Acheteurs publics, gare aux arnaques : payez bien ou payez deux fois !

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2024

Temps de lecture

2 minutes

CE 21 octobre 2024 Grand port maritime de Bordeaux, req. n° 487929 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Le grand port maritime de Bordeaux, victime d’une escroquerie, a procédé au virement des sommes dues sur un compte bancaire frauduleux. Le grand port estime que ces versements sont libératoires. Le cocontractant l’assigne devant le tribunal administratif de Bordeaux qui condamne la personne publique. La cour administrative d’appel rejette également l’appel. L’affaire est donc portée devant le Conseil d’Etat.

L’arrêt rendu rappelle qu’il appartient à une personne publique de procéder au paiement des sommes dues en exécution d’un contrat administratif. Cela implique, dans le cas d’une fraude tenant à l’usurpation d’identité du cocontractant et ayant pour conséquence le détournement des paiements, que ceux-ci soient renouvelés. Le principe du créancier apparent issu du droit civil (art. 1342-3 du code civil) ne s’applique pas aux contrats administratifs. La personne publique n’est pas non plus fondée à invoquer le principe suivant lequel une personne publique ne peut être condamnée à verser une somme qu’elle ne doit pas.

Avec cette décision, le Conseil d’Etat vient unifier la jurisprudence des juges du fond. En effet, dans une affaire similaire, la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai 26 mars 2024 habitat 76, req. n° 22DA01355) avait reconnu que l’article 1342-3 du code civil pouvait avoir vocation à s’appliquer bien qu’elle en ait fait une application stricte pour finalement refuser de reconnaitre l’existence d’un créancier apparent dans cette affaire. La cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux 4 juillet 2023 grand port maritime de Bordeaux, req n° 21BX02286) avait quant à elle refusé l’application de la notion de créancier apparent. La haute juridiction apporte donc une réponse claire : la notion de créancier apparent ne s’applique pas aux contrats administratifs.

Il demeure toutefois possible pour la personne publique d’engager la responsabilité du cocontractant si celui-ci commet une faute qui conduit à la fraude. Reste à savoir le niveau d’implication exigé pour engager la responsabilité du cocontractant. Cette décision appelle à la plus grande prudence pour les personnes publiques ainsi que pour les entreprises qui doivent faire attention à ne pas commettre d’erreur pouvant aboutir à l’engagement de leur responsabilité dans un contexte où les fraudes et tentatives de fraude se multiplient de façon préoccupante.

 

Partager cet article

3 articles susceptibles de vous intéresser