
Catégorie
Date
Temps de lecture
CE avis 2 octobre 2025, req n° 504677 : Lebon
Saisi pour avis par la cour administrative d’appel de Paris, le Conseil d’Etat a apporté de nouvelles précisions sur le délai de recours contre les décisions implicites de rejet – qui interviennent dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée et sans qu’un accusé de réception n’ait mentionné les voies et délais de recours.
Plus particulièrement, le Conseil d’Etat a été invité à se prononcer sur le cas dans lequel une demande de communication des motifs a été adressée à l’administration, conformément à l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration dans le délai de recours contentieux.
En principe, conformément à une jurisprudence ancienne, issue de la décision Testa 1)CE 29 mars 1985 Testa req. n° 45311, 46374 : Lebon, seule la communication des motifs par l’administration était susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de deux mois contre la décision implicite de rejet de sorte que les décisions étaient indéfiniment contestables.
Le Conseil d’Etat, à contre-courant de la jurisprudence encore largement appliquée par les juridictions du fond, renverse cette solution 2)Mme Dorothée Pradines relève, dans ses conclusions sur la décision commentée, que ce sont « environ 250 décisions de tribunaux ou de cours » qui reprennent « le considérant de principe de Testa »..
1. Tout d’abord, il rappelle que le délai de recours raisonnable d’un an – sauf circonstances particulières – issu de la jurisprudence Czabaj 3)CE 13 juillet 2016 M. Czabaj, req. n° 387763 : Lebon s’applique lorsqu’une décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration.
En se fondant sur les principes déjà consacrés notamment dans sa décision M. Jounda Nguegoh 4)CE 18 mars 2019 M. Jounda Nguegoh, req. n° 417270 : Lebon, le Conseil d’Etat admet que deux hypothèses permettent d’établir la connaissance de la décision implicite :
- soit l’intéressé a été clairement informé des conditions de naissance de la décision implicite lors de la présentation de sa demande, dans ce cas, le délai raisonnable d’un an court à compter de la décision implicite ;
- soit la preuve peut être établie car la décision a été expressément mentionnée dans des échanges avec l’administration, par exemple dans le cas d’un recours gracieux, alors le délai raisonnable d’un an court à compter de la date de l’évènement établissant qu’il a eu connaissance de la décision implicite.
2. Après avoir rappelé cette grille d’analyse, le Conseil d’Etat précise les modalités d’application de ces principes lorsqu’une demande de communication des motifs d’une décision implicite de rejet qui aurait dû être motivée, est adressée à l’administration sur le fondement de l’article 232-4 du code des relations entre le public et l’administration dans le délai de recours contentieux, le cas échéant déterminé en application de la jurisprudence Czabaj dans les conditions exposées ci-dessus au point 1.
Le Conseil d’Etat distingue deux hypothèses :
- si l’administration communique les motifs : le délai est prorogé jusqu’à l’expiration du délai de deux mois suivant la date de communication desdits motifs ;
- lorsque l’administration persiste à garder son silence à l’issue du délai d’un mois dont elle dispose pour communiquer les motifs, le recours contentieux doit être formé dans le délai d’un an à compter de la demande de communication des motifs.
Ainsi que le mettent en évidence les conclusions de Mme Dorothée Pradines, sur cette solution « plus frustre », revient à admettre que « dans la très grande majorité des cas, le délai total de recours contre la décision implicite en jeu serait supérieur, voire très supérieur, à un an ».
3. Enfin, le Conseil d’Etat précise les modalités d’application dans le temps de cette nouvelle jurisprudence : lorsque la demande de communication a été présentée antérieurement à la publication de l’avis commenté, le délai maximal d’un an court à compter de cette publication 5)Conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 9 novembre 2023 L. et autres .. c. France, n° 72173/17, § 161.
References
1. | ↑ | CE 29 mars 1985 Testa req. n° 45311, 46374 : Lebon |
2. | ↑ | Mme Dorothée Pradines relève, dans ses conclusions sur la décision commentée, que ce sont « environ 250 décisions de tribunaux ou de cours » qui reprennent « le considérant de principe de Testa ». |
3. | ↑ | CE 13 juillet 2016 M. Czabaj, req. n° 387763 : Lebon |
4. | ↑ | CE 18 mars 2019 M. Jounda Nguegoh, req. n° 417270 : Lebon |
5. | ↑ | Conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 9 novembre 2023 L. et autres .. c. France, n° 72173/17, § 161 |