Construire sans diviser n’est pas lotir

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 28 janvier 2015 M. X, req. n° 362019 : Publié au Rec. CE.

En 2003, un lotissement a été autorisé par détachement d’un ensemble de terrains d’une propriété appartenant à M. D, lequel a conservé un reliquat, composé de deux parcelles attenantes sur l’une desquelles était implantée une villa.

Plan

En 2010, soit moins de 10 ans après l’autorisation du lotissement, M. D a obtenu, sur le reliquat, un permis de construire portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 19 logements.

Ce permis de construire a fait l’objet devant le Tribunal administratif de Pau d’un recours contentieux qui a été rejeté par un jugement du 22 février 2011. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ce jugement par un arrêt du 21 juin 2012 1) CAA Bordeaux 21 juin 2012 Ceglarec c/ Ministre de l’égalité des territoires et du logement, req. n° 11BX00956..

Débouté par les juges du fond, les requérants ont formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui s’est prononcé le 28 janvier 2015 dans une décision destiné à être publiée au Recueil Lebon.

Ils soutenaient, notamment, que l’implantation d’un bâtiment sur le reliquat, moins de 10 ans après l’autorisation du lotissement sur le reste de l’unité foncière, constituait un lotissement soumis à permis d’aménager.

Pour comprendre la présente décision et la référence au délai de 10 ans invoqué par les requérants, il doit être fait un bref rappel de la réglementation en vigueur avant la réforme du 1er mars 2012 2) En effet, la réforme sur la réglementation des lotissements est entrée en vigueur le 1er mars 2012. Voir en ce sens : Ordonnance n° 2011-1916 du 22 décembre 2011 relative à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme et Décret n° 2012-274 du 28 février 2012 relatif à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme..

En effet, dans sa rédaction en vigueur du 1er octobre 2007 au 1er mars 2012, l’article L. 441-1 du code de l’urbanisme définissait le lotissement de la manière suivante :

« Constitue un lotissement l’opération d’aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu’elle soit en propriété ou en jouissance, qu’elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments. »

Il résultait de cette définition que le lotissement constituait, comme dans sa version actuellement en vigueur, l’opération ayant pour objet la division en propriété ou en jouissance d’une ou plusieurs unités foncières en vue de l’implantation de bâtiments.

Toutefois, à la différence du régime juridique actuel, existait également le « lotissement-effet » qui conduisait à considérer qu’était assujettie à la réglementation l’opération qui avait eu pour effet la division d’une unité foncière sur une période de moins de 10 ans, incluant, ainsi, les lotissements « involontaires ».

Concrètement, si un propriétaire vendait une partie de son terrain et en conservait un reliquat, puis décidait de vendre ce reliquat en vue d’y implanter un bâtiment, moins de 10 ans après la réalisation de la première vente, alors l’opération était constitutive d’un lotissement.

Il convient également de rappeler que l’autorisation d’urbanisme à solliciter – déclaration préalable ou permis d’aménager – était fonction notamment du nombre de terrains issus de la division 3) Art. L. 442-2 Curb. Ainsi, les lotissements qui avaient pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire étaient soumis à permis d’aménager lorsqu’ils prévoyaient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu’ils étaient dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité (art. R. 421-19 Curb.). Tous les autres lotissements étaient soumis à déclaration préalable (R. 421-23 Curb.)., étant précisé que les terrains supportant des bâtiments n’étant pas destinés à être démolis n’étaient pas pris en compte dans le calcul du nombre de terrains issus de la division 4) En application de l’article R. 442-2 du code de l’urbanisme..

En l’espèce, les requérants tentaient donc de soutenir que la construction d’un bâtiment par M. D sur le reliquat, moins de 10 ans après la réalisation du lotissement « Général Prax », constituait un lotissement soumis à permis d’aménager.

Censurant ce raisonnement, le Conseil d’Etat indique dans un considérant de principe :

« Considérant qu’en vertu de ces dispositions [L. 441-1, R. 421-19 et R. 421-23 Curb.], une opération d’aménagement ayant pour objet ou ayant eu pour effet, sur une période inférieure à dix ans, la division d’une unité foncière constitue un lotissement, au sens de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, dès lors qu’il est prévu d’implanter des bâtiments sur l’un au moins des lots résultant de la division ; que, toutefois, lorsque le propriétaire de cette unité foncière a décidé de ne lotir qu’une partie de son terrain, le projet ultérieur d’implanter des bâtiments sur la partie conservée ne peut être regardé comme relevant du lotissement créé, alors même que ne serait pas expirée la période de dix ans mentionnée à l’article L. 442-1 ; que ce projet n’est susceptible de relever du régime du lotissement que s’il entre par lui-même dans les prévisions de cet article, c’est-à-dire s’il procède à une division de son terrain d’assiette en vue de l’implantation de nouveaux bâtiments »

Ainsi, la Haute Juridiction rappelle dans un premier temps que lorsque le propriétaire d’une unité foncière a décidé de ne lotir qu’une partie de son terrain, le projet ultérieur d’implanter des bâtiments sur la partie conservée ne peut être regardé comme relevant du lotissement créé, alors même que ne serait pas expirée la période de dix ans.

Avant de préciser, dans un second temps, que le projet n’est susceptible de relever du régime du lotissement que s’il entre par lui-même dans le champ d’application du lotissement, à savoir si le propriétaire procède à une division de son terrain d’assiette en vue de l’implantation de nouveaux bâtiments.

En l’espèce, en l’absence de division du reliquat par M. D, l’opération réalisée, qui était sans lien avec le lotissement initial « Général Prax », ne constituait donc pas un lotissement.

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References   [ + ]

1. CAA Bordeaux 21 juin 2012 Ceglarec c/ Ministre de l’égalité des territoires et du logement, req. n° 11BX00956.
2. En effet, la réforme sur la réglementation des lotissements est entrée en vigueur le 1er mars 2012. Voir en ce sens : Ordonnance n° 2011-1916 du 22 décembre 2011 relative à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme et Décret n° 2012-274 du 28 février 2012 relatif à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme.
3. Art. L. 442-2 Curb. Ainsi, les lotissements qui avaient pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire étaient soumis à permis d’aménager lorsqu’ils prévoyaient la réalisation de voies ou espaces communs ou lorsqu’ils étaient dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité (art. R. 421-19 Curb.). Tous les autres lotissements étaient soumis à déclaration préalable (R. 421-23 Curb.).
4. En application de l’article R. 442-2 du code de l’urbanisme.

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