Litige né de l’exécution d’un marché public entre cocontractants non liés par un contrat de droit privé : le juge administratif toujours le juge administratif !

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2022

Temps de lecture

3 minutes

TC 10 janvier 2022, n° C4231 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans le cadre d’une opération de construction d’une cuisine centrale répondant à des normes de haute qualité environnementale, la ville de Besançon a confié, d’une part, un marché de maîtrise d’œuvre à un groupement conjoint (le cabinet 3 Bornes Architectes, deux BET – Bellucci et Sicre – et un entrepreneur individuel) puis, d’autre part, un marché de travaux dont un ou plusieurs lots ont été attribués à plusieurs sociétés (notamment, Axima concept, Sunwell technologies, Agathe système et Agathes).

Après le constat de désordres qui rendaient impossible la mise en service de la cuisine, la ville de Besançon a saisi le tribunal administratif de Besançon d’un recours tendant à la réparation du préjudice ainsi causé.

Par jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 mai 2016, le cabinet 3 Bornes architectes, la société Axima concept, la société Agathe Système, la société Agathes, la société Sunwell technologies et le BET Bellucci ont été condamnés in solidum à verser à la commune de Besançon une somme d’environ 6 millions d’EUR. Statuant sur les appels en garantie formés par les défendeurs, le jugement répartissait également la charge indemnitaire finale entre les coobligés.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’administrative d’appel de Nancy du 30 mai 2017.

Après avoir payé à la ville l’intégralité des sommes dues, la société Axima concept et son assureur – la société XL Insurance Company – ont saisi le tribunal administratif de Besançon, notamment, d’une demande tendant à la condamnation de la société Sunwell technologies au paiement de sommes au titre de sa contribution à la prise en charge des conséquences de l’insolvabilité du cabinet 3 Bornes architectes et des sociétés Agathe système et Agathes sur le fondement du dernier alinéa de l’article 1317 du code civil.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif a décidé de surseoir à statuer sur les demandes des requérants sollicitées sur le fondement du dernier alinéa de l’article 1317 du code civil. Se posait la question de savoir si ces demandes relèvent de la compétence de la juridiction administrative, laquelle a été renvoyée par le tribunal au Tribunal des conflits.

Après avoir rappelé les dispositions du dernier alinéa de l’article 1317 du code civil 1)Article 1317 du code civil : « Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part. Si l’un d’eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité »., le Tribunal des Conflits juge que :

« (…) Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l’exécution de ce contrat » 2)Voir en ce sens : TC 24 novembre 1997 Société de Castro c/ Bourcy et Sole, n° C3060 et ses évolutions..

En l’espèce, le Tribunal des Conflits va estimer que, d’une part, le litige entre les sociétés Axima Concept et Sunwell technologies est bien un litige né de l’exécution du marché de travaux publics et que ces sociétés ne sont pas unies par un contrat de droit privé.

En conséquence, c’est bien la juridiction administrative qui est compétente pour connaitre de l’action de la société Axima Concept contre la société Sunwell technologie s’agissant des demandes fondées sur le dernier alinéa de l’article 1317 du code civil.

S’agissant de l’assureur subrogé dans les droits de la société demanderesse, le Tribunal des Conflits va juger que :

« 6. Dès lors qu’une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant, la juridiction administrative est également compétente pour connaître de l’action de la société XL Insurance Company, subrogée dans les droits de la société Axima concept, contre la société Sunwell technologies fondée sur le même texte ».

La juridiction administrative est ainsi aussi compétente au titre de l’action subrogatoire de l’assureur du cocontractant.

 

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References   [ + ]

1. Article 1317 du code civil : « Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part. Si l’un d’eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité ».
2. Voir en ce sens : TC 24 novembre 1997 Société de Castro c/ Bourcy et Sole, n° C3060 et ses évolutions.

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