Annulation d’un refus de permis, économie des moyens et office du juge d’appel saisi du jugement ayant annulé ledit refus

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 mars 2024, req. n° 463970 : mentionné aux T. Rec. CE

Un moyen de légalité jugé fondé par le juge ou un moyen d’ordre public qu’il a relevé d’office suffit à justifier l’annulation de la décision administrative contestée.

Ainsi, en principe et sauf dispositions législatives contraires, le juge de l’excès de pouvoir n’est pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d’annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d’autres moyens que celui qu’il retient explicitement comme étant fondé 1)CE 21 décembre 2018 Société Eden, req. n° 409678 : publié au Rec. CE.. Il s’agit là du principe dit de « l’économie de moyen ».

Le code de l’urbanisme, à son article L. 600-4-1, prévoit cependant une particularité lorsque le juge se prononce sur la légalité d’un acte intervenu en matière d’urbanisme. En effet, en pareille hypothèse, le juge doit se prononcer sur tous les moyens de la requête qu’il considère susceptible de fonder l’annulation ou la suspension de la décision 2)Article L. 600-4-1 code de l’urbanisme..

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat est venu préciser, d’une part, le régime contentieux applicable aux décisions de refus d’une demande d’urbanisme et, d’autre part, l’office du juge d’appel lorsqu’il doit statuer sur un jugement ayant annulé une décision de refus d’une autorisation d’urbanisme.

Premièrement, le Conseil d’Etat rappelle qu’une décision rejetant une demande d’autorisation d’urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l’excès de pouvoir, en raison de son illégalité interne, et sous réserve du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d’illégalité.

Ainsi, conformément à l’article L. 600-4-1 précité, le tribunal administratif saisi en premier ressort, doit, lorsqu’il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l’ensemble des moyens de la demande qu’il estime susceptibles de fonder cette annulation, que ces derniers portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision.

En revanche, lorsqu’il juge que l’un, ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, il peut rejeter la demande d’annulation sans être tenu de se prononcer sur les autres moyens de la requête qui ne se rapportent pas à la légalité de motifs de refus retenus.

Deuxièmement, le Conseil d’Etat a considéré que le juge d’appel saisi d’un jugement d’annulation de la décision de refus, doit se prononcer sur les différents motifs d’annulation retenus par les juges s’ils sont contestés devant lui.

Ainsi, si le juge d’appel estime qu’un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l’administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut rejeter la demande d’annulation et infirmer le jugement, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l’autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.

Cette décision doit être mis en parallèle avec la décision Commune de Bohars et SALR Minoterie Francès du 28 mai 2001 3)CE 28 mai 2001, req. 218374, 218912, 229455, 229456 : publié au Rec. CE., dans laquelle le Conseil d’Etat avait dégagé le principe selon lequel, le juge d’appel, saisi d’un jugement d’annulation d’un permis de construire, doit se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d’annulation retenus par les juges de première instance et doit apprécier si l’un au moins de ces moyens justifie la solution d’annulation. En pareille hypothèse, le juge d’appel n’est pas tenu d’examiner les autres moyens de première instance.

En revanche, si le juge d’appel estime qu’aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n’est fondé, il doit, saisi par l’effet dévolutif de l’appel, examiner les autres moyens de premières instances soulevés contre ledit permis. Dans ce cas, le juge d’appel doit écarter ceux non fondés, et à l’inverse, se prononcer, pour les moyens fondés, sur l’ensemble de ceux qu’il estime de nature à confirmer l’annulation prononcée par les juges de première instance.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 21 décembre 2018 Société Eden, req. n° 409678 : publié au Rec. CE.
2. Article L. 600-4-1 code de l’urbanisme.
3. CE 28 mai 2001, req. 218374, 218912, 229455, 229456 : publié au Rec. CE.

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