Non-rétroactivité de la loi Le Meur aux changements d’usage illicites antérieurs à son entrée en vigueur

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2025

Temps de lecture

3 minutes

Cass. 3ème civ. Avis 10 avril 2025  n° 25-70.002

Par avis du 10 avril 2025, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation précise que l’amende civile, dont le montant maximal a été porté de 50.000 à 100.000 euros par local depuis la loi Le Meur, fondée sur un changement d’usage illicite intervenu avant le 21 novembre 2024 est sollicitée, la détermination de l’usage d’habitation du local doit s’effectuer à l’aune des critères de la loi ancienne, c’est‑à‑dire au regard de la seule date de référence du 1er janvier 1970.

Devant se prononcer sur l’application d’une amende civile sur le fondement d’un changement d’usage illicite intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi Le Meur, le tribunal judiciaire de Paris a formulé une demande d’avis le 15 janvier 2025 à la Cour de cassation, en application des articles L. 441‑1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031‑1 et suivants du code de procédure civile.

D’une part, la Haute juridiction était questionnée de la façon suivante : dans le cadre de l’application de l’amende civile prévue par l’article L. 651‑2 du code de la construction et de l’habitation lorsque celle‑ci est sollicitée sur le fondement d’un changement d’usage illicite intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi Le Meur du 19 novembre 2024, la détermination de l’usage d’habitation du local prévue par l’article L. 631‑7 du même code doit‑elle s’effectuer à l’aune des critères de la loi nouvelle ou de la loi ancienne ?

D’autre part, dans l’hypothèse où la Cour de cassation trancherait en faveur de l’application de la loi nouvelle aux faits antérieurs de changement d’usage illicite, il était demandé si les nouveaux critères de l’usage d’habitation sont applicables aux instances en cours ou uniquement aux seules instances introduites postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Le Meur.

Pour mémoire, l’ancienne rédaction de l’article L. 631‑7 du code de la construction et de l’habitation n’assimile à la notion de local réputé à usage d’habitation que les locaux affectés à cet usage au 1er janvier 1970. Désormais, sont réputés à usage d’habitation les locaux affectés à cet usage soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage.

Surtout, la location de meublés de tourisme ne respectant pas les prescriptions des articles L. 631‑7 et suivants du même code est désormais sanctionnée d’une amende civile ne pouvant excéder 100.000 euros par local irrégulièrement transformé, contre 50.000 euros auparavant.

Or, la 3ème chambre civile rappelle qu’une amende civile constitue une sanction ayant le caractère d’une punition (Cass. 3ème civ. 5 juillet 2018 QPC n° 18‑40.014 ; Cass. 3ème civ. 11 juillet 2024 n° 23‑10.467).

Dès lors, la question de la rétroactivité doit se poser sous le prisme de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Cette protection constitutionnelle s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition (DC 30 décembre 1982 n° 82‑155 DC).

Ainsi, l’application rétroactive de la loi Le Meur ne saurait être retenue si celle‑ci pose une nouvelle règle de fond plus sévère s’agissant de l’amende civile prévue en cas de changement d’usage illicite.

Or, en substituant à la date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes de référence pour réputer un local à usage d’habitation, la loi affecte les règles de fond de l’article L. 631‑7 du code de la construction et de l’habitation.

Il en résulte que la loi Le Meur doit être regardée comme plus sévère et ne peut pas faire l’objet d’une application rétroactive concernant l’application des amendes civiles sanctionnant des changements d’usage illicites intervenus avant sa promulgation.

Ainsi, lorsqu’une amende civile prévue par l’article L. 651‑2 du code de la construction et de l’habitation est sollicitée sur le fondement d’un changement d’usage illicite intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi Le Meur, la détermination de l’usage d’habitation du local prévue par l’article L. 631‑7 du même code doit s’effectuer à l’aune des critères de la loi ancienne.

Cette réponse rend la seconde question sans objet, justifiant de l’écarter.

 

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