Annulation de la délibération du 11 avril 2019 approuvant le PLUiH de Toulouse Métropole : le tribunal juge qu’il n’y a finalement pas lieu de moduler les effets de l’annulation dans le temps

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2021

Temps de lecture

5 minutes

TA Toulouse 20 mai 2021 Le collectif des riverains de l’avenue de la République et de la route de Toulouse à Cornebarrieu et autres, n° 255886

Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du 11 avril 2019 approuvant le plan local d’urbanisme intercommunal valant programme de l’habitat de Toulouse Métropole.

L’annulation de ce document d’urbanisme, fixant les règles d’urbanisme applicables sur les 37 communes de la métropole, a notamment été justifiée par le fait que l’analyse de la consommation des espaces naturels et agricoles et la justification des objectifs de modération de cette consommation présentaient des insuffisances substantielles au regard des exigences du code de l’urbanisme.

Le tribunal avait cependant sursis à statuer pendant une durée de quinze jours sur la date d’effet de l’annulation du PLUiH afin de permettre aux parties de débattre sur le point de savoir s’il y avait lieu de moduler les effets dans le temps de l’annulation.

Par une décision du 20 mai 2021, le tribunal a finalement rendu une décision prononçant l’annulation avec effet immédiat du PLUiH de la métropole toulousaine.

1      L’annulation avec effet différé, un rappel du mécanisme introduit par la jurisprudence « association AC ! »

Au regard de l’enjeu particulier de l’annulation du PLUiH, le tribunal s’est interrogé sur la nécessité de moduler les effets de sa décision dans le temps conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat de 2004, Association AC ! (CE 11 mai 2004 Association AC ! et autres, n°255886).

Pour mémoire, cette décision est revenue sur un des grands principes du droit administratif tenant à ce que l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte n’est jamais intervenu, en admettant une dérogation à l’effet rétroactif de cette annulation dans le cas où cette rétroactivité « est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets ».

2      Le refus particulièrement motivé de déroger au principe de l’annulation rétroactive d’un acte

Le tribunal, après avoir recueilli les observations des parties, a estimé qu’aucun argument ne permettait « d’établir que l’annulation rétroactive du PLUiH pourrait entrainer au regard des divers intérêts publics et privés en présence, des conséquences manifestement excessives susceptibles de justifier qu’il soit procédé à titre dérogatoire à une modulation des effets de cette annulation ».

Cette décision est fondée sur quatre principaux motifs :

Tout d’abord, le tribunal indique que l’annulation du PLUiH de Toulouse Métropole ne donnera pas lieu à une situation de vide juridique. Cette annulation aura en effet comme conséquence de remettre en vigueur les 30 PLU et 7 POS antérieurs. A cet égard, il précise qu’une modification ou révision des PLU sera possible, si nécessaire, en l’attente d’un nouveau document intercommunal. Quant aux POS, ils resteront applicables pour une durée de deux ans sans pouvoir faire l’objet d’évolution avant d’être remplacés par les règles nationales d’urbanisme si aucun document intercommunal n’est adopté entre temps, conformément à l’article L.174-6 du code de l’urbanisme. Le tribunal estime toutefois que cette situation ne concerne qu’une part résiduelle des communes de la métropole (moins de 10% de la superficie totale de la métropole et moins de 5% de la population métropolitaine).

Ensuite, il est souligné qu’au regard de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, qui prévoit que l’annulation d’un PLU est par elle-même sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols dès lors que cette annulation repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, il n’est pas établi qu’un nombre excessif de décisions, demandes ou projets d’urbanisme seraient impactées par cette annulation (sur la notion de « motif étranger » : voir notre article sur l’avis : CE sect. avis 2 octobre 2020 SCI du Petit Boisn° 436934, publié au Recueil). Et le tribunal ajoute qu’il n’est pas non plus établi qu’un nombre important de demandes ou de projets en cours d’instruction pourraient se trouver compromis ou retardés de manière significative en raison du retour à la règlementation locale antérieure.

Le troisième motif apporté par le tribunal concerne la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il rappelle tout d’abord que le rapport de présentation du PLUiH était entaché d’insuffisances sur l’analyse de la consommation passée de ces espaces et que la justification des objectifs du PADD pour la période à venir n’était pas de nature à induire une modération effective de leur consommation, ce qui a conduit à l’annulation du document. A cet égard, il estime que la métropole n’a pas démontré que le retour aux documents d’urbanisme communaux serait susceptible de permettre une consommation d’espace supérieure à celle résultant d’un maintien en vigueur du PLUiH. En effet, le tribunal relève qu’il ressortait « du livret 1B1 (diagnostic socio-économique) que, sur les 2 985 hectares de zones AU prévues dans les documents locaux antérieurs, 2 374 hectares restaient disponibles en 2015. Il est vrai que cette surface est sensiblement supérieure à la superficie totale des zones AU instituées par le PLUiH, laquelle est de 1 713 hectares selon le tableau du livret 1C (justification du projet). Il apparaît toutefois que, sur l’ensemble des zones AU encore disponibles en 2015, 819 hectares seulement relevaient d’un classement en zone AU « ouverte », immédiatement urbanisable, dont 112 hectares réservés à des activités de loisirs, alors que la superficie restante de 1 555 hectares relevait d’un classement en zone AU « fermée », dont l’urbanisation demeure en toute hypothèse subordonnée à une évolution du document d’urbanisme à l’initiative de la collectivité. Dans le PLUiH, sans même tenir compte des surfaces vacantes dans les zones urbaines, la superficie des zones AU « ouvertes » est de 748 hectares, ce qui représente une réduction de moins de 9 % par rapport à la situation de 2015 et même une progression de 10 % si l’on exclut du calcul les zones réservées aux loisirs. Le maintien en vigueur du PLUiH n’est donc pas de nature à garantir une moindre consommation d’espace que le retour aux précédents documents d’urbanisme ».

Enfin, le tribunal ne retient pas non plus l’argument de la métropole de Toulouse concernant les inconvénients susceptibles de résulter de l’annulation du PLUiH en matière de production de logements sociaux. D’une part, il rappelle que les communes soumises à des obligations législatives en la matière sont tenues de les respecter, que les objectifs fixés par le programme d’orientations et d’actions pour les autres communes ne revêtaient pas un caractère opposable et que la majorité des documents locaux antérieurs comportaient déjà des prescriptions réglementaires sur ce point. D’autre part, le tribunal considère que les circonstances selon lesquelles « les auteurs du PLUiH ont entendu recourir de manière plus volontariste aux instruments règlementaires de protection des espaces verts et restreindre les possibilités de construction en zone naturelle par rapport à certains plans communaux » ne sont pas suffisantes pour justifier une limitation des effets de l’annulation dans le temps. Pour finir, le tribunal précise qu’il sera possible pour les autorités compétentes de surseoir à statuer sur les demandes d’autorisation susceptibles de porter atteinte à ces objectifs d’intérêt général dès qu’un nouveau débat sur les orientations générales du PADD aura eu lieu.

La métropole a annoncé qu’elle ferait appel de ce jugement.

 

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