Avis de publicité : aucune distorsion de concurrence au profit du BOAMP

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2013

Temps de lecture

6 minutes

CE 29 octobre 2012 Société Groupe Moniteur, req . n°353663

1  La société Groupe Moniteur, éditeur de deux grands titres bien connus de tous les acteurs du droit public, La Gazette des communes et Le moniteur des travaux publics, et dont une partie des ressources provient de la publication d’AAPC, soutenait que la réglementation en vigueur procurait un avantage injustifié au Bulletin Officiel des Annonces des Marchés publics (ci-après BOAMP).

Elle demandait l’annulation, d’une part, des articles 12 et 30 du décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant les articles 40 (pouvoir adjudicateur) et 150 (entité adjudicatrice) du code des marchés publics (CMP)[1], et d’autre part, de l’arrêté du ministre de l’économie des finances et de l’industrie du 27 aout 2011 pris en application des articles 40 et 150 CMP et fixant le modèle d’avis pour la passation et l’attribution des marchés publics et accords-cadres.

S’agissant des articles 12 et 30 du décret du 25 août 2011, la société requérante soutenait que le fait pour le BOAMP de pouvoir publier des avis d’appel public à la concurrence sous format électronique ayant la même valeur juridique que les publications papier introduisait un traitement différencié par rapport aux journaux d’annonces légales (JAL) et à la presse spécialisée et créait ainsi une distorsion de concurrence.

En d’autres termes, le BOAMP disposerait d’un avantage injustifié, dans la mesure où il serait le seul habilité à pouvoir publier ses avis sur support papier ou sous format électronique.

S’agissant de l’arrêté du 27 aout 2011 pris en application des articles 40 et 150 CMP, la société requérante soutenait « qu’en prévoyant, s’agissant des marchés dont le montant estimé du besoin est compris entre 90 000 euros HT et les seuils de procédure formalisée, que les avis complémentaires publiés dans un journal spécialisé peuvent ne comporter que certains des renseignements figurant dans l’avis obligatoire publié au BOAMP ou dans un journal habilité à recevoir des annonces légales, méconnaît le principe de l’égalité d’accès à la commande publique et crée au profit du BOAMP une distorsion de concurrence qui n’est justifiée par aucune considération d’intérêt général »

 2  L’argumentation menée n’a pas été suivie par le Conseil d’Etat.

 Dans un premier temps, la Haute juridiction va rappeler les règles applicables concernant les supports de publication, afin de déterminer dans quelle mesure les publications peuvent se trouver en situation de « compétition directe »:

tableau V1

 Dans un second temps, le Conseil d’Etat va rejeter tous les griefs soulevés.

 2.1  Concernant les articles 12 et 30 du décret querellé, le Conseil d’Etat va examiner la situation du BOAMP vis-à-vis des JAL (i) puis vis-à-vis de la presse spécialisée (ii).

 (i) Comme le montre le tableau ci-dessus, le BOAMP et les JAL peuvent être effectivement en situation de concurrence dans certains cas[2]. Toutefois, le Conseil d’Etat écarte les moyens de la requérante en estimant :

  • Que le BOAMP et les JAL étant « soumis à des régimes juridiques distincts[3], la requérante n’est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait illégal en tant qu’il n’a pas imposé au BOAMP une publication sur le seul support papier » ; et
  • Que la requérante « n’établit ni même n’allègue que, s’agissant des publications légales pouvant être faites soit au BOAMP, soit dans [les JAL], il existerait une disproportion manifeste entre les tarifs du BOAMP et ceux fixés pour les annonces légales des journaux à publier, ou entre leurs charges respectives ».

 (ii) Là également, mais de manière plus limitée, les journaux de la presse spécialisée peuvent se trouver en situation de concurrence avec le BOAMP[4].

 Pour autant, pour rejeter les moyens soulevés devant elle, la Haute juridiction va relever :

  • Que la presse spécialisée a également la possibilité de procéder à des publications sous format électronique de sorte qu’il n’existe aucune atteinte à la concurrence, (notamment lorsqu’elle se trouve directement en situation de « compétition » avec le BOAMP[5]) ; et
  • Le décret n’a « ni pour objet ou effet de dissuader les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de recourir à la publication complémentaire des [AAPC] dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné ou dans une autre publication dès lors que » :

–  « Pour les marchés d’un montant inférieur aux seuils de procédure formalisée, la nécessité du recours à la publication dans un journal spécialisé doit être appréciée par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice compte tenu de la nature ou du montant des fournitures, services ou travaux en cause » ;

– « Pour les marchés d’un montant supérieur à ces seuils, l’opportunité d’une parution de l’avis dans une autre publication est, en tout état de cause, laissée à la libre appréciation du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice ».

 Autrement dit,le mode de publication du BOAMP n’aurait aucune sorte d’incidence sur la portée des obligations qui pèsent sur la personne publique en matière de publication complémentaire. 

 2.2  S’agissant de l’arrêté du 27 août 2011, rappelons que la société requérante soutenait qu’en permettant de publier des avis complémentaires dans un journal spécialisé ne comportant que certains des renseignements figurant dans l’avis obligatoire pour les achats supérieurs à 90 000 EUR HT[6], l’arrêté « méconnaît le principe de l’égalité d’accès à la commande publique et crée au profit du BOAMP une distorsion de concurrence qui n’est justifiée par aucune considération d’intérêt général ».

 Si l’on tente de comprendre l’argumentation de la société Groupe Moniteur, une telle situation serait, en quelque sorte, de nature d’une part, à diminuer l’intérêt de faire publier au sein de la presse spécialisée et d’autre part, à ne pas permettre une information utile des candidats.

 Le Conseil d’Etat va estimer qu’il n’existe aucune discrimination répréhensible dans la mesure où, notamment la publication d’avis complémentaires, dépendant de l’appréciation des acheteurs publics, ne constituait, pas une publication obligatoire au même titre que celle réalisée au BOAMP ou dans un JAL :

  • « que, contrairement à ce que soutient la société Groupe Moniteur, la publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné n’est pas une publication obligatoire imposée au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice, pour tous les marchés, par les dispositions des articles 40 et 150 du code des marchés mais une publication complémentaire dont il revient à ces derniers d’apprécier la nécessité compte tenu de la nature ou du montant du marché ; que cette publication, dont les tarifs sont librement fixés, ne constitue pas une publication obligatoire au même titre que la publication au BOAMP ou dans un journal d’annonces légales, dont les tarifs sont fixés respectivement par un arrêté du Premier ministre et un arrêté conjoint des ministres chargés de la communication et de l’économie ; que, dès lors, la société Groupe Moniteur ne peut soutenir que l’arrêté attaqué créerait une discrimination illégale dès lors que, eu égard au cadre légal régissant les publications des avis de marchés publics, le BOAMP et les journaux d’annonces légales d’une part, les journaux spécialisés, d’autre part, ne sont pas placés dans une situation identique en ce qui concerne la publication des avis relatifs aux marchés dont le montant estimé du besoin est compris entre 90 000 euros HT et les seuils de procédure formalisée ».

 Au surplus, le Conseil d’Etat va relever que l’arrêté n’interdit pas à l’acheteur public « de faire figurer dans l’avis complémentaire l’intégralité des renseignements figurant dans l’avis obligatoire ». 

 Le Conseil d’Etat valide ainsi le système de publicité des AAPC au sein duquel le BOAMP jouit d’une place de « choix » dès lors qu’il bénéficie d’un « quasi-monopole » qui ne semble pas avoir été, en lui-même, critiqué par la société requérante. Mais peut-être est-ce la prochaine étape

 


[1]           Articles 12 et 30 du décret 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant en termes identiques les articles 40 – IV et 150-IV du Code des marchés publics comme suit : « Les avis destinés au Bulletin officiel des annonces des marchés publics sont envoyés par téléprocédure. Ils sont publiés sur support papier ou sous forme électronique ».

[2]              Notamment : achats compris entre 90 000 EUR HT et les seuils de procédures formalisées.

[3]              Notamment de tarification et de diffusion.

[4]              Achats dont le montant est inférieur à 90 000 EUR HT.

[5]           Le décret n’a « ni pour objet ni pour effet d’imposer que les publications complémentaires soient effectuées uniquement sur support papier et d’interdire qu’elles le soient, également ou uniquement, sous forme électronique ».

[6]              Article 2 de l’arrêté du 27 août 2011 : « Les avis complémentaires mentionnés au deuxième alinéa du 1° du III et au IV de l’article 40 et au deuxième alinéa du III et au IV de l’article 150 du code des marchés publics peuvent ne comporter que certains des renseignements figurant dans l’un des avis publiés à titre principal au Journal officiel de l’Union européenne, au Bulletin officiel des annonces des marchés publics ou dans un journal habilité à recevoir des annonces légales, à condition qu’ils indiquent expressément les références de cet avis ».

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