Censure partielle du décret et ZAN et validation du décret SRADDET par le Conseil d’Etat

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 4 octobre 2023 Association des maires de France req. n°465341 et 465343

La loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a inséré un nouvel article L.101-2-1 dans le code de l’urbanisme. Elle y fixe un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols à l’horizon 2050, cette dernière étant définie comme « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et une période donnée. » Pour son application, deux décrets du 29 avril 2022 ont été adoptés.

La loi climat renvoyait tout d’abord  à un décret en Conseil d’Etat le soin d’établir « une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme. ». C’est le premier décret dit « nomenclature » contesté par l’AMF

Le deuxième décret contesté précisait les conditions d’application de la loi du 22 août 2021, s’agissant des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

Différentes questions étaient posées au Conseil d’Etat.

S’agissant du décret « zéro artificialisation », le Conseil d’Etat devait trancher la question de savoir si l’échelle d’appréciation de l’artificialisation des sols était définie suffisamment précisément. En outre, la plus haute juridiction administrative avait à déterminer si le décret « SRADDET ») méconnaissait les termes de la loi du 22 août 2021, ainsi que les objectifs à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme.

Décision n°465341 (décret nomenclature) :

Comme évoqué ci-dessus, le premier des décrets contestés établissait une nomenclature des surfaces selon 8 catégories, en distinguant notamment les surfaces imperméabilisées en raison du bâti, et les surfaces à usage de culture. Pour la détermination de l’échelle d’appréciation de l’artificialisation des sols, ce décret entendait mesurer l’occupation effective « à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géographique. »

Cette appréciation à l’aune de polygones a été jugée trop vague par le Conseil d’Etat qui a annulé pour ce motif le 2e alinéa du II de l’article R.101-1 du code de l’urbanisme. Comme le relève M. Nicolas Agnoux, rapporteur public, « la référence géométrique au « polygone » n’apporte sur ce point aucune précision – sauf à y déceler de manière très implicite une exclusion du recours aux parcelles cadastrales. »

En outre, les standards du Conseil national de l’information géographique étaient jugés insuffisamment précis pour encadrer la compétence réglementaire déléguée au ministre. Le référentiel du conseil constitue en effet une base de travail destinée à aider à la définition de seuils sans avoir pourtant valeur contraignante.

Le décret litigieux renvoyait in fine à un arrêté ministériel le soin de déterminer l’échelle de référence, et procédait donc selon le rapporteur public à une subdélégation illégale, justifiant l’annulation de l’alinéa II de l’article R.101-1 du code de l’urbanisme.

Notons que la nouvelle version du décret soumise à consultation du public l’été dernier et donc dont la publication interviendra dans les prochains mois corrigerait cette irrégularité en assortissant la nomenclature définie en annexe de seuils de référence égaux à 50 ou 2.500 mètres carrés selon la catégorie concernée.

Décision n°465343 (décret SRADDET) :

L’association des maires de France contestait également le décret n°2022-762 du 29 avril 2022 au motif notamment que la liste des objectifs en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols ne mentionnait pas les efforts déjà réalisés par les collectivités au titre des critères pris en compte.

Le Conseil d’Etat écarte rapidement le moyen de légalité externe selon lequel le décret attaqué méconnaîtrait les règles d’examen des décrets en Conseil d’Etat.

L’association requérante soulevait également trois moyens tirés de l’erreur de droit :

Le pouvoir réglementaire avait commis une première erreur de droit selon elle dès lors qu’il ne prenait pas suffisamment en compte les efforts déjà réalisés comme le préconise l’article R. 4251-3 CGCT. Le Conseil d’Etat écarte ce moyen et précise à cet égard que l’article 194 de la loi de 2021 permet la prise en compte de ces efforts dans l’élaboration des documents, car il est prévu d’associer les établissements publics chargés de l’élaboration de cohérence territoriale à la fixation des objectifs du SRADDET.

Ensuite, l’AMF considérait que le pouvoir réglementaire avait également commis une erreur de droit en n’intégrant pas l’impact « des projets d’envergure nationale ou régionale ». Le Conseil d’Etat a également écarté ce moyen dès lors que l’article R. 4241-8-1 précisait déjà de manière suffisante la nature des projets, et qu’il ne méconnaissait pas l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme.

Enfin, le dernier moyen consistait pour l’AMF à contester le lien de rattachement entre le ZAN et les « règles générales » contenues dans le fascicule du schéma régional avec lesquelles les SCOT doivent être rendus compatibles. Ce moyen est également écarté : les SCOT doivent être rendus compatibles avec les règles générales contenues dans le fascicule, et simplement prendre en compte les objectifs du schéma régional.

C’est donc une victoire en demi-teinte pour l’AMF qui obtient l’annulation partielle d’un des décrets contestés.

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