La condition d’urgence doit être remplie lorsque le commissaire enquêteur émet un avis défavorable dans le cadre d’une enquête publique régie par les dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2025

Temps de lecture

3 minutes

CE 27 décembre 2024 Etablissement public foncier du Grand Est, req. n° 489079 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par une décision rendue le 27 décembre 2024, le Conseil d’Etat précise le champ d’application des dispositions combinées de l’article L. 554-12 du code de justice administrative et de l’article L. 123-6 du code de l’environnement.

En l’espèce, par un arrêté du 12 avril 2023, le préfet de la Moselle a déclaré d’utilité publique le projet de constitution d’une réserve foncière au profit de l’établissement public foncier du Grand Est et a autorisé ce dernier à acquérir soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation, dans le délai de cinq ans, les immeubles nécessaires à sa réalisation.

A ce titre, la société KROMINUS a introduit une action en référé suspension à l’encontre de l’arrêté préfectoral susvisé devant le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg.

Pour rappel, l’article L. 521-1 du code de justice administrative permet au juge des référés de suspendre une décision administrative « lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

Toutefois, il ressort de la combinaison de l’article L. 554-12 du code de justice administrative et de l’article L. 123-16 du code de l’environnement qu’une décision d’aménagement soumise à une enquête publique et ayant fait l’objet de conclusions défavorables par la commission d’enquête ou le commissaire enquêteur n’est quant à elle pas subordonnée à la condition d’urgence prévue au premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

A l’aune de ces dispositions, le juge des référés a suspendu la décision litigieuse en considérant :

  • d’une part, que sur le fondement de l’article L. 554-12 du code de justice administrative et l’article L. 123-16 du code de l’environnement, la décision litigieuse n’était pas soumise à la condition d’urgence «  la condition d’urgence, imposée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, n’a pas à être remplie lorsqu’un projet de décision d’aménagement, telle qu’une déclaration d’utilité publique d’un projet de constitution d’une réserve foncière, a donné lieu comme en l’espèce à des conclusions défavorables d’une commission d’enquête. » ;
  • d’autre part, que le moyen tiré de ce que le caractère d’utilité publique de l’opération d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme n’est pas établi et qu’il est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté.

Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Strasbourg le 12 octobre 2023 1)     TA Strasbourg 12 octobre 2023, req. n° 2306756 pour erreur de droit, faute pour ce dernier d’avoir recherché si l’urgence était caractérisée en l’état.

En effet, la haute Cour considère que si les articles L. 123-16 du code de l’environnement et L. 554-12 du code de justice administrative permettent de déroger aux règles de droit commun en soustrayant les décisions d’aménagement prises après une enquête publique à la condition d’urgence en cas de référé suspension, c’est à la double condition toutefois que :

  • l’enquête publique ayant précédée la décision soit régie par le code de l’environnement ;
  • la décision ait été prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête selon les cas.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève dans la décision commentée que la constitution d’une réserve foncière ne portait pas sur une opération susceptible, par elle-même, d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement et que l’enquête publique était régie par les seules dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (articles L. 110-1 et suivants du code de l’expropriation) de sorte que la condition d’urgence à suspendre la décision devait être remplie.

Ainsi, sans se prononcer sur la condition tenant à l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté, le Conseil d’Etat juge que la demande de suspension présentée par la société KROMINUS doit être rejetée au regard de l’absence d’urgence justifiant une mesure de suspension.

Il considère que :

  • la seule circonstance selon laquelle la commission d’enquête ait rendu un avis défavorable n’est pas de nature, par elle-même, à caractériser une situation d’urgence ;
  • le fait que la décision contestée serait de nature à créer « un climat d’incertitude » et entraverait l’activité de la société KROMINUS en raison des reports de projets d’investissements n’est également pas de nature à caractériser une situation d’urgence.

 

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References   [ + ]

1.      TA Strasbourg 12 octobre 2023, req. n° 2306756

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