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Par un arrêt rendu le 13 mars 2025, les 2ème et 7ème chambres réunies du Conseil d’Etat ont apporté quelques précisions concernant le délai de standstill dans le cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre attribué à l’issue d’un concours restreint.
La commune de Migennes a décidé de lancer un concours restreint de maîtrise d’œuvre sur esquisse pour la construction d’une médiathèque. Le 8 mars 2024, l’avis de concours a été publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel de l’Union européenne le 11 mars 2024. A l’issue de la procédure de sélection, le jury de concours a classé en première position le projet soumis par le groupement dont la société nord sud architecture est mandataire et en seconde position le projet du groupement dont le mandataire est la société AA Group Dijon. A la suite des négociations avec les deux lauréats, la commune a attribué le marché au groupement ayant la société AA Group Dijon et a notifié le rejet de son offre à la société nord sud architecture le 3 septembre 2024. Le marché a été signé le même jour. La société nord sud architecture a introduit un référé précontractuel le 13 septembre 2024 qui a été rejeté en raison de la signature du contrat. Elle a par la suite introduit un référé contractuel, en invoquant notamment la violation du délai minimal de suspension avant la signature du marché, prévu par l’article R. 2182-1 du code de la commande publique qui impose un délai de 11 à 16 jours (dit délai de standstill) entre la notification de l’attribution et la signature du contrat.
Toutefois, le juge des référés a estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur une partie des conclusions fondées sur l’article L. 551-17 du code de justice administrative et que la demande d’annulation devait être rejetée. En effet, selon lui, le délai de suspension n’a pas vocation à s’appliquer aux marchés de maîtrise d’œuvre conclus avec un lauréat de concours restreint. La société nord sud architecture a donc décidé de se pourvoir en cassation.
La question qui s’est posée devant le Conseil d’Etat était celle de savoir si le délai de suspension obligatoire s’applique aux marchés négociés sans mise en concurrence à l’issue d’un concours restreint, ou si une exception à cette règle s’applique en vertu des textes nationaux et européens.
Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise que le délai de suspension avant signature du contrat prévu par l’article R. 2182-1 du code de la commande publique ne s’applique pas lorsqu’un marché de maîtrise d’œuvre est attribué à l’un des lauréats d’un concours restreint. Il considère que cette règle est conforme aux articles R. 2122-6 1)« L’acheteur peut passer un marché de services sans publicité ni mise en concurrence préalables avec le lauréat ou l’un des lauréats d’un concours. Lorsqu’il y a plusieurs lauréats, ils sont tous invités à participer aux négociations. » et R. 2162-15 du code de la commande publique 2)« L’acheteur publie un avis de concours dans les conditions prévues aux articles R. 2131-12, R. 2131-13 et R. 2131-16 à R. 2131-20. Lorsqu’il entend attribuer un marché de services au lauréat ou à l’un des lauréats du concours en application de l’article R. 2122-6, il l’indique dans l’avis de concours. » ainsi qu’aux directives européennes 3) Directives 89/665/CEE du 21 décembre 1989 du Conseil du 21 décembre 1989 et 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 qui permettent la négociation avec un ou plusieurs lauréats.
Dès lors, bien que l’article L. 551-18 du code de la commande publique dispose que le juge prononce la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques, la signature d’un marché de maîtrise d’œuvre conclu avec l’un des lauréats d’un concours restreint, quel que soit le montant du besoin auquel il répond, n’était pas soumise à ces dispositions. Ce contrat ne pouvait donc pas être annulé sur le fondement de l’article L. 551-18 du CJA précité.
Le Conseil d’Etat précise également que cette absence de respect du délai de standstill s’applique, quand bien même le pouvoir adjudicateur aurait pris l’initiative, sans y être tenu, de prévoir un tel délai et d’en informer un candidat évincé dans la lettre de rejet de son offre.
De notre point de vue, cette décision vient clarifier la situation relative à la pratique du délai de standstill. Les collectivités devront en tenir compte lors de la passation de tels marchés, tout en veillant au respect des principes de transparence et d’égalité de traitement lors des négociations post-concours.
References
1. | ↑ | « L’acheteur peut passer un marché de services sans publicité ni mise en concurrence préalables avec le lauréat ou l’un des lauréats d’un concours. Lorsqu’il y a plusieurs lauréats, ils sont tous invités à participer aux négociations. » |
2. | ↑ | « L’acheteur publie un avis de concours dans les conditions prévues aux articles R. 2131-12, R. 2131-13 et R. 2131-16 à R. 2131-20. Lorsqu’il entend attribuer un marché de services au lauréat ou à l’un des lauréats du concours en application de l’article R. 2122-6, il l’indique dans l’avis de concours. » |
3. | ↑ | Directives 89/665/CEE du 21 décembre 1989 du Conseil du 21 décembre 1989 et 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 |