Redevances pour service rendu : une nouvelle délibération peut fixer rétroactivement les tarifs de l’eau à la suite de la déclaration d’illégalité d’une précédente délibération tarifaire

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE sect. 28 avril 2014 Mme Anchling et autres, req. n° 357090

Par un jugement du 5 novembre 2005 devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg avait déclaré illégales les délibérations des 11 avril 1988, 3 décembre 1989, 3 mars et 9 avril 1990, 22 janvier et 19 mars 1993 du syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze qui fixaient le tarif du service public de distribution d’eau.

A la suite de ce jugement, le syndicat avait dû reprendre une délibération afin de fixer le tarif de l’eau. Par une délibération du 16 mars 2006, le syndicat a ainsi « décidé de maintenir le prix de l’eau tel qu’il a été arrêté et facturé aux différents usagers sur la période du 11 avril 1988 au 31 décembre 2003 ». Cette nouvelle délibération avait donc un effet rétroactif en ce qu’elle fixait, aux fins de régulariser la situation, le tarif des redevances pour la période initialement couverte par les délibérations déclarées illégales par le jugement précité du 5 novembre 2005.

Par deux jugements du 17 septembre 2010, le tribunal d’instance de Metz a sursis à statuer sur les demandes des usagers contre les titres exécutoires 1) Afin de contester ces titres exécutoires émis à leur encontre, plusieurs usagers du syndicat avaient soulevé devant la juridiction judiciaire l’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau et sur le fondement desquelles les titres exécutoires avaient été émis. émis les 24 avril et 13 novembre 2003 pour le paiement de leur consommation d’eau au titre de la même année invitant les requérants à saisir la juridiction administrative de la question de la rétroactivité de la délibération du 16 mars 2006 ainsi que de la légalité de cette délibération.

Par un jugement du 15 juin 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la délibération précitée rétroactive et non entachée d’illégalité. Les requérants ont donc fait appel de ce jugement pour demander l’annulation de ce jugement et pour déclarer la délibération du 26 mars 2006 illégale.

Le Conseil d’Etat confirme, dans un premier temps, le caractère rétroactif de la délibération du 16 avril 2006. Cette délibération avait pour objectif de pallier la déclaration d’illégalité des précédentes délibérations en fixant pour l’avenir et le passé le tarif de l’eau.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise que la déclaration d’illégalité – contrairement à une annulation – des délibérations n’a pas eu pour effet de faire disparaitre rétroactivement ces délibérations, ni de faire revivre les précédentes tarifications. Par conséquent, depuis la déclaration d’illégalité des délibérations précitées de 1988, 1989, 1990 et 1993, aucun tarif n’était légalement applicable.

La question de la tarification durant la période contestée devait donc être réglée par le syndicat, démarche que valide le Conseil d’Etat :

« Considérant, toutefois, qu’eu égard à la nature et à l’objet des redevances pour service rendu, qui constituent la rémunération des prestations fournies aux usagers, cette déclaration d’illégalité ne saurait avoir pour effet de décharger les usagers ayant ainsi contesté les montants de redevance mis à leur charge de toute obligation de payer une redevance en contrepartie du service dont ils ont effectivement bénéficié ; que, dès lors, le syndicat intercommunal a pu légalement, pour régulariser les situations nées de ces litiges, adopter une délibération fixant de manière rétroactive, dans le respect des motifs constituant le support nécessaire du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2005, le tarif de l’eau devant être appliqué, pour les périodes de consommation litigieuses, aux usagers ayant bénéficié du service et contesté, par la voie contentieuse, les montants de redevance mis à leur charge en raison de l’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau ».

Dans le cadre d’une telle régularisation, la personne publique doit toutefois tenir compte du jugement de déclaration d’illégalité :

« Considérant que pour adopter une telle délibération, qui n’a pas eu pour effet de valider les titres exécutoires émis sur le fondement des délibérations illégales, il incombait au syndicat intercommunal, ainsi qu’il a été dit au point précédent, de tenir compte des motifs constituant le support nécessaire du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2005 ayant déclaré illégales les délibérations fixant le tarif de l’eau des 11 avril 1988, 3 décembre 1989, 3 mars et 9 avril 1990, 22 janvier et 19 mars 1993 ; qu’il ressort des termes de ce jugement que ces délibérations ont été déclarées illégales au seul motif qu’elles avaient été adoptées selon une procédure irrégulière, le conseil syndical n’ayant pas délibéré à la majorité de ses membres ; que, par suite, le syndicat intercommunal n’a pas méconnu l’autorité de la chose jugée par le tribunal administratif en fixant le tarif de l’eau au même niveau que celui qui résultait des délibérations illégales ».

Autrement dit, compte tenu de la nature de l’illégalité 2) Les délibérations avaient été déclarées illégales sur le fondement d’un vice de procédure, le conseil syndical n’ayant pas délibéré à la majorité de ses membres. qui avait motivé la déclaration d’illégalité des délibérations précitées de 1988, 1989, 1990 et 1993, le syndicat pouvait régulièrement reprendre les mêmes tarifs.

Par conséquent, le Conseil d’Etat rejette la requête des usagers et valide ainsi la tarification fixée par la délibération du 16 mars 2006.

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References   [ + ]

1. Afin de contester ces titres exécutoires émis à leur encontre, plusieurs usagers du syndicat avaient soulevé devant la juridiction judiciaire l’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau et sur le fondement desquelles les titres exécutoires avaient été émis.
2. Les délibérations avaient été déclarées illégales sur le fondement d’un vice de procédure, le conseil syndical n’ayant pas délibéré à la majorité de ses membres.

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