Le Conseil constitutionnel reconnait valeur législative à l’ordonnance non ratifiée prévoyant une procédure de participation du public à l’élaboration des décisions d’autorisation d’exploitation d’installations de production d’électricité une fois passé le délai d’habilitation prévu par la loi 

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

June 2020

Temps de lecture

4 minutes

Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020

Saisi d’une QPC sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 311-5 du code de l’énergie relatif aux autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie.

Le Conseil relève d’abord que ces autorisations sont des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement de sorte que des dispositions législatives devaient permettre au public de participer à leur élaboration (1.). Pour la première fois, il considère ensuite que, à l’expiration du délai d’habilitation, les dispositions d’une ordonnance non ratifiée doivent être regardées comme des dispositions législatives (2.).

1. Les autorisations d’exploitation d’une installation de production d’électricité sont des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement 

Selon l’article L. 311-5 du code de l’énergie, l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative sur le fondement de certains critères tels que le choix des sites d’implantation, ses conséquences sur l’occupation des sols et sur l’utilisation du domaine public,  son efficacité énergétique ou la compatibilité du projet avec la protection de l’environnement.

En se fondant sur ces critères ainsi que sur la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle l’autorisation désigne son titulaire mais aussi le mode de production, la capacité autorisée et le lieu d’implantation de l’installation 1)CE 7 juin 2011 Associations GRSB et association Prosimar req. n°414426 : mentionné aux T. du Rec. CE ; CE 24 juillet 2019 Association Gardez les caps req. n°418846 : mentionné aux T. du Rec. CE, le Conseil constitutionnel constate que l’autorisation d’exploiter ce type d’installation constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Or, selon ces dispositions : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi (…) de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Des dispositions législatives devaient donc permettre au public de participer à l’élaboration de ces décisions.

2. Les dispositions d’une ordonnance non ratifiée doivent être regardées comme des dispositions législatives passé le délai d’habilitation 

Le Conseil constitutionnel relève que, avant l’ordonnance du 5 août 2013 2)Ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, aucune disposition n’assurait la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration de ces autorisations.

Cette ordonnance a prévu une procédure de mise à disposition du public par voie électronique qui leur est applicable à l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement et entrée en vigueur le 1er septembre 2013 3)Selon l’article 8 de l’ordonnance du 5 août 2013.

Toutefois, s’agissant d’une ordonnance, fallait-il encore qu’elle soit ratifiée pour avoir valeur législative.

En effet, tant qu’elle n’est pas ratifiée, une ordonnance a valeur d’acte réglementaire 4)CE, 6 déc. 1907, Compagnie des chemins de fer de l’Est req. n°04244 : publié au Rec. CE ; voir également ;et CE, 24 nov. 1961, Fédération nationale des syndicats de police req. n°52262 ; CE Assemblée 11 décembre 2006 CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS req. n°279517 : publié au Rec. CE. Et, jusqu’alors, seule une loi de ratification pouvait lui faire acquérir valeur législative 5)Décision n°2011-219 QPC du 10 février 2012 M. Patrick E ; Décision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013 Société Numéricâble et autre. En outre, depuis le 25 juillet 2008 6)Article 14 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, ainsi que le prévoit l’article 38 de la Constitution, cette ratification doit en principe être expresse.

Pourtant, pour la première fois, le Conseil constitutionnel considère que, à l’expiration du délai d’habilitation fixé par la loi, les dispositions de l’ordonnance ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.

Ce qui signifie donc qu’une ordonnance acquiert automatiquement valeur législative dès lors qu’un projet de loi de ratification a été déposé dans le délai d’habilitation, sans qu’il y ait besoin d’une ratification expresse.

Au cas d’espèce, l’ordonnance du 5 août 2013 avait été prise sur le fondement de l’habilitation de l’article 12 de la loi du 27 décembre 2012. Si un projet de loi de ratification avait été déposé dans le délai fixé par cet article, le Parlement ne s’était jamais prononcé sur cette ratification. Pourtant, le Conseil constate qu’au terme du délai d’habilitation, c’est-à-dire à partir du 1er septembre 2013, les dispositions de cette ordonnance avaient valeur de loi.

Il en déduit alors que les conditions et les limites de la procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement sont « définies par la loi » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement et ne déclare les dispositions contestées comme contraires à la Constitution que dans leur rédaction valant jusqu’au 31 août 2013.

Après avoir constaté que cette rédaction n’est plus en vigueur, modulant les effets de sa déclaration d’inconstitutionnalité sur le fondement de l’article 62 de la Constitution, il indique que la remise en cause des mesures ayant été prises sur ce fondement aurait des conséquences manifestement excessives et qu’elles ne pourront donc être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

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References   [ + ]

1. CE 7 juin 2011 Associations GRSB et association Prosimar req. n°414426 : mentionné aux T. du Rec. CE ; CE 24 juillet 2019 Association Gardez les caps req. n°418846 : mentionné aux T. du Rec. CE
2. Ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement
3. Selon l’article 8 de l’ordonnance du 5 août 2013
4. CE, 6 déc. 1907, Compagnie des chemins de fer de l’Est req. n°04244 : publié au Rec. CE ; voir également ;et CE, 24 nov. 1961, Fédération nationale des syndicats de police req. n°52262 ; CE Assemblée 11 décembre 2006 CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS req. n°279517 : publié au Rec. CE
5. Décision n°2011-219 QPC du 10 février 2012 M. Patrick E ; Décision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013 Société Numéricâble et autre
6. Article 14 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République

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