CE, 21 juillet 2022, Commune de Grabels : le Conseil d’Etat circonscrit les moyens pouvant être invoqués, en cours d’instance, à l’encontre des mesures de régularisation d’une DUP

Catégorie

Environnement

Date

September 2022

Temps de lecture

4 minutes

CE, 21 juillet 2022, Commune de Grabels, n°437634

Par une décision du 21 juillet 2022, publiée au recueil, le Conseil d’Etat achève de transposer à la régularisation en cours d’instance d’une DUP les principes déjà dégagés s’agissant des autorisations environnementales et des autorisations d’urbanisme.

En effet, par une décision avant-dire-droit du 9 juillet 2021, publiée au recueil, le Conseil d’Etat avait d’abord jugé que la DUP prise sur la base d’un avis irrégulier de l’autorité environnementale était susceptible de régularisation, étendant ainsi au cas d’une DUP la solution déjà dégagée, en présence d’un vice identique, pour les autorisations environnementales et les autorisations d’urbanisme 1)V. CE, 27 septembre 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n°420119, CE, 27 mai 2019 et 16 février 2022, Ministre de la cohésion des territoires et société MSE La Tombelle, n°420554-420575.

Restait à savoir quel régime le Conseil d’Etat réserverait à la contestation, en cours d’instance, des mesures de régularisation. Par la décision commentée, la Haute juridiction répond à cette interrogation en précisant que :

« A compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour régulariser un arrêté déclarant d’utilité publique (…) seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’elle n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation »

Cette circonscription des moyens pouvant être invoqués à l’encontre des mesures de régularisation avait déjà été consacrée il y a quelques mois dans le cadre d’un contentieux relatif à un permis de construire 2)CE, 16 février 2022, Ministre de la cohésion des territoires et société MSE La Tombelle, n°420554.

En l’espèce, le Conseil d’Etat avait à se prononcer sur la régularité des mesures auxquelles avait procédé le préfet de l’Hérault pour régulariser son arrêté du 9 mars 2015, par lequel il avait déclaré d’utilité publique le projet de la Liaison Intercantonale d’Evitement Nord (LIEN), destiné à désengorger le trafic routier à proximité de l’agglomération de Montpellier.

Opposée à ce projet, la commune de Grabels, dont le territoire est concerné par ce projet d’infrastructures, avait, après une véritable saga juridictionnelle, réussi à faire juger par le Conseil d’Etat, dans sa décision du 9 juillet 2021 précitée, que l’arrêté de DUP avait été rendu sur le fondement d’un avis de l’autorité environnementale irrégulier, compte tenu de l’absence d’autonomie réelle de la DREAL au regard des exigences de la directive du 13 décembre 2011 3)Directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, modifiée par la directive n°2014/52/UE du 16 avril 2014. Ainsi, l’avis de la DREAL sur le dossier d’étude d’impact mis à disposition du public dans le cadre de l’enquête publique était entaché d’un vice qui rejaillissait sur l’arrêté déclarant d’utilité publique le projet du LIEN. Dans sa décision du 9 juillet 2021, le Conseil d’Etat avait néanmoins jugé que la DUP était susceptible de régularisation et qu’il convenait de sursoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai fixé pour cette régularisation.

Conformément au dispositif de la décision du 9 juillet 2021, le préfet de l’Hérault a alors saisi la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), qui a rendu un avis le 28 septembre 2021, dans lequel elle recommande de « compléter l’analyse d’impact des incidences sur la qualité de l’air en élargissant le domaine d’étude (incorporer la RN 109 et la RD 65) et par la mise en valeur d’éventuelles améliorations de la qualité de l’air
notamment en centre urbain de Montpellier (avenues de l’Europe, des Moulins…) »
4)V. les conclusions de Philippe Ranquet, rapporteur public sur l’affaire..

Considérant que l’avis rendu ne différait pas substantiellement de celui émis antérieurement par la DREAL et, qu’en tout état de cause, il ne révélait pas d’insuffisance substantielle de l’étude d’impact, le préfet a décidé de le soumettre à une « simple » consultation du public par voie électronique. Pour la commune de Grabels en revanche, cet avis aurait dû amener le préfet à compléter l’étude d’impact et à organiser une enquête publique complémentaire.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat, reconnaît au préfet une large marge d’appréciation dans la détermination des mesures de consultation adaptées pour régulariser le vice de procédure, en jugeant que :

« il appartenait au préfet de déterminer si cet avis révélait des inexactitudes, insuffisances et omissions de l’étude d’impact ayant pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou ayant été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative et, le cas échéant, de fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public dans le cadre de consultations complémentaires, qui n’imposaient pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que, si l’avis de la MRAE différait substantiellement du premier, les recommandations supplémentaires émises à cette occasion ne révélaient en revanche aucun vice dans l’étude d’impact qui aurait nécessité de procéder à une enquête publique complémentaire. Comme le relève en effet le rapporteur public dans ses conclusions, « les itinéraires dont la MRAE regrette l’absence d’incorporation dans cette partie de l’étude [RN 109 et RD 65] sont ceux dont le projet est de nature à entraîner la décongestion, de sorte que complétée, elle serait a priori plutôt venue à son soutien ». Ainsi, la lacune mise en exergue dans l’avis de la MRAE n’avait pas pour effet de nuire à l’information complète de la population ou d’exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative et pouvait donc être régularisée par la voie d’une simple consultation du public par voie électronique.

 

 

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References   [ + ]

1. V. CE, 27 septembre 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n°420119, CE, 27 mai 2019 et 16 février 2022, Ministre de la cohésion des territoires et société MSE La Tombelle, n°420554-420575
2. CE, 16 février 2022, Ministre de la cohésion des territoires et société MSE La Tombelle, n°420554
3. Directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, modifiée par la directive n°2014/52/UE du 16 avril 2014
4. V. les conclusions de Philippe Ranquet, rapporteur public sur l’affaire.

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