Confirmation de l’annulation des permis de construire des projets « Mille arbres » et « Ville Multi-strates » en raison du risque pour la salubrité publique lié à la pollution atmosphérique

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

November 2022

Temps de lecture

4 minutes

CAA Paris 6 octobre 2022 SCCV Mille Arbres, req. n° 21PA04912

CAA Paris 6 octobre 2022 SNC Paris Ternes Villiers, req. n° 21PA04905

Un peu plus d’an an après l’annulation par le tribunal administratif de Paris de deux permis de construire délivrés pour la réalisation des projets « Mille arbres » et « Ville Multi-strates », emblématiques de l’appel à projets Réinventer Paris, la cour administrative d’appel de Paris, saisie par les pétitionnaires et la Ville, confirme ces annulations.

1.    La cour administrative d’appel écarte d’abord, dans les deux arrêts, une prétendue insuffisance de motivation des jugements du tribunal administratif, pour valider ensuite le raisonnement de premier ressort en ce qui concerne l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Ville de Paris en délivrant ces deux permis de construire au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

2.    Après un rappel d’une jurisprudence désormais établie (CE 26 juin 2019 M. A., req. n° 412429 : Publié au Rec. CE) selon laquelle l’article R. 111-2 ne peut être opposé pour justifier un refus que s’il n’est légalement pas possible d’accorder un permis en l’assortissant de prescriptions permettant d’assurer la régularité du projet sauf à le dénaturer, la cour indique que :

« eu égard à l’objet et à la portée des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, pour apprécier si les atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique sont de nature à justifier un refus du permis de construire, l’autorité compétente doit tenir compte, le cas échéant, de l’effet cumulé des différents risques et nuisances, dont celles résultant de la pollution de l’air, auxquels serait exposée la construction projetée, ainsi que ses alentours, même s’ils ne sont pas directement liés entre eux, cette exigence s’imposant particulièrement dans le cas où la construction est destinée à l’habitation. Cette autorité est fondée à refuser le permis sollicité dès lors que l’addition de ces risques ou nuisances serait de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des futurs occupants de l’immeuble, ainsi que des occupants des immeubles situés à proximité, quand bien même aucun d’entre eux ne serait de nature, à lui seul, à justifier ce refus ».

La cour constate ensuite que chacun des lieux d’implantation des projets sont marqués par un niveau élevé de pollution de l’air supérieur à la règlementation (notamment en ce qui concerne le dioxyde d’azote, de particules fines et de benzène), dont la valeur limite définie à l’article R. 221-1 du code de l’environnement constitue un indice pertinent pour apprécier la qualité de l’air, sans que les requérants ne soient en capacité de le contredire.

Ainsi, le dépassement des valeurs limites constitue une méconnaissance des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l’environnement.

Quand bien même la réalisation des projets n’aura pas pour effet d’augmenter la concentration des polluants dans l’air sur la majorité de chacun des terrains d’assiette des projets – mais néanmoins à certains points – la cour tient compte des effets des projets dans leur environnement.

D’abord, la réalisation des projets causera un déplacement des polluants issus de la circulation automobile ainsi qu’une augmentation de la concentration de dioxyde d’azote en plusieurs points alentours, et en particulier dans la rue Gustave-Charpentier, où sont situés notamment des immeubles d’habitation, de bureaux, des établissements recevant du public ainsi qu’une résidence pour personnes âgées.

Ensuite, la cour tient compte de l’impact combiné des projets « Mille Arbres » et « Ville Multi-strates » pour considérer qu’il ne ressort pas des pièces qu’il sera de nature à entrainer une baisse significative des concentrations en dioxyde d’azote quels que soient les points de mesures.

Cet impact cumulé est également visé pour considérer, s’agissant des mesures de protection envisagées, que, d’une part, cette analyse globale les rend incertaine dès lors que réalisation de chacun des projets conditionne leur effectivité et, d’autre part et en tout état de cause, elles ne sont pas suffisantes.

En réponse à un moyen uniquement soulevé dans le cadre de l’affaire du projet « Ville Multi-strates », la cour administrative d’appel précise en outre que compte tenu des effets du projet en terme de pollution atmosphérique, il n’appartient pas au juge administratif appliquant l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de procéder à une estimation globale du risque par un bilan avantages-inconvénients puisque cela aurait irrémédiablement pour effet de minimiser les impacts du projet sur la santé des occupants actuels des lieux environnants.

Il en résulte donc, dans les deux affaires, que la Ville de Paris a commis une erreur manifeste d’interprétation au regard de l’article L. 111-2 du code de l’urbanisme.

Au demeurant, cette erreur est caractérisée dans l’affaire des « Mille Arbres », en dépit du fait que l’arrêté ait été assorti de prescriptions destinées à réduire le risque, dès lors que ces prescriptions avaient un caractère trop général, et que leur réalisation incertaine et hypothétique ne permettait de compenser les atteintes que le projet était susceptible de porter à la santé publique.

3.    Comme l’a enfin jugé le tribunal, la cour administrative d’appel de Paris écarte une éventuelle régularisation par application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de justice administrative, pour chacun des projets.

Pour justifier cette impossibilité, la cour indique dans l’affaire des « Mille Arbres » qu’il ne ressort pas des pièces (et en particulier de l’étude d’impact, cf. pt 14 de l’arrêt) qu’il existerait des techniques permettant d’assurer la conformité du projet sans apporter de modifications qui changerait la nature même du projet.

En ce qui concerne le projet de « Ville Multi-strates », la cour fonde son refus sur le fait que les mesures de protection envisagées – en concertation avec le projet des « Mille Arbres » – n’étaient pas suffisantes pour compenser les atteintes liées au projet, rendant ainsi toute régularisation impossible sans que la nature même du projet ne soit modifiée.

 

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