Cadre européen d’accélération du déploiement des énergies renouvelables

Catégorie

Environnement

Date

March 2023

Temps de lecture

6 minutes

Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables : JOUE L 335 du 29.12.2022

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, entraînant flambée des prix de l’énergie et risque d’interruption totale de l’approvisionnement en gaz russe dans l’Union européenne, le Conseil de l’UE a récemment adopté un règlement temporaire visant à assouplir les procédures applicables au déploiement de projets de production d’énergies renouvelables.

1 – Objet, champ d’application et durée

Le règlement est entré en vigueur le 30 décembre 2022 et est applicable pendant une durée de 18 mois à compter de cette date, avec une possibilité de prolongation de cette durée par le Conseil sur proposition de la Commission européenne (articles 9 et 10).

Dans ce cadre, il établit des règles temporaires d’urgence visant à accélérer la « procédure d’octroi de permis » (voir ci-après) applicable à la production d’énergie à partir de sources d’énergie renouvelables (article 1er).

Il s’applique :

  • A toutes les procédures d’octroi de permis qui débutent au cours de sa période d’application ;
  • Et, si l’Etat membre concerné le décide, aux procédures d’octroi de permis en cours qui n’ont pas abouti à une décision finale avant le 30 décembre 2022, à condition que cela raccourcisse la procédure d’octroi du permis et que les droits juridiques préexistants des tiers soient préservés.

Une « procédure d’octroi de permis » est à cet égard définie comme la procédure :

  • « Comprenant tous les permis administratifs pertinents [c’est-à-dire toutes les autorisations administratives] délivrés pour la construction, le rééquipement et l’exploitation d’installations produisant de l’énergie à partir de sources renouvelables, notamment les pompes à chaleur, les installations de stockage d’énergie colocalisées et les actifs nécessaires à leur raccordement au réseau, y compris les permis de raccordement au réseau et les évaluations des incidences sur l’environnement, le cas échéant » ;
  • Et « comprenant toutes les étapes administratives depuis l’accusé de réception de la demande complète de permis par l’autorité compétente jusqu’à la notification de la décision finale sur l’issue de la procédure par l’autorité compétente» (article 2).

L’énergie « produite à partir de sources renouvelables », ou « énergie renouvelable », est pour sa part définie comme une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque) et géothermique, l’énergie ambiante, l’énergie marémotrice, houlomotrice et d’autres énergies marines, l’énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d’épuration d’eaux usées et le biogaz (article 2 de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables à laquelle il est renvoyé) 1)L’article 2 § 2 du règlement définit également la notion d’équipement d’énergie solaire comme : « un équipement qui convertit l’énergie du soleil en énergie thermique ou électrique, y compris les équipements solaires thermiques et photovoltaïques »..

Enfin, dès lors qu’il s’agit d’un règlement (et non d’une directive), il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les Etats membres (article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

2 – Reconnaissance d’un intérêt public supérieur, notamment en matière de protection des espèces et des habitats

2.1 – La protection de certaines espèces animales et végétales, ainsi que la protection des aires de repos et sites de reproduction des premières, est assurée par un certain nombre d’interdictions (notamment de destruction), auxquelles il est toutefois possible de déroger en obtenant une autorisation spécifique (souvent désignée en pratique comme une « dérogation espèces protégées »).

Cette dérogation ne peut être délivrée que si, notamment, elle est justifiée par l’un des motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou […] d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique […] » (article 16 §1, c, de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; voir aussi, dans le cas particulier des oiseaux, et avec une formulation assez proche, l’article 9 § 1, a, de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages).

Il en va de même, en matière d’habitats naturels ou d’habitats d’espèces, dans le cas de plans ou de projets susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 (article 6 § 4 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992).

Enfin, dans le domaine de l’eau, les Etats membres doivent protéger les eaux de surface ou souterraines, en prévenant leur détérioration et en améliorant leur état mais, pour autant, ils ne commettent pas d’infraction lorsque l’altération d’une masse d’eau répond, notamment, à un « intérêt général majeur » (article 4 § 7 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau).

2.2 – Ces différentes obligations ou interdictions, et la difficulté à obtenir une dérogation, peuvent constituer des obstacles à un déploiement rapide de dispositifs de production d’énergie renouvelable.

En conséquence, le paragraphe 1 de l’article 3 « Intérêt public supérieur » du règlement du 22 décembre 2022 prévoit que, lors de l’application de ces textes, « La planification, la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit, ainsi que les actifs de stockage, sont présumés relever de l’intérêt public supérieur et de l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas ».

Il est toutefois précisé que les Etats membre peuvent restreindre l’application de ces dispositions à certaines parties de leur territoire ainsi qu’à certains types de technologies ou de projets présentant certaines caractéristiques techniques.

Dès lors, en matière d’espèces protégées, il en résulte la question de l’articulation de ces dispositions européennes avec celles de l’article 19 de la récente loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Ces dernières prévoient en effet que « Les projets d’installations de production d’énergies renouvelables […], y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur […], dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ».

En effet, en adoptant la loi et en renvoyant à un décret, la France pourrait être considérée comme ayant entendu restreindre le bénéfice de l’article 3 § 1 du règlement aux seules installations qui rempliront les conditions du décret à venir.

2.3 – Le paragraphe 2 de l’article 3 du règlement prévoit en outre que les États membres veillent, au moins pour les projets reconnus comme présentant un intérêt public supérieur, à ce que, dans le cadre du processus de planification et d’octroi des permis, la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergie renouvelable soient prioritaires lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas.

Autrement dit, la construction d’une installation n’est pas seulement présumée répondre à un intérêt public supérieur, il est a priori également demandé que cet intérêt soit prioritaire par rapport aux intérêts environnementaux protégés par les textes précités.

Toutefois, en ce qui concerne la protection des espèces, il n’en va ainsi qu’à une double condition :

  • Si, et dans la mesure où, des mesures appropriées de conservation des espèces contribuant au maintien ou au rétablissement des populations d’espèces dans un état de conservation favorable sont prises ;
  • Et si des ressources financières suffisantes ainsi que des espaces sont mis à disposition à cette fin.

3 – Accélération des délais d’octroi des autorisations

Les autres dispositions du règlement visent, pour l’essentiel, à accélérer les procédures d’octroi de permis (au sens précédemment examiné) pour différents dispositifs.

3.1 – C’est d’abord le cas pour l’installation d’équipements d’énergie solaire (article 4) :

  • Limitation à trois mois de la procédure d’octroi de permis pour l’installation d’équipements d’énergie solaire et d’installations de stockage d’énergie, y compris les installations solaires intégrées dans des bâtiments et les équipements d’énergie solaire en toiture, dans des structures artificielles existantes ou futures, à condition que l’objectif principal de ces structures ne soit pas la production d’énergie solaire ;
  • Exemption, à titre dérogatoire, de la soumission de ces installations à évaluation environnementale (ou de la soumission à un examen au cas par cas visant à déterminer si elles doivent être soumises à une telle évaluation) ;
  • Les Etats membres pouvant toutefois exclure certaines zones ou structures de ces deux assouplissements, notamment pour des raisons liées à la protection du patrimoine ;
  • Institution d’un permis tacite à l’expiration d’un délai d’un mois pour l’installation d’équipements d’énergie solaire d’une capacité inférieure ou égale à 50 kW, à condition de ne pas dépasser la capacité de raccordement au réseau ;

3.2 – C’est ensuite le cas pour le « rééquipement » 2)Le rééquipement est défini comme : « la rénovation des centrales électriques produisant de l’énergie renouvelable, notamment le remplacement total ou partiel des installations ou des systèmes et des équipements d’exploitation, dans le but d’en modifier la capacité ou d’augmenter l’efficacité ou la capacité de l’installation » (article 2, point 10 de la directive 2018/2001). Le considérant n° 13 du règlement cite à titre d’exemple le remplacement des turbines d’une éolienne par des turbines plus performantes. des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelables (article 5) :

  • Limitation à six mois pour la procédure d’octroi de permis pour le rééquipement de projets, y compris lorsqu’une évaluation environnementale est exigée ;
  • Réduction, sous certaines conditions, de ce délai à trois mois lorsque le rééquipement entraîne un accroissement de la capacité de la centrale électrique qui n’excède pas 15 % ;
  • Limitation de l’examen au cas par cas et/ou de l’évaluation environnementale aux incidences potentielles significatives découlant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial 3)L’article 9 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables comporte une disposition relativement similaire, mais pour une durée de dix-huit mois à compter du 10 mars 2023. ;
  • Exemption, sous certaines conditions, de l’obligation d’examen au cas par cas lorsque celle-ci serait applicable.

3.3 – C’est enfin le cas pour le déploiement des pompes à chaleur (article 7) :

  • Limitation à un mois de la procédure d’octroi de permis pour l’installation de pompes à chaleur d’une capacité électrique inférieure à 50 MW ; et à trois mois pour les pompes à chaleur géothermiques.

3.4 – Naturellement, les dispositions des articles 4, 5 et 7 du règlement ne font pas obstacle à d’éventuelles dispositions nationales qui fixeraient des délais encore plus courts (article 1er).

Il est également précisé que pour l’application des délais qu’ils prévoient, certaines étapes (durée de construction ou de rééquipement, modernisation du réseau…) ne sont pas comptabilisées (article 8).

3.5 – Enfin, l’article 6 du règlement accorde aux Etats membres la faculté d’exempter les projets dans le domaine des énergies renouvelables de l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement, telle que cette évaluation peut être requise par les dispositions régissant l’évaluation environnementale des projets ou relatives aux espèces protégées.

Cette faculté est toutefois subordonnée à plusieurs conditions, notamment l’établissement par l’Etat d’une zone d’énergies renouvelables ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale stratégique (article 6).

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. L’article 2 § 2 du règlement définit également la notion d’équipement d’énergie solaire comme : « un équipement qui convertit l’énergie du soleil en énergie thermique ou électrique, y compris les équipements solaires thermiques et photovoltaïques ».
2. Le rééquipement est défini comme : « la rénovation des centrales électriques produisant de l’énergie renouvelable, notamment le remplacement total ou partiel des installations ou des systèmes et des équipements d’exploitation, dans le but d’en modifier la capacité ou d’augmenter l’efficacité ou la capacité de l’installation » (article 2, point 10 de la directive 2018/2001). Le considérant n° 13 du règlement cite à titre d’exemple le remplacement des turbines d’une éolienne par des turbines plus performantes.
3. L’article 9 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables comporte une disposition relativement similaire, mais pour une durée de dix-huit mois à compter du 10 mars 2023.

3 articles susceptibles de vous intéresser