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CE 25 juin 2024 Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, req. n° 474026, 474027 : mentionné aux T. Rec. CE
Dans une décision du 25 juin 2024, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la délicate question du retrait d’un permis de construire tacite (et non d’un refus) pris à la suite d’un avis conforme défavorable d’un service consulté.
En l’espèce, le maire de la commune d’Aulnay-sur-Mauldre a délivré, tacitement, deux permis de construire portant sur des maisons individuelles, les 6 et 12 septembre 2018.
Le maire était cependant tenu, dans le cadre de l’instruction de ces permis, de recueillir l’avis conforme du préfet. Le 4 septembre 2018, ce dernier a rendu un avis défavorable au motif que ces projets se situaient hors des « parties urbanisées de la commune » en méconnaissance de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme. Par deux arrêtés du 20 septembre 2018, le maire a donc refusé ces permis en se fondant sur cet avis conforme défavorable (le refus emportant alors retrait des permis tacites).
Les pétitionnaires ont formé un recours en annulation à l’encontre de ces retraits, au motif notamment que l’avis défavorable du préfet était illégal et qu’en tout état de cause, le retrait aurait dû être précédé d’une procédure contradictoire au titre de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration (« CRPA »).
Dans un arrêt du 9 mars 2023, la cour administrative d’appel de Versailles a donné raison aux requérants en estimant que, si l’avis du préfet était légal, le maire aurait dû mettre en place une procédure contradictoire.
Saisi par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le Conseil d’Etat n’a pas suivi le raisonnement de la cour administrative d’appel en considérant, au contraire, que lorsqu’un avis conforme est légal, le maire est en situation de compétence liée et n’a d’autre choix que de retirer le permis dans un délai de 3 mois :
“2. Lorsque la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est subordonnée à l’avis conforme d’une autre autorité, le refus d’un tel accord s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation. Par suite, lorsque la demande qui a fait l’objet d’un refus d’accord a donné lieu à une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou à un permis de construire, d’aménager ou de démolir tacites, l’autorité compétente pour statuer sur cette demande est tenue, dans le délai de 3 mois prévu à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, de retirer la décision de non opposition ou d’autorisation tacite intervenue en méconnaissance de ce refus. (…)
- Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus que, dès lors que la cour administrative d’appel écartait l’unique moyen contestant la légalité du refus d’accord du préfet, elle devait regarder le maire, qui avait statué dans le délai de trois mois imparti par l’article L. 425-5 du code de l’urbanisme, comme tenu de retirer le permis de construire tacitement accordé à Mme A… en méconnaissance de ce refus. Dès lors, le moyen pris de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration citées ci-dessus faute de procédure contradictoire préalable était inopérant. En se fondant sur ce moyen pour annuler la décision attaquée, la cour administrative d’appel de Versailles a entaché son arrêt d’erreur de droit. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est, par suite, fondé à en demander, pour ce motif, l’annulation.”
Aussi, le moyen tiré de l’absence de procédure contradictoire préalable au retrait de permis, bien que fondé (puisque l’article L. 122-1 précité du CRPA exige en effet une telle procédure en cas de retrait de permis), est, selon le Conseil d’Etat, inopérant et donc sans effet sur la légalité de la décision de retrait.
En résumé, une décision de retrait d’une autorisation est légale, même en l’absence de procédure contradictoire préalable, lorsque :
- le retrait est fondé sur un avis conforme défavorable et que l’autorité compétente se trouve ainsi en situation de compétence liée ;
- cet avis est légal ;
- le retrait est intervenu dans le délai de 3 mois visé à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme.
La solution aurait a priori en revanche été différente si l’avis défavorable du préfet était illégal. Comme le relève le rapporteur public, Maxime Boutron 1)Conclusions du rapporteur public Maxime Boutron sous l’arrêt commenté, dans un tel cas, le maire ne se trouve pas dans une situation de compétence liée, et le retrait est donc illégal s’il n’est précédé d’aucune procédure contradictoire, et qu’aucun des autres motifs de refus ne tient.
References
1. | ↑ | Conclusions du rapporteur public Maxime Boutron sous l’arrêt commenté |