CDG Express : la cour administrative d’appel de Paris accueille la demande de sursis à exécution du jugement qui avait annulé l’arrêté accordant la dérogation espèces protégées

Catégorie

Environnement

Date

April 2021

Temps de lecture

4 minutes

CAA Paris 18 mars 2021 Commune de Mitry-Mory, req. n° 20PA03995-20PA04047-20PA04055

Par un jugement du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par la commune de Mitry-Mory, avait prononcé l’annulation de l’arrêté inter-préfectoral du 11 février 2019 accordant l’autorisation environnementale unique relative à la création et l’exploitation du projet de liaison ferroviaire directe CDG Express entre Paris et l’aéroport Paris Charles de Gaulle en tant qu’il avait accordé la dérogation espèces protégées (1).

Par un arrêt du 18 mars 2021, la cour administrative d’appel a prononcé le sursis à exécution du jugement, ce qui a notamment pour effet de permettre officiellement la reprise des travaux dans l’attente d’une décision au fond (2).

1.      L’annulation de l’autorisation environnementale par le tribunal administratif de Montreuil

L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit que sont interdites la destruction ou la perturbation d’animaux et la destruction de végétaux présentant un intérêt scientifique particulier, jouant un rôle essentiel dans l’écosystème ou dans les nécessités de la préservation du patrimoine naturel, ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation des habitats naturels de ces espèces.

L’article L. 411-2 du même code prévoit la possibilité de déroger à ces interdictions à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que les dérogations accordées ne nuisent pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.  Ces dérogations doivent être justifiées, notamment, par l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou par d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

En l’espèce, la réalisation des travaux et l’exploitation de la ligne ferroviaire du CDG Express impliquant des impacts sur les milieux naturels, les espèces et les eaux superficielles et souterraines, le projet était soumis à la délivrance d’une autorisation environnementale unique. Cette autorisation environnementale a été accordée par arrêté inter-préfectoral du 11 février 2019.

La commune de Mitry-Mory a soumis à l’examen du juge administratif cet arrêté inter-préfectoral d’autorisation environnementale. Et, par un jugement du 9 novembre 2020, le tribunal administratif a annulé cet arrêté en ce qu’il accordait une dérogation aux dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement. Le tribunal administratif de Montreuil a en effet jugé que le projet, qui portait atteinte à des espèces protégées ou à leurs habitats, ne pouvait être justifié par aucune raison impérative d’intérêt public majeur au sens des dispositions de l’article L. 411-2.

2.     Le sursis à exécution prononcé par la cour administrative d’appel

Le Ministre de la transition écologique, la société SNCF Réseau et la société gestionnaire d’infrastructure CDG Express ont relevé appel de ce jugement et ont demandé le sursis à exécution de la décision de première instance dans l’attente de la décision de la cour administrative d’appel de Paris.

L’article R. 811-15 du code de justice administrative prévoit que :

« Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement. »

La jurisprudence est venue préciser les contours des conséquences de la mise en œuvre d’un sursis à exécution. Le Conseil d’Etat ai ainsi jugé que 1)CE 7 juin 2017 société Margo Cinema, req. n° 404480 : mentionné aux tables :

  • dans l’hypothèse où la juridiction d’appel ordonne le sursis à exécution d’un jugement d’annulation, son arrêt a pour effet de rendre la décision annulée à nouveau exécutoire jusqu’à ce qu’il ait été statué au fond sur les conclusions dirigées contre le jugement. Le sursis octroyé prive d’effet, pendant ce temps, la décision prise en exécution du jugement d’annulation. La décision du juge d’appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d’annulation, de rétablir la décision initiale dans l’ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n’avait été prise que pour l’exécution du jugement annulé.
  • Si, en revanche, la juridiction d’appel rejette les conclusions dirigées contre le jugement d’annulation, celui-ci redevient exécutoire et la décision prise pour son exécution, produit à nouveau ses effets.

En l’espèce, le projet CDG Express de création et d’exploitation d’une liaison ferroviaire entre directe entre Paris et l’aéroport de Paris Charles de Gaulle a été déclaré d’utilité publique par des arrêtés inter-préfectoraux du 19 décembre 2008 (version initiale du projet) et du 31 mars 2017 (version modifiée du projet). Ces arrêtés ont fait l’objet de recours et par deux fois, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes introduites contre ces arrêtés et a confirmé le caractère d’utilité publique du projet 2)CE 2 juin 2010 Société foncière Europe Logistique, req. n° 328916 – CE 22 octobre 2018 Commune de Mitry-Mory, req. n° 411086.

Or, ainsi qu’il a été exposé précédemment, le tribunal administratif de Montreuil a jugé que le projet, qui portait atteinte à des espèces protégées ou à leurs habitats, ne pouvait être justifié par aucune raison impérative d’intérêt public majeur.

Dans la décision commentée, la cour administrative d’appel, faisant mention des deux décisions du Conseil d’Etat confirmant l’utilité publique du projet, en conclut donc que :

« Le moyen tiré de l’erreur d’appréciation et de l’erreur de droit qu’auraient commises les premiers juges en estimant que l’arrêté interpréfectoral litigieux méconnait les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement parait, en l’état de l’instruction, de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par le jugement contesté ».

L’annulation de l’arrêté d’autorisation environnementale est donc suspendue dans l’attente d’une décision au fond.

Dans l’intervalle, les travaux peuvent donc officiellement reprendre dans l’attente de la décision au fond qui pourra infirmer ou confirmer la décision de première instance.

 

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References   [ + ]

1. CE 7 juin 2017 société Margo Cinema, req. n° 404480 : mentionné aux tables
2. CE 2 juin 2010 Société foncière Europe Logistique, req. n° 328916 – CE 22 octobre 2018 Commune de Mitry-Mory, req. n° 411086

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