peuvent plus invoquer de nouveaux moyens.

Ainsi, passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, elles ne pourront plus invoquer de nouveaux moyens. La nouvelle rédaction de l’article R. 611-7-2 précise cependant que le juge peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie.

Avant l’intervention du décret du 10 mai 2024, l’article R. 611-7-2 n’organisait une cristallisation des moyens qu’en matière d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vente.

Désormais, cette procédure de cristallisation concerne également les recours contre les décisions mentionnées à l’article R. 811-1-3 du CJA, c’est-à-dire les décisions relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles, ainsi que les recours contre les décisions mentionnées à l’article R. 811-1-4 du CJA, c’est-à-dire les décisions relatives aux ICPE en matière d’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à l’élevage intensif de volailles ou de porcs (ci-après « ICPE en matière d’élevage »).

Cette mesure a pour objectif de réduire les délais d’instruction et d’empêcher que l’invocation de nouveaux moyens prolonge sans cesse l’instruction. Cependant, l’effet de cette mesure pourrait être limitée par le fait que les requérants, notamment ceux habitués à contester ce type de projets (comme les associations environnementales), seront incités à développer de nombreux moyens dès leurs requêtes introductives d’instance.

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L’article 2 du décret du 10 mai 2024 créé un nouveau contentieux spécial avec l’introduction d’un nouveau chapitre au sein du CJA intitulé « Le contentieux de certaines décisions en matière agricole » comprenant deux articles, l’un à destination des requérants (article R. 77-15-1), l’autre à destination du juge (article R. 77-15-2).

Sont concernées par ces dispositions les recours contre les décisions relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles (article R. 811-1-3 du CJA), ainsi que les recours contre les décisions relatives aux ICPE en matière d’élevage (article R. 811-1-4 du CJA).

L’article R. 77-15-1 du CJA prévoit, pour le contentieux de ces décisions, des règles de recevabilité liées à la notification des recours cela est déjà le cas pour les contentieux en matière d’autorisation environnementale 1)R. 181-51 du code de l’environnement et d’urbanisme 2)R. 600-1 du code de l’urbanisme.

Désormais :

  • à peine d’irrecevabilité, les tiers intéressés devront notifier leurs recours contentieux contre ces décisions à l’auteur et au bénéficiaire de celles-ci
  • à peine d’irrecevabilité toujours, ils devront également notifier les recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions juridictionnelles concernant ces litiges
  • à peine de non prorogation du délai de recours contentieux, ils devront notifier leurs recours administratifs au bénéficiaire de la décision

Formellement, cette notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d’envoi du recours administratif.

La notification du recours est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception, cette date étant établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux.

Afin de préserver les droits des tiers intéressés, cette obligation de notification s’accompagne d’une obligation de mentionner les règles de l’article R. 77-15-1 sur l’affichage des décisions concernées.

Enfin, l’article R. 77-15-2 prévoit que le juge, saisi d’un litige relatif à une décision portant sur des ouvrages hydrauliques agricoles ou des ICPE d’élevage, statue dans un délai de 10 mois.

Sur ce point, le pouvoir réglementaire n’a pas souhaité s’aligner sur le contentieux des installations de production d’énergies renouvelables qui prévoit que le litige est porté devant la juridiction supérieure si le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel ne s’est pas prononcé dans le délai de 10 mois. En revanche, il s’est inspiré des dispositions applicables en matière d’urbanisme, lesquelles prévoient un délai de jugement de 10 mois qui n’est pas prescrit à peine de dessaisissement de la juridiction 3)R. 600-6 du code de l’urbanisme. Ainsi, s’agissant des ouvrages hydrauliques agricoles et des ICPE d’élevage, le non-respect du délai d’instruction n’emportera aucune conséquence contentieuse même si, en pratique, le juge statue rarement au-delà de ce délai.

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L’article 3 du décret créé deux nouveaux articles R. 811-1-3 et R. 811-1-4 au sein du CJA qui abandonnent la règle du double degré de juridiction pour les litiges concernés, ce toujours dans l’objectif de réduire la durée globale de la procédure contentieuse :

  • en application de l’article R. 811-1-3, le tribunal administratif de Paris est spécialement compétent en premier et dernier ressort pour connaître d’une liste de décisions administratives en matière d’ouvrages hydrauliques agricoles mentionnées à cet article
  • en application de l’article R. 811-1-4, les tribunaux administratifs sont compétents en premier et dernier ressort pour connaître d’une liste de décisions administratives en matière d’ICPE d’élevage mentionnées à cet article

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Enfin, l’article 4 du décret concerne plus largement les contentieux relatifs aux ICPE et aux IOTA (article R. 514-3-1 du code de l’environnement) ainsi qu’aux autorisations environnementales (article R. 181-50 du code de l’environnement). Il prévoit que, désormais, le délai de recours des tiers intéressés en la matière est réduit à deux mois (au lieu de quatre mois).

Cette mesure permet, d’une part, de sécuriser plus rapidement les projets et, d’autre part, de simplifier la procédure juridictionnelle en alignant le délai de recours des tiers intéressés sur le délai dont disposent les demandeurs ou exploitants et plus généralement sur le délai de droit commun.

Enfin, les articles R. 514-3-1 et R. 181-50 du code de l’environnement prévoient que les recours contentieux peuvent être précédés d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le délai de recours contentieux conformément à l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration.

 

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References   [ + ]

1. R. 181-51 du code de l’environnement
2. R. 600-1 du code de l’urbanisme
3. R. 600-6 du code de l’urbanisme

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