Marché négocié sans publicité préalable : la possibilité d’invoquer la protection de droits d’exclusivité est limitée

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2025

Temps de lecture

2 minutes

CJUE 9 janvier 2025 Ceska Republika, aff. C-578/23

Par un arrêt du 9 janvier 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) précise que l’acheteur public ne peut invoquer la protection des droits d’exclusivité pour justifier la passation d’un marché négocié sans publicité préalable lorsque cette situation d’exclusivité lui est imputable.

Dans le cadre d’une question préjudicielle posée par la Cour administrative suprême de la République tchèque, la CJUE était appelée à se prononcer sur l’interprétation du point 1 sous b) de l’article 31 de la directive 2004/18/CE applicable, ratione temporis, au litige.

Cette disposition, reprise à l’article 32 de la directive 2014/24/UE désormais en vigueur, permet à un pouvoir adjudicateur de recourir à une procédure négociée sans publicité préalable si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • L’existence de raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité liées à l’objet du marché ;
  • Ces raisons rendent absolument nécessaire l’octroi du marché à un opérateur économique déterminé.

La Cour constate tout d’abord que, contrairement à l’article 31, point 1, sous c), qui impose que les circonstances justifiant une urgence impérieuse ne soient pas imputables au pouvoir adjudicateur, l’article 31, point 1, sous b) de la directive 2004/18/CE ne prévoit pas une telle condition.

Elle rappelle néanmoins qu’un pouvoir adjudicateur doit prendre toutes les mesures raisonnablement attendues pour éviter le recours à une procédure dérogatoire, afin de favoriser la concurrence. A titre d’exemple, le recours à la procédure négociée sans publicité préalable ne peut être justifié par la spécificité technique d’un logiciel utilisé dans l’administration publique si l’acheteur n’a pas mené de recherches sérieuses pour identifier d’autres opérateurs susceptibles de proposer une solution adaptée 1)CJUE 15 octobre 2009 Commission/Allemagne, aff. C‑275/08.

Dès lors, adoptant une interprétation restrictive de la faculté ouverte par l’article 31, point 1, sous b), la CJUE conclut qu’un pouvoir adjudicateur qui a contribué à la création ou au maintien d’une situation d’exclusivité ne peut invoquer cette situation pour justifier l’absence de publicité préalable.

Les juridictions nationales doivent apprécier l’existence d’une telle imputabilité à la lumière du comportement du pouvoir adjudicateur lors de la conclusion du contrat antérieur au marché public concerné, mais également rechercher si la situation d’exclusivité a été maintenue par l’action ou l’inaction du pouvoir adjudicateur jusqu’à sa décision de recourir à la procédure négociée sans publicité préalable pour conclure le marché, sans qu’il soit nécessaire qu’il l’ait intentionnellement créée ou maintenue.

En l’espèce, la juridiction de renvoi devra appliquer cette grille d’analyse pour déterminer si l’administration fiscale tchèque pouvait conclure un marché négocié sans publicité préalable pour la maintenance de son système d’information, dont le fournisseur avec lequel le contrat avait été précédemment conclu a refusé de transférer ses droits d’auteur patrimoniaux sur le code source, ou si elle est responsable de la perpétuation de la situation d’exclusivité qu’elle invoque, c’est-à-dire de l’impossibilité d’utiliser ce système si le marché n’est pas confié au même fournisseur.

Cette décision permet d’éclairer les modalités d’application du 3° de l’article R. 2122-3 du code de la commande publique, qui transpose les dispositions précitées en droit national.

 

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References   [ + ]

1. CJUE 15 octobre 2009 Commission/Allemagne, aff. C‑275/08

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