Construction irrégulière et vice caché : la dissimulation par les vendeurs de l’impossibilité de reconstruire à l’identique un bâtiment aux futurs acquéreurs est constitutive d’un vice caché

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2021

Temps de lecture

3 minutes

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 juin 2021 n°20-11.902, Inédit

La Cour de cassation, après avoir rappelé les termes de l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme qui n’autorisent les reconstructions à l’identique que pour les constructions régulièrement autorisées détruites par un sinistre, a considéré que la dissimulation par les vendeurs aux acheteurs de l’impossibilité de reconstruire à l’identique les extensions d’un restaurant et qui empêchera son exploitation et en diminuera tellement l’usage que s’ils avaient informés ils n’en auraient donné qu’un moindre prix est constitutive d’un vice caché.

Dans cette espèce, la terrasse couverte, la cuisine et l’arrière cuisine d’un restaurant avaient été construites sans autorisation par ses propriétaires qui avaient ensuite été condamnés pénalement. Le juge pénal n’avait par ailleurs pas prescrit la démolition de ces ouvrages irrégulièrement implantés soit parce qu’il existait des circonstances atténuantes, au regard de l’absence de nuisance esthétique et aux conséquences économiques préjudiciables d’une démolition pour le restaurant.

Lors de la vente de leur restaurant des années après le constat de ces infractions, les vendeurs ont dissimulé, aux acheteurs, une SCI, ces informations relatives aux extensions du bâtiment construites sans autorisation et à l’impossibilité d’une régularisation de ces extensions.

La SCI, ayant appris, après la conclusion de la vente, l’existence de l’irrégularité de ces constructions, a assigné les vendeurs en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1641 du code civil qui prévoient que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 29 septembre 2016, pourvoi n°15-12.500), faisant application de la seconde condition posée par l’article 1641 du code civil précité a retenu que « l’immeuble vendu était affecté d’un vice caché diminuant tellement son usage, en cas de réalisation du risque de destruction fortuite, que la SCI n’en aurait donné qu’un moindre prix si elle l’avait connu ».

Les anciens propriétaires du restaurant, contestant l’existence du vice caché retenu par la Cour d’appel, ont formé un pourvoi contre cet arrêt en soutenant dans un moyen unique pris en deux branches que :

  • D’une part, « la circonstance que le juge pénal n’ait pas ordonné la démolition de la construction édifiée sans autorisation a eu pour effet de régulariser cette construction» ;
  • D’autre part, « l’éventuelle impossibilité de reconstruction, à la suite d’une destruction accidentelle, résultant d’une incompatibilité avec un plan d’occupation des sols n’est pas liée à l’irrégularité initiale de la construction et ne peut donc caractériser un vice caché de la construction ».

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant qu’en cas de destruction fortuite du restaurant et de ses annexes, il sera impossible de reconstruire à l’identique les extensions construites sans autorisation. Une telle dissimulation à la SCI lors de la vente et qui empêchera, si le risque se réalise, l’exploitation du restaurant et en diminuera tellement l’usage que la SCI n’en aurait donné qu’un moindre prix si elle en avait été informée est constitutive d’un vice caché.

Ainsi, le juge civil retient l’existence d’un vice caché dans le fait de dissimuler, lors d’une vente d’un immeuble, des extensions de celui-ci réalisées sans autorisation et alors même que le juge pénal, constatant cette infraction, n’aurait pas ordonné la démolition de ces extensions irrégulières.

Cet arrêt s’inscrit dans les hypothèses de vices entachant les ventes de constructions irrégulièrement implantées et les actions en réparation sollicitées sur le fondement de l’article 1641 du code civil (voir en ce sens, Cass. 3ème Civ. 28 juin 2012 n°11-13461 pour la réparation des préjudices causés par la signature d’un acte de vente portant sur un bien affecté d’un vice caché (construction d’une piscine sans autorisation) ; ou encore la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir d’information en n’informant pas les futurs acquéreurs sur les conséquences de l’absence de permis de construire : Cass. 3ème Civ, 15 mars 2018 n°17-11.850 F-D).

 

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