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CE 18 octobre 2024 Mme D., req. n° 473828 : mentionné aux T. Rec. CE.
Dans sa décision du 18 octobre 2024, le Conseil d’État précise dans quel contexte le pétitionnaire d’une demande de permis de construire peut se prévaloir de la cristallisation des règles d’urbanisme dans le cadre d’une opération de lotissement.
1. Rappels sur la cristallisation de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme
L’article L. 442-14 du code de l’urbanisme prévoit que, dans un lotissement, les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la décision de non-opposition à déclaration préalable ou du permis d’aménager le restent pendant cinq ans. Cette période de cinq années court à partir, selon le cas, de la date de non-opposition à déclaration préalable ou de la date d’achèvement des travaux (si le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager).
Cette disposition permet à l’aménageur de bénéficier d’une certaine sécurité juridique, étant assuré que les règles ne changeront pas pendant au moins cinq ans.
2. La nécessité d’un lotissement
En 2022, le Conseil d’État avait jugé que le pétitionnaire d’une demande de PC, déposée sur un lot de lotissement, ne pouvait bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance intervenu à la date d’obtention du PC 1)CE 13 juin 2022, req. n° 452457: mentionné aux T. Rec. CE.
Toutefois, et pour atténuer l’interprétation extensive qui pouvait être faite de cette décision, le Conseil d’Etat a postérieurement modifié le fichage de son arrêt : la décision sanctionne une situation proche de la fraude à la loi dès lors que la société qui avait obtenu la décision de non-opposition à déclaration préalable entendait rester la seule propriétaire des lots et voulait simplement affecter la construction a une location saisonnière.
Le Conseil d’État avait donc rappelé qu’une autorisation division foncière ne suffisait pas : pour bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme, cette division devait être effective à la date du permis.
3. La distinction entre lotissement et construction
Par sa décision du 18 octobre 2024, de nouvelles précisions sont apportées, en rappelant notamment que l’opération de lotissement est distincte de l’opération de construction.
En l’espèce, une décision de non-opposition à déclaration préalable de division est née le 30 août 2018. Quatre lots ont ainsi été créés : A, B, C et D.
Les lots C (22 m²) et D (34 m²) étaient destinés à accueillir une partie de la voie de circulation. Le lot A (5 000 m²), classé en zone N du PLU, n’était pas à bâtir. Le lot B était le seul destiné à être bâti.
Le 13 mai 2019, un nouveau PLU était applicable sur la commune.
Les 27 et 28 août 2021, les lots A, C et D ont été cédés à un promoteur.
Le 15 février 2022, un permis de construire, portant exclusivement sur le lot B pour la réalisation de 16 maisons individuelles et de six bâtiments devant accueillir des logements sociaux collectifs, a été délivré sous l’empire des règles d’urbanisme applicables à la date du 30 août 2018, c’est-à-dire à la date de la décision de non opposition.
Selon l’auteur du pourvoi, le bénéficiaire du permis ne pouvait pas se prévaloir des règles cristallisées le 30 août 2018 car le permis ne portait que sur le lot B, le seul qui n’avait pas été cédé. Il estimait qu’une division foncière sans construction ultérieure ne pouvait pas être qualifiée de lotissement.
Cependant, le Conseil d’État a jugé sans équivoque :
« dès lors que la division foncière a été réalisée par le transfert en propriété ou en jouissance d’une partie au moins des lots dans le délai de validité de l’arrêté de non-opposition à déclaration préalable prévu par l’article R* 424-18 du code de l’urbanisme cité au point 2, le bénéficiaire de cet arrêté peut se prévaloir, à l’occasion d’une demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du même code, au lotissement autorisé. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que le lot destiné à être bâti n’ait pas lui-même fait l’objet d’un transfert en propriété ou en jouissance. »
Autrement dit, le transfert de propriété d’un seul lot emporte mise en œuvre de l’autorisation de lotir, même si ce lot n’est pas destiné à être bâti.
Il suffit donc qu’un lot ait été vendu pour que la cristallisation joue pour l’ensemble du lotissement, peu importe que le lot destiné à être bâti n’ait pas lui-même fait l’objet d’un transfert de propriété ou de jouissance.
Cette décision se rapproche d’une ancienne jurisprudence selon laquelle la cession d’une partie du terrain d’assiette permettait de caractériser une opération de lotissement, même si aucun bâtiment n’était prévu sur la partie cédée 2)CE 20 février 2013, req. n°345728.
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