Irrégularité d’un avis rendu par la DREAL sur un projet autorisé par le préfet de région

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

November 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 20 septembre 2019 Association Sauvons le paradis et autres req. n° 428274 : mentionné dans les tables du Rec. CE.

La décision commentée prolonge les arrêts du Conseil d’État quant à l’autorité compétente pour rendre un avis sur l’évaluation environnementale d’un projet, et en particulier lorsque le préfet de région agit à la fois en tant qu’autorité environnementale et autorité décisionnaire d’un même projet 1)Voir en particulier les décisions suivantes : décision commentée au sein de notre blog : CE 6 décembre 2017 Association France Nature Environnement req. n° 400559 : mentionné dans les tables du Rec. CE. ; CE 22 octobre 2018 req. n° 406746 : mentionné dans les tables du Rec. CE. ; décision commentée au sein de notre blog : CE Avis 27 septembre 2018 req. n° 420119 : publié au Rec. CE. ; décision également commentée au sein de notre blog : CE 9 juillet 2018 Commune de Villiers-le-Bâcle req. n° 410917, mentionné dans les tables du Rec. CE. ; et également commentée au sein de notre blog : CE 27 mai 2019 Société MSE La Tombellereq. n°420554, mentionné dans les tables du Rec. CE..

  1. Le contexte du pourvoi

L’association Sauvons le paradis et d’autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 17 mars 2015 par lequel le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société éolienne des Beaux Monts à exploiter onze éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Champlay, Guerchy et Neuilly.

Saisi d’un appel contre le rejet de cette demande par le tribunal, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que l’avis de l’autorité environnementale est irrégulier en ce qu’il a été rendu par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), soit par une entité relevant du préfet auteur de la décision attaquée et ne disposant pas d’une autonomie réelle à son égard.

La cour a donc décidé de surseoir à statuer sur la requête, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, pendant un délai de six mois dans l’attente de la production d’une autorisation modificative, afin de régulariser l’arrêté contesté.

  1. La décision du Conseil d’État

Saisi du pourvoi du ministre de la transition écologique et solidaire, le Conseil d’État valide l’arrêt de la cour, précisant ainsi la portée de ses précédentes décisions sur l’irrégularité des avis rendus par le préfet en tant qu’autorité environnementale, alors qu’il est également compétent pour autoriser le projet.

Pour mémoire, par une décision en date du 6 décembre 2017, le Conseil d’État a annulé les dispositions de l’article R. 122-6 du code de l’environnement qui prévoyaient que, dans certains cas, l’autorité environnementale compétente pour délivrer un avis sur un projet était le préfet de région 2)Décision commentée au sein de notre blog : CE 6 décembre 2017 Association France Nature Environnement req. n° 400559 : mentionné dans les tables du Rec. CE.. Le Conseil d’État a motivé cette annulation en considérant que les dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, qui concerne l’évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l’environnement, ont pour objet de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale.

Le Conseil d’État rappelle cette annulation dans la décision commentée du 20 septembre 2019, tout en soulignant qu’en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne 3)CJUE 20 octobre 2011 Seaport req. n° C-474/10., ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité compétente pour autoriser le projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale dès lors qu’ « une séparation fonctionnelle [est] organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ».

Le Conseil d’État estime cependant qu’« en principe » les services placés sous l’autorité hiérarchique du préfet, telles les DREAL, ne peuvent être regardées comme disposant d’une telle autonomie.

L’utilisation des termes « en principe » démontre que les juges doivent apprécier au cas par cas l’indépendance de l’autorité environnementale en recherchant si, dans l’espèce qui leur est soumise, l’avis rendu répond ou non aux objectifs de la directive. Le Conseil d’État a ainsi déjà eu l’occasion de valider l’arrêt d’une cour administrative d’appel ayant admis que dans le cas qu’elle devait examiner, l’avis rendu par un préfet de région ne méconnaissait pas les principes d’autonomie et d’indépendance découlant de la directive 4)CE 22 octobre 2018 req. n° 406746 : mentionné dans les tables du Rec. CE..

Or au cas présent, la DREAL de la région Bourgogne ne présentait pas une autonomie lui permettant d’exercer la mission de consultation en matière environnementale sur un projet autorisé par le préfet de la région. Selon le Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Lyon a donc, à bon droit, sursis à statuer afin de permettre la régularisation de la procédure ayant entaché d’irrégularité l’arrêté contesté du préfet de région 5)Le Conseil d’État a déjà jugé que le vice entachant l’avis de l’autorité environnementale pouvait être régularisé par la consultation d’une autorité présentant les garanties d’impartialité requises, décision commentée au sein de notre blog : CE Avis 27 septembre 2018 req. n° 420119 : publié au Rec. CE.. Le pourvoi du ministre est donc rejeté.

La création des Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) devrait assurer le respect des objectifs de la directive à l’avenir. Le Conseil d’État a en effet jugé que ces entités doivent être regardées comme disposant d’une autonomie réelle, les mettant en mesure de remplir la mission de consultation qui leur est confiée et de donner un avis objectif sur les projets, plans et programmes qui leur sont soumis 6)Décision également commentée au sein de notre blog : CE 9 juillet 2018 Commune de Villiers-le-Bâcle req. n° 410917, mentionné dans les tables du Rec. CE. ; et également commentée au sein de notre blog : CE 27 mai 2019 Société MSE La Tombelle req. n°420554, mentionné dans les tables du Rec. CE..

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1. Voir en particulier les décisions suivantes : décision commentée au sein de notre blog : CE 6 décembre 2017 Association France Nature Environnement req. n° 400559 : mentionné dans les tables du Rec. CE. ; CE 22 octobre 2018 req. n° 406746 : mentionné dans les tables du Rec. CE. ; décision commentée au sein de notre blog : CE Avis 27 septembre 2018 req. n° 420119 : publié au Rec. CE. ; décision également commentée au sein de notre blog : CE 9 juillet 2018 Commune de Villiers-le-Bâcle req. n° 410917, mentionné dans les tables du Rec. CE. ; et également commentée au sein de notre blog : CE 27 mai 2019 Société MSE La Tombellereq. n°420554, mentionné dans les tables du Rec. CE.
2. Décision commentée au sein de notre blog : CE 6 décembre 2017 Association France Nature Environnement req. n° 400559 : mentionné dans les tables du Rec. CE.
3. CJUE 20 octobre 2011 Seaport req. n° C-474/10.
4. CE 22 octobre 2018 req. n° 406746 : mentionné dans les tables du Rec. CE.
5. Le Conseil d’État a déjà jugé que le vice entachant l’avis de l’autorité environnementale pouvait être régularisé par la consultation d’une autorité présentant les garanties d’impartialité requises, décision commentée au sein de notre blog : CE Avis 27 septembre 2018 req. n° 420119 : publié au Rec. CE.
6. Décision également commentée au sein de notre blog : CE 9 juillet 2018 Commune de Villiers-le-Bâcle req. n° 410917, mentionné dans les tables du Rec. CE. ; et également commentée au sein de notre blog : CE 27 mai 2019 Société MSE La Tombelle req. n°420554, mentionné dans les tables du Rec. CE.

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