Clause de réexamen et notion de modification substantielle dans un contrat de concession

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2021

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 2 septembre 2021 Sisal SpA, Stanleybet Malta Ltd, Magellan Robotech Ltd, req. n° C‑721/19 et C‑722/19

Par sa décision Stanley Bet rendue le 2 septembre 2021 dans les affaires jointes C-721/19 et C‑722/19, la CJUE s’est prononcée sur la validité d’une règle de droit italien imposant le renouvellement d’un contrat de concession sans remise en concurrence par application d’une clause de réexamen prévue au contrat initial.

Dans cette affaire, l’administration italienne responsable des jeux de grattage avait attribué un contrat de concession initial en 2010, pour une période neuf ans, à l’opérateur Lottomatica, auquel a succédé en droit la Lotterie Nazionali.

La réglementation italienne prévoyait le découpage de la durée de la concession en deux périodes dont les durées respectives étaient fixées à cinq et quatre ans, la poursuite de la concession pendant la seconde période étant subordonnée contractuellement à une évaluation positive réalisée par le concédant à la fin de la première période.

Conformément à cette stipulation contractuelle, l’administration italienne a confirmé le renouvellement. Puis, par une communication en date de 2017 intervenue peu après une nouvelle réglementation de droit interne, elle a accordé au concessionnaire le renouvellement de la concession jusqu’à 2028 à condition qu’il procède au paiement anticipé d’une redevance en faveur du budget de l’Etat, avant la survenance du terme normal de la concession en 2019.

Les opérateurs économiques Sisal et Stanleybet ont attaqué cette décision au motif qu’il s’agirait selon eux d’une novation contractuelle intervenue avant le terme normal du contrat de concession initial et que la nécessité de garantir des recettes significatives pour le budget de l’Etat italien ne constituerait pas une raison impérieuse d’intérêt général justifiant l’application d’un régime propre aux jeux de loterie instantanée.

Le Conseil d‘Etat italien s’est alors posé la question de la conformité du régime à l’article 43, 1), a) de la directive 2014/23 du 26 février 2014 relatifs aux clauses de réexamen dans les contrats de concession. Celui-ci prévoit que les concessions peuvent être modifiées sans remise en concurrence lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents de concession initiaux sous la forme de clauses de réexamen, dont des clauses de révision du montant, ou d’options claires, précises et sans équivoque. Ces clauses indiquent le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage. Elles ne permettent pas de modifications ou d’options qui changeraient la nature globale de la concession.

En réponse à cette question préjudicielle, la CJUE affirme que le droit primaire :

« ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant le renouvellement d’un contrat de concession sans nouvelle procédure d’attribution, dans des conditions où celui-ci a été attribué à un seul concessionnaire, tandis que le droit national applicable prévoyait qu’une telle concession devait en principe être attribuée à plusieurs, au maximum quatre, opérateurs économiques, lorsque cette réglementation nationale constitue la mise en œuvre d’une clause contenue dans le contrat de concession initial prévoyant l’option d’un tel renouvellement. » (point 44)

En d’autres termes, elle confirme le bienfondé de la clause de réexamen prévue au contrat initial et permettant son renouvellement, dans une certaine limite, sans remise en concurrence.

En outre, sur la question de savoir si l’évolution des modalités de paiement de la redevance versée à l’Etat aurait altéré l’équilibre économique de la concession et constitué une modification substantielle nécessitant à ce titre une remise en concurrence 1)Article 43, paragraphe 1, e) de la directive 2014/23 : « Les concessions peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à la présente directive dans l’un des cas suivant (…) lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4 », elle indique que :

« en l’occurrence, le montant à payer par le concessionnaire en contrepartie de l’octroi de la concession de services en cause au principal est resté inchangé, seules les modalités d’exécution du paiement de ce montant, lesquelles font l’objet des interrogations de la juridiction de renvoi, ayant été modifiées. (…) Sous réserve de [la vérification par la juridiction de renvoi de l’absence de modification du montant à payer au principal], il apparaît qu’une telle modification ne peut pas être considérée comme substantielle, au sens de l’article 43, paragraphe 4, de la directive 2014/23. À cet égard, il importe de relever que, dans la mesure où ce paiement anticipé pourrait être susceptible d’accroître le montant à payer, une telle modification ne semble pas altérer l’équilibre économique de la concession, en faveur du concessionnaire, au sens du point b) de cet article 43, paragraphe 4. »

La notion de modification substantielle se trouve donc strictement circonscrite. Le but de garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes n’est quant à lui pas déterminant pour procéder à une telle appréciation.

 

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1. Article 43, paragraphe 1, e) de la directive 2014/23 : « Les concessions peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à la présente directive dans l’un des cas suivant (…) lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4 »

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