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Par une décision du 15 décembre 2025, le Conseil d’Etat fait application du principe d’autorité de la chose jugée, au regard du jugement du tribunal correctionnel constatant la nullité du procès-verbal d’infraction constituant le fait générateur de la taxe d’aménagement, et fait droit à la demande de décharge de la somme réclamée au titre du recouvrement de la taxe d’aménagement.
Au cas d’espèce, la société Domaine de Thanvillé avait fait l’objet d’une procédure de taxation d’office à la suite de travaux réalisés sur le château de Thanvillé et pour lesquels un procès-verbal d’infraction avait été dressé le 2 septembre 2015, suite à un contrôle réalisé le 28 juillet 2015.
Un titre de perception avait ensuite été émis par la Préfète de la Région Grand Est et du département du Bas-Rhin, en vue du recouvrement de la taxe d’aménagement, pour un montant de 15 056 euros.
La société avait alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg d’une requête tendant à l’annulation du titre de perception émis en vue du recouvrement de la cotisation de taxe d’aménagement et des pénalités correspondantes, au motif notamment qu’en vertu de l’article L. 425-5 du code de l’urbanisme, les travaux réalisés sur un monument classé au titre des monuments historiques n’étaient pas soumis à autorisation d’urbanisme (mais à l’autorisation de travaux prévue au titre de l’article L. 621-9 du code du patrimoine). Par voie de conséquence, selon la requérante, les travaux réalisés objets du procès-verbal d’infraction ne donneraient pas lieu au paiement de la taxe d’aménagement. En effet, pour rappel, l’article L. 331-6 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige, prévoyait que seuls les travaux soumis à un régime d’autorisation en vertu du code de l’urbanisme donnaient lieu au paiement de la taxe d’aménagement.
Par un jugement 1)TA Strasbourg 12 janvier 2023 SCI du domaine de Thanvillé, req. n° 2008383 en date du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en considérant que la société requérante n’ayant pas obtenu l’autorisation de travaux prévue au titre de l’article L. 621-9 du code du patrimoine, elle n’était pas fondée à soutenir que les travaux effectués étaient dispensés d’autorisation d’urbanisme et que la procédure de taxation d’office ne pouvait être suivie.
Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cette décision, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article L. 331-6 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige, le fait générateur de la taxe d’aménagement est, « en cas de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle du procès-verbal constatant l’achèvement des constructions ou des aménagements en cause ».
A ce titre, le Conseil d’Etat considère que :
- D’une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le titre de perception contesté a été émis pour le recouvrement d’une cotisation de taxe d’aménagement liquidée au vu d’un procès-verbal d’infraction au code de l’urbanisme constatant la réalisation sans autorisation de travaux de construction et d’agrandissement ;
- D’autre part, il ressort des pièces produites pour la première fois en cassation que par un jugement du 24 novembre 2016, dont il n’est pas contesté qu’il est devenu définitif, le tribunal correctionnel de Colmar a constaté la nullité de ce procès-verbal, nécessaire à l’établissement de la taxe d’aménagement.
Dès lors, l’autorité de la chose jugée au pénal fait obstacle au maintien de la cotisation de taxe d’aménagement en litige, établie au vu du procès-verbal annulé.
Cette décision est une illustration du principe selon lequel les moyens d’ordre public peuvent être invoqués pour la première fois en cassation, ce que la Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de juger concernant la production du jugement pénal devenu définitif pour la première fois au stade de la cassation 2)CE, Section, 16 février 2018, Mme A., req. n° 395371 : publié au recueil Lebon ; CE, Chambres réunies, 27 mai 2021 Ministre de l’intérieur, req. n° 436815 : mentionné aux Tables.
En effet, l’autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives s’impose aux juridictions administratives de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est d’ordre public et peut être invoqué pour la première fois en cassation même si le jugement pénal est produit pour la première fois à ce stade de la procédure.
Enfin, les dispositions aujourd’hui applicables à la taxe d’aménagement 3)cf. Article 1635 quater F du CGI prévoient le cas de l’absence de procès-verbal. En effet, le fait générateur de la taxe d’aménagement est désormais, selon le cas, la date de la délivrance (tacite ou explicite) de l’autorisation d’urbanisme, ou, « en cas de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, la date du procès-verbal constatant l’achèvement ou, à défaut d’un tel procès-verbal, la date d’achèvement des constructions ou des aménagements en cause ».
References
| 1. | ↑ | TA Strasbourg 12 janvier 2023 SCI du domaine de Thanvillé, req. n° 2008383 |
| 2. | ↑ | CE, Section, 16 février 2018, Mme A., req. n° 395371 : publié au recueil Lebon ; CE, Chambres réunies, 27 mai 2021 Ministre de l’intérieur, req. n° 436815 : mentionné aux Tables |
| 3. | ↑ | cf. Article 1635 quater F du CGI |