Appréciation de la compatibilité d’un projet à une OAP en ZAC : indifférence du critère de la sous destination et contrôle de qualification juridique du juge de cassation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 30 décembre 2021 Commune de Lavérune, req. n° 446763-446766 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Interrogé sur la compatibilité d’un permis de construire avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme (PLU), le Conseil d’Etat précise d’une part, la portée de son contrôle de cassation, et d’autre part, la grille de lecture de ces orientations.

En l’espèce, le maire de Lavérune avait accordé, le 14 juin 2019, un permis de construire portant sur la construction d’une résidence intergénérationnelle pour jeunes adultes et personnes âgées dont le terrain d’assiette était situé dans une zone d’aménagement concerté. L’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) fixait – comme élément de programmation de la ZAC – un objectif de réalisation d’établissements publics, notamment d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et identifiait le terrain d’assiette du projet comme devant accueillir un tel équipement public.

Dans la présente décision, le Conseil d’Etat rappelle que les projets doivent, en application de l’article L. 152-1 du code de l’urbanisme, être compatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation du PLU et avec les objectifs qui y sont fixés. Ce lien de compatibilité implique lors de l’examen du projet de prendre particulièrement en considération l’emplacement de son terrain d’assiette. Si ce dernier se situe au sein d’une zone d’aménagement concerté, alors il convient de tenir compte de « la localisation, prévue dans les documents graphiques, des principaux ouvrages publics, des installations d’intérêt général et des espaces verts ». En outre, si des orientations précises sont fixées, le contrôle de la compatibilité du projet implique alors de mettre en balance les caractéristiques concrètes du projet avec le degré de précision des orientations d’aménagement et de programmation.

Il estime néanmoins qu’il n’y a pas lieu d’opposer au projet les destinations fixées dans les orientations d’aménagement et de programmation. Les destinations fixées par le code de l’urbanisme sont uniquement applicables au règlement du PLU. En jugeant cela, le Conseil d’Etat suit les conclusions du rapporteur public, Vincent Villette, qui avait estimé qu’une telle interprétation pouvait être justifiée d’une part, par la raison d’être de la nomenclature des destinations fixée à l’ancien article R. 123-9, devenu R. 151-28, du code de l’urbanisme, qui permet d’édicter des règles différenciées selon la destination dans une même zone et d’apprécier les changements de destination. D’autre part, en raison de la nature des orientations d’aménagement et de programmation qui ont pour « vocation à expliciter les actions concrètes de transformation envisagées sur certaines parties du territoire – notamment les ZAC ».

Le tribunal administratif avait constaté l’illégalité du projet au motif que sa sous-destination n’était pas compatible avec celle fixée dans l’orientation d’aménagement et de programmation. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement.

Il rappelle à ce titre que le projet autorisé porte sur la construction d’une résidence intergénérationnelle destinée à accueillir deux tiers de personnes âgées avec une prise en charge rendue possible par un service d’aide à domicile. Or, un tel projet n’apparaît pas incompatible avec l’orientation d’aménagement et de programmation quand bien même il ne relève pas de la même sous destination équipements d’intérêts collectifs et services publics qu’un EHPAD. En effet, les besoins régionaux en matière de prise en charge des personnes âgées ont, depuis l’élaboration de cette orientation, été satisfaits.

Ce faisant, il définit le degré du contrôle du juge de cassation concernant l’appréciation de la compatibilité d’un projet aux orientations d’aménagement et de programmation. Il s’agit d’un contrôle de qualification juridique des faits. Un tel contrôle doit, selon les termes des conclusions du rapporteur public, « s’attacher à rechercher si le projet, compte tenu de ses caractéristiques globales, compromet ou non l’orientation en cause » puisque les orientations d’aménagement et de programmation ont vocation à expliciter les transformations urbaines envisagées. Ce type de contrôle s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle du Conseil d’Etat qui réalise par exemple un contrôle similaire concernant la compatibilité d’une autorisation avec les orientations d’un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme 1)CE 29 décembre 1999 commune de Moze-sur-Louet, req. n° 197206 : aux T. En revanche, sa position diffère de celle appliquée en matière d’aménagement commercial, où il se cantonne, pour apprécier la compatibilité de l’autorisation avec les orientations et les objectifs énoncés par un SCoT, à un contrôle de dénaturation 2)CE 6 juin 2018 Société Hurtevent LC, req. n° 405608 : aux T.

 

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References   [ + ]

1. CE 29 décembre 1999 commune de Moze-sur-Louet, req. n° 197206 : aux T
2. CE 6 juin 2018 Société Hurtevent LC, req. n° 405608 : aux T

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