Action en garantie des constructeurs : le tribunal des conflits unifie la compétence du juge administratif

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2015

Temps de lecture

3 minutes

TC 9 février 2015 M. T. et M. R., n° 3983

Le 16 décembre 1993, la commune de Chaponost a confié à un groupement solidaire un marché de maîtrise d’œuvre pour la conception d’une école élémentaire, groupement composé notamment d’un architecte et d’un ingénieur conseil. En 1999, la commune a constaté que la cloison mobile séparant les deux salles de restauration de l’école ne pouvait plus être repliée en raison d’un fléchissement de la poutre en béton sur laquelle elle était fixée.

La commune de Chaponost a d’abord assigné son assureur devant le tribunal administratif, lequel s’est déclaré incompétent (avant la loi MURCEF, les marchés publics n’étaient des contrats administratifs qu’à condition de correspondre aux critères de qualification jurisprudentiels), puis, en conséquence, devant le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon. Devant le TGI de Lyon, l’assureur de la commune a appelé en garantie les constructeurs, et notamment l’architecte et l’ingénieur conseil, lesquels se sont respectivement appelés en garantie.

Le juge judiciaire a statué sur l’action engagée par la commune envers son assureur, mais s’est déclaré incompétent pour connaître du recours de l’assureur, subrogé dans les droits de la commune, à l’encontre des constructeurs, comme des appels en garanties respectifs desdits constructeurs. Le jugement du TGI de Lyon a été confirmé par la cour d’appel de Lyon, par un arrêt incontesté.

L’assureur a donc saisi le tribunal administratif de Lyon, lequel a réglé le litige l’opposant aux constructeurs par un jugement du 13 juin 2013.

Le juge administratif s’est cependant estimé incompétent pour connaitre des actions en garantie présentées par l’architecte et l’ingénieur conseil, membres du groupement de maîtrise d’œuvre, l’un contre l’autre. Compte tenu de l’arrêt définitif de la cour d’appel de Lyon estimant également le juge judiciaire incompétent, le tribunal administratif a saisi le tribunal des conflits (TC) de ce sujet.

La répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif en matière avait déjà été définie par une jurisprudence « Société de Castro » 1) TC 24 novembre 1997 Société de Castro, req. n° C03060, aux termes de laquelle le TC avait arrêté que les litiges nés de l’exécution d’un marché public de travaux, et opposant des participants à l’exécution de ces travaux, relèvent de la compétence de la juridiction administrative sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.

En l’espèce, le commissaire du gouvernement a proposé au TC de considérer que la seule existence d’un groupement d’entreprises ne pouvait préjuger de l’existence d’un contrat de droit privé les liant, et partant, que ce conflit opposant l’architecte et le maître d’œuvre relevait de la compétence du juge administratif, conformément aux termes de la jurisprudence « Société de Castro » 2) Voir en ce sens les conclusions, disponibles à l’adresse suivante :
http://www.tribunal-conflits.fr/PDF/3983_Conclusion_conclusions_tc_3983.pdf
.

Mais le TC est allé plus loin, en abandonnant la règle posée par cette jurisprudence. Il a ainsi considéré que :

    « […] lorsque le juge administratif est saisi d’un litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics opposant le maître d’ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ; si tel n’est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d’un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l’interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse […] »

Désormais, ce n’est donc plus la question de l’existence d’un contrat de droit privé liant les membres d’un groupement qui se posera pour déterminer l’ordre juridictionnel compétent, mais uniquement celle d’une sérieuse difficulté d’interprétation ou de validité dudit contrat de droit privé. Relevons que cette solution ne vaut que pour les litiges entre constructeurs qui se greffent à un litige principal les opposant au maître de l’ouvrage.

Le TC procède ainsi à une approche souple de la répartition des compétences, aux fins d’unifier la compétence du juge administratif sur ce sujet dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, préoccupation qui ne lui est pas nouvelle 3) TC 17 octobre 2011 SCEA du Chéneau et autres, req. n° C3828 et n° C3829.

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References   [ + ]

1. TC 24 novembre 1997 Société de Castro, req. n° C03060
2. Voir en ce sens les conclusions, disponibles à l’adresse suivante :
http://www.tribunal-conflits.fr/PDF/3983_Conclusion_conclusions_tc_3983.pdf
3. TC 17 octobre 2011 SCEA du Chéneau et autres, req. n° C3828 et n° C3829

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