Conditions de modification des membres du groupement en cours d’exécution du marché

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 16 mai 2022 société hospitalière d’assurances mutuelles, req. n° 459408, mentionné dans les tables du recueil Lebon

La substitution en cours d’exécution d’un marché d’un autre opérateur à un des membres du groupement titulaire constitue une évolution des conditions essentielles du contrat qui doit conduire à la conclusion d’un nouveau contrat.

En l’espèce, un marché avait été confié à un groupement d’opérateurs économiques qui était dépourvu de personnalité juridique. Au cours de l’exécution de ce marché, un des membres du groupement se retire et est remplacé par un nouvel opérateur. Cette substitution s’opère dans le cadre d’un avenant.

Une candidate évincée lors de l’attribution d’un marché initial a formé un référé contractuel contre cet avenant, qui a été rejeté par ordonnance du 29 novembre 2021 contre laquelle cette candidate se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’Etat est donc saisi d’un pourvoi contre une ordonnance du juge du référé contractuel.

Sur ce sujet, la juridiction reprend fidèlement la jurisprudence qu’elle avait établie en matière de référé précontractuel 1)CE 11 juillet 2008 Ville de Paris, req. n° 312354, aux termes de laquelle la signature de l’avenant est soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence. En la matière, la recevabilité du recours est guidée par la solution au fond : le juge du référé contractuel n’accepte sa compétence que dans le cas où la signature de l’avenant est soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence.

Pour savoir si une telle compétence est acquise, le Conseil d‘Etat vérifie donc si les conditions sont réunies pour satisfaire l’une des hypothèses précisées à l’article L. 2194-1 du code de la commande publique.  Si cet article prévoit, parmi d’autres cas de figure, celui d’un changement de titulaire , cette hypothèse est ensuite précisée par différentes dispositions réglementaires, fixées à l’article R. 2194-6 qui pose une condition restrictive : le changement intervient en application d’une clause de de réexamen ou en cas de cession du marché dans le cadre d’une opération de restructuration affectant le titulaire initial.

Selon le Conseil d’Etat, l’affaire dont il a ici à connaitre ne relève d’aucun de ces deux cas de figure. Par conséquent, il était nécessaire de faire précéder la signature de l’avenant litigieux par la mise en œuvre de mesures de publicité et de mise en concurrence.

Prolongeant son raisonnement en réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat retient que l’article R. 2194-5 du code de la commande publique, qui conditionne la modification d’un marché à ce que des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir soient caractérisées, était en l’espèce inapplicable : la décision de la société de se retirer du groupement procède de la mise en œuvre d’une clause de résiliation prévue par le marché lui-même.

En conséquence, rien ne justifiait que l’avenant n’ait pas été précédé des mesures de publicité et de mise en concurrence, entraînant l’illégalité du transfert du contrat à une autre personne morale.

Restait alors un dernier point à trancher : celui des conséquences à tirer d’une telle illégalité. En effet, à la place de l’annulation qu’il aurait dû normalement prononcer, le Conseil d’Etat préfère retenir l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général, de nature à faire obstacle à une telle annulation en l’espèce. Selon les juges du Palais-Royal, les conséquences disproportionnées d’une annulation rétroactive de l’avenant sur la couverture assurantielle à laquelle les établissements de santé sont obligés de souscrire, sont de nature à justifier le prononcé d’une pénalité financière à la place de l’annulation de l’avenant. Le juge du Palais-Royal fait ici l’application du dispositif prévu dans le code de justice administrative à l’article L. 551-19 du code de justice administrative, qui prévoit que le juge peut sanctionner le manquement par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d’intérêt général.

Reste à voir, si dans le cas d’un groupement doté de la personnalité juridique, une telle solution aurait été aussi retenue. En ce sens, on peut supposer que l’inapplicabilité des cas de figures dérogatoires aux mesures de publicité et de mise en concurrence en l’espèce, découle de l’absence de personnalité juridique du groupement. Du fait d’une telle absence, le groupement ne saurait sans doute pas faire écran aux sociétés qui le composent et ne peut donc pas être regardé comme l’unique titulaire du marché. Si le groupement était doté d’une telle personnalité juridique, alors peut-être que la modification substantielle n’aurait pas été retenue en l’espèce.

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