Décret du 24 juin 2022 : prolongation et extension de la suppression du degré d’appel pour certains contentieux urbanistiques et environnementaux

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2022

Temps de lecture

4 minutes

Décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme (parties réglementaires)

Le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 prolonge la suppression du degré d’appel pour certains contentieux urbanistiques et étend le dispositif à certains contentieux environnementaux.

En matière d’urbanisme, le décret n°2013-879 du 1er octobre 2013 avait créé l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, qui prévoyait la suppression de l’appel pour les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement, lorsque le bâtiment ou le lotissement s’implantait en zone tendue, au sens de l’article 232 du code général des impôts. Ce dispositif, n’avait été prévu qu’à titre expérimental, et ne s’appliquait qu’aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022.

Le décret du 24 juin 2022 vient proroger cette suppression de l’appel pour les recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027.

Tout en conservant le critère géographique (zone tendue) et en conservant l’exclusion des autorisations et acte afférents aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des JO de 2024, dont la Cour administrative d’appel de Paris est compétente en premier et dernier ressort, le décret du 24 juin 2022 vient modifier le régime existant en procédant simultanément à une extension et à une précision de son champ d’application.

1             S’agissant des autorisations d’urbanisme, la suppression de l’appel est ainsi étendue à des décisions jusqu’alors exclues à l’instar des décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable, de permis de démolir ou de permis d’aménager un lotissement et  aux décisions de refus de permis de construire 1)Sous l’empire du décret n°2013-879 du 1er octobre 2013, le Conseil d’Etat était ainsi venu préciser que les dispositions de l’article R. 811-1-1 dérogeant au principe du double degré de juridiction et devant par conséquent être d’interprétation stricte, le jugement se prononçant sur un recours exercé contre un refus d’autorisation pouvait faire l’objet d’un appel (CE 25 novembre 2015 Commune de Montreuil, req. n° 390370, commentée sur le blog), de même concernant les certificats de conformité des travaux (CE 26 avril 2022 Société Immobilière Aire Saint-Michel, req. n°452695),  les décisions de sursis à statuer (CE 8 novembre 2017 SAS Ranchère, req. n° 409654) et ce même si le sursis à statuer concerne un lotissement (CE 15 décembre 2021 Commune de Venelles, req. n° 451285 ; commentée sur le blog. Le décret apporte une précision intéressante, en ce qu’il circonscrit le dispositif existant aux seuls permis de construire ou de démolir portant sur plus de deux logements, notion plus précise et plus large que celle de « bâtiment à usage principal d’habitation » précédemment utilisée.

En résumé en matière d’autorisation d’urbanisme, sont donc insusceptibles d’appel : les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ;

Enfin, s’agissant des autorisation d’urbanisme, le décret  aligne pour partie le régime de la suppression de l’appel avec le régime d’encadrement des délais de premier instance prévu à l’article R. 600-6 du code de l’urbanisme. Ainsi à compter du 1er septembre 2022 cet article précisera que : « Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements, contre les permis d’aménager un lotissement ou contre les décisions refusant la délivrance de ces autorisations. ». Les décisions de refus étaient jusqu’à présent exclues des dispositions de cet article. On peut toutefois se demander pourquoi le pouvoir réglementaire n’a pas souhaité encadrer dans ce délai de 10 mois les recours dirigés contre les décisions d’opposition ou de non-opposition à déclaration préalable autorisant un lotissement, alors que celles-ci ont été intégrées dans le régime de suppression de l’appel.

2             Le décret étend également le dispositif de suppression de l’appel aux actes de création ou de modification des ZAC et les actes approuvant le programme des équipements publics de celles-ci, lorsque la ZAC porte principalement sur la réalisation de logements et qu’elle est située en tout ou partie en zone tendue.

3             Enfin, le décret du 24 juin 2022 étend la suppression de l’appel à plusieurs décisions prises en matière environnementale relatives à des actions ou opérations d’aménagement, lorsque celles-ci sont situées en tout ou partie en zone tendue et qu’elles sont réalisées dans le cadre de grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations d’intérêt national (OIN).

Sous réserve de satisfaire ces critères, seront ainsi insusceptibles d’appel les jugements des tribunaux administratifs relatifs aux décisions suivantes :

  • Les autorisations environnementales ainsi que les arrêtés portant prescriptions complémentaires (art. 181-1 et L. 181-14 C. Env.).
  • En matière d’IOTA, les décisions de non-opposition à déclaration ainsi que les arrêtés portant prescriptions particulières ( 214-3, II C. Env.)
  • Les décisions de dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées ainsi que les arrêtés portant prescriptions complémentaires en la matière ( 411-2, I, 4° et R. 411-10-2 C. Env.).
  • En matière d’ICPE, les récépissés de déclaration ou d’enregistrement ainsi que les arrêtés portant prescriptions complémentaires ou spéciales en la matière ( 512-7, L. 512-8, L. 512-7-5 et L. 512-12 C. Env.).
  • Les autorisations de défrichement ( 341-3 C. Forestier)

Les dispositions précitées sont instaurées à titre provisoire et s’appliqueront aux recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027.

 

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1. Sous l’empire du décret n°2013-879 du 1er octobre 2013, le Conseil d’Etat était ainsi venu préciser que les dispositions de l’article R. 811-1-1 dérogeant au principe du double degré de juridiction et devant par conséquent être d’interprétation stricte, le jugement se prononçant sur un recours exercé contre un refus d’autorisation pouvait faire l’objet d’un appel (CE 25 novembre 2015 Commune de Montreuil, req. n° 390370, commentée sur le blog), de même concernant les certificats de conformité des travaux (CE 26 avril 2022 Société Immobilière Aire Saint-Michel, req. n°452695),  les décisions de sursis à statuer (CE 8 novembre 2017 SAS Ranchère, req. n° 409654) et ce même si le sursis à statuer concerne un lotissement (CE 15 décembre 2021 Commune de Venelles, req. n° 451285 ; commentée sur le blog

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