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CE 21 février 2025 M.X…D et autres, req. n° 493902 : mentionné aux tables du recueil Lebon
Par une décision rendue le 21 février 2025, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions sur les trois éléments suivants :
- L’applicabilité de l’article 811-1-1 du code de justice administrative (CJA) à un recours dirigé contre un constat de caducité d’un permis de construire ;
- La recevabilité des voisins à former tierce opposition à l’encontre d’un jugement annulant la décision constatant la caducité ;
- Les modalités de calcul de la caducité du permis de construire.
1- Sur l’applicabilité de l’article R. 811-1-1 du CJA à un recours dirigé contre un constat de caducité d’un permis de construire :
Pour rappel, l’article R. 811-1-1 du CJA prévoit que le Tribunal administratif statut en premier et dernier ressort à l’encontre des recours dirigés contre « [l]les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ».
A ce titre, bien que la lettre de l’article susvisé ne vise pas expressément les décisions constatant la caducité d’un permis de construire, le Conseil d’Etat considère toutefois que « Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ayant bénéficié d’un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater. »
Les conclusions du Rapporteur public, Monsieur Clément MALVERTI, sous cette affaire sont d’ailleurs particulièrement éclairantes sur ce point :
« Dès lors, si elles ne sauraient s’appliquer lorsqu’aucun droit à construire n’a été reconnu – par exemple aux refus de permis ou aux décisions de sursis à statuer – elles méritent de faire l’objet d’une interprétation extensive dès lors qu’un permis a été accordé et que son existence ou sa validité est en jeu. (…) Pour les mêmes raisons, et par souci de cohérence avec cette dernière solution, il doit en aller de même des recours dirigés contre les décisions constatant la péremption des permis, lesquelles mettent bien en cause l’existence d’un droit à construire préalablement reconnu. »
Par conséquent, le Conseil d’Etat opère extension de l’article R. 811-1-1 du CJA au décision constant la caducité d’un permis de construire.
2- Sur la recevabilité des voisins à former tierce opposition à l’encontre d’un jugement annulant la décision constatant la caducité :
L’article R. 832 du CJA dispose que « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision. ».
Le Conseil d’Etat vient préciser que :
- Si la qualité de voisin du projet ne confère, en principe, pas la qualité pour former un recours en tierce opposition à l’encontre d’un jugement annulant la décision constatant la caducité ;
- Il en va autrement dans l’hypothèse où le constat a été prononcé à la demande du voisin, comme c’est le cas en l’espèce.
En l’espèce, la tierce opposition est admise.
3- Sur les modalités de calcul du délai de caducité du permis de construire :
Sur le fond, les requérants soutenaient notamment que le permis de construire était caduc dès lors que le point de reprise du délai de caducité d’un permis de construire court à compter de la date de prononcé du jugement.
Pour rappel, le permis de construire est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée de l’arrêté accordant le permis de construire (article R. 424-14 du code de l’urbanisme), délai qui peut être prorogé deux fois pour une durée de un an sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard (article R. 424-21 du code de l’urbanisme).
Toutefois, en application de l’article R. 424-19 du code de l’urbanisme, ce délai est suspendu et ce jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable.
A ce titre, dans la décision commentée, le Conseil d’Etat précise que le délai de péremption recommence à courir non pas à la date de prononcé du jugement mais bien à celle où la décision, en l’absence de recours, est devenue définitif, soit deux mois après le prononcé du jugement.
En l’état, le délai a commencé à courir à compter du 5 avril 2016 puis a été suspendu jusqu’au 28 décembre 2017 (et non au 26 octobre de la même année), pour expirer, compte tenu de la prorogation d’une année obtenue par le pétitionnaire, le 18 juillet 2021.
Puis le Conseil d’Etat de conclure que « eu égard à la nature et l’importance des travaux effectués par le pétitionnaire à cette date, le maire de Marseille ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles R.* 424-17 et suivants, constater, par la décision contestée du 9 septembre 2021, la péremption du permis de construire délivré à la société Logirem ».