Gare au glyphosate ! Le Conseil d’Etat prend ses précautions

Catégorie

Environnement

Date

October 2024

Temps de lecture

2 minutes

CE 23 octobre 2024 Société Bayer Seeds, req.n° 456108

Par un arrêt rendu le 23 octobre 2024, le Conseil d’Etat rappelle que pour apprécier une éventuelle méconnaissance du principe de précaution par un acte administratif, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de se prononcer au regard de l’ensemble des données scientifiques disponibles à la date à laquelle l’acte a été pris, sans tenir compte d’études scientifiques postérieures, lesquelles sont sans incidence sur la légalité de l’acte contesté.

Pour rappel, le principe de précaution consiste à prendre des mesures pour éviter les risques contre l’environnement et la santé. Il a été introduit en droit français par la loi Barnier du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l’environnement. Depuis 2005, le principe de précaution a une valeur constitutionnelle, la charte de l’environnement faisant partie du bloc de constitutionnalité, et est codifié à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

En l’espèce, une association a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler la décision par laquelle le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a autorisé la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, le Roundup Pro 360, par la société Monsanto. Le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

La cour administrative d’appel de Lyon a rejeté les appels formés par la société Bayer Seeds, venue aux droits de la société requérante, et par l’ANSES contre ce jugement. La société Bayer Seeds, représentant la société requérante, se pourvoi en cassation.

Le CE évoque dans un premier temps les dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, rappelant que la commercialisation de tels produits doit respecter le principe de précaution. Il explique que, d’une part, le principe de précaution tel que garanti par le droit de l’Union européenne assure une protection au moins équivalente à celle découlant du principe de précaution tel que garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement.

D’autre part, le CE explique qu’il n’est ni soutenu, ni établi, ni ne l’était devant les juges du fond que l’application de ce principe communautaire de précaution conduirait à méconnaître une autre disposition ou un autre principe de l’ordre constitutionnel. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que la cour a apprécié la légalité de la décision contestée au regard du principe de précaution tel que garanti par la Charte de l’environnement.

Dans un second temps, le CE affirme que pour apprécier la méconnaissance du principe de précaution par l’acte administratif dont la légalité est soumise à son examen, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de se déterminer au regard de l’ensemble des données scientifiques disponibles à la date à laquelle celui-ci a été pris, sans tenir compte d’études scientifiques postérieures, lesquelles sont sans incidence sur la légalité de l’acte contesté et seulement susceptibles, si elles remettent en cause l’appréciation initialement portée, d’imposer aux autorités compétentes d’en tirer les conséquences.

Enfin, le CE affirme que c’est sans erreur de droit que la cour a exercé un contrôle entier, et non un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation, pour statuer, au vu des éléments portés à sa connaissance, sur l’existence de risques pour l’environnement et pour la santé liés à l’utilisation de substances susceptibles de justifier l’application du principe de précaution et prononcer, en application de ce principe, l’annulation de l’autorisation de mise sur le marché de ce produit phytopharmaceutique.

Le pourvoi de la société Bayer Seeds est ainsi rejeté.

 

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