Contrat de partenariat : appréciation de la condition de complexité

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2014

Temps de lecture

4 minutes

CE 30 juillet 2014 Commune de Biarritz, req. n° 363007 : sera mentionné aux Tables du Rec. CE

Par une décision du 26 juillet 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé la délibération du 23 juillet 2008 autorisant le maire de Biarritz à signer un contrat de partenariat avec la société Biarritz-Océan pour le financement et la réalisation de la « Cité de l’océan et du surf » ainsi que le financement et la réalisation de travaux d’extension et de modernisation de son « Musée de la mer », au motif que les conditions du recours au contrat de partenariat, et notamment la situation de complexité invoquée par la collectivité, n’étaient pas réunies 1) CAA Bordeaux 26 juillet 2012 Cité du surf et Aquarium du Musée de la Mer, req. n° 10BX02109, commentée sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=2525. .

Saisi d’un pourvoi de la commune de Biarritz, le Conseil d’Etat annule la décision de la cour administrative d’appel pour un motif de procédure 2) La cour administrative d’appel de Bordeaux a méconnu son office en omettant d’écarter une fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants de première instance n’avaient pas, en leur qualité de conseillers municipaux, intérêt à agir dès lors que la délibération attaquée ne portait pas atteinte à leurs prérogatives ou à leur statut. Le Conseil d’Etat admet leur intérêt à agir. mais confirme l’annulation de la délibération litigieuse dans une décision du 30 juillet 2014, ce qui lui donne l’occasion de se prononcer sur l’appréciation de la condition de complexité justifiant le recours à un contrat de partenariat.

La Haute Juridiction juge tout d’abord que « le moyen tiré de ce que les conditions de recours au contrat de partenariat ne sont pas réunies peut être utilement soulevé à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte par lequel la signature d’un tel contrat est autorisée ». Elle précise que le respect des conditions posées par la loi pour avoir recours au contrat de partenariat s’apprécie au vu de l’évaluation préalable qui a donné lieu à la délibération se prononçant sur le principe du recours au contrat de partenariat.

A l’occasion de son examen des faits de l’espèce, le Conseil d’Etat donne ensuite quelques pistes pour l’appréciation de la condition de complexité 3) Pour mémoire, en vertu de l’article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales applicables aux faits de l’espèce, « Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation (…) montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d’urgence »..

La commune a fait valoir que l’extension et la rénovation du « Musée de la mer » s’est traduite par la réalisation d’un aquarium de 1300 m3 dans un espace souterrain mitoyen d’un tunnel routier et d’un ancien bunker et que dans ces conditions, la réalisation de la « Cité de l’océan et du surf » a nécessité de faire appel à des équipements de haute technologie.

Le Conseil d’Etat relève à ce sujet que la seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre n’est pas suffisante pour justifier le recours au contrat de partenariat, en l’absence de circonstances particulières de nature à établir qu’il était impossible à la personne publique de définir, seule et à l’avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins.

Par ailleurs, la Haute Juridiction précise que pour apprécier la capacité objective de la personne publique à définir seule et à l’avance les moyens techniques permettant de répondre à ses besoins et, par suite, pour déterminer si la complexité technique du projet justifie le recours au contrat de partenariat, il n’y a pas lieu de tenir compte des études postérieures au lancement de la procédure de passation du contrat, mais qu’en revanche, « il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des études, même réalisées par des tiers, dont la personne publique dispose déjà à la date à laquelle elle décide de recourir au contrat de partenariat ».

Or, en l’espèce, la commune disposait d’un avant-projet détaillé réalisé dans le cadre d’un concours de maîtrise d’œuvre organisé quelques années plus tôt pour la conception de cet ouvrage.

Si l’évaluation préalable fait effectivement apparaître de nombreux éléments de complexité technique, ces éléments de complexité n’établissent pas pour autant que la commune aurait été dans l’impossibilité de « définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ».

La situation de complexité au sens de l’article L. 1414-2 CGCT n’étant pas établie, le juge annule la délibération attaquée du 23 juillet 2008 en tant qu’elle autorise le maire de Biarritz à signer le contrat de partenariat 4) Les requérants demandaient également l’annulation de cette délibération en tant qu’elle autorise le maire de Biarritz, d’une part, à signer l’acte d’acceptation de la cession de créances consentie par la SNC Biarritz Océan à la société Dexia ainsi que l’accord direct passé entre la commune et cette société et, d’autre part, à verser une somme de 150 000 euros à chacun des deux candidats non retenus, mais le Conseil d’Etat considère que le requérant n’articule aucun moyen utile contre cette partie de la délibération litigieuse, qu’il estime au demeurant divisible de l’ensemble..
L’annulation de cet acte détachable du contrat reste pour l’heure platonique – le Conseil d’Etat n’ayant probablement pas été saisi d’une demande d’injonction. Le contrat de partenariat est toutefois largement fragilisé, les requérants ayant à tout moment la possibilité de saisir le juge de l’exécution afin qu’il enjoigne à la commune de tirer les conséquences de l’annulation de la délibération et, le cas échéant, qu’il lui ordonne de saisir le juge du contrat pour que celui-ci en prononce l’annulation.

Il convient de noter à ce sujet que la décision « Tarn et Garonne » du Conseil d’Etat résout cette problématique de la dissociation entre le juge de l’excès de pouvoir et le juge du contrat, en ouvrant aux tiers justifiant d’un intérêt à agir la possibilité de contester directement la validité du contrat 5) CE 4 avril 2014 Département de Tarn et Garonne, req. n° 358994 : Publié au Rec. CE, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=5515. .

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1. CAA Bordeaux 26 juillet 2012 Cité du surf et Aquarium du Musée de la Mer, req. n° 10BX02109, commentée sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=2525.
2. La cour administrative d’appel de Bordeaux a méconnu son office en omettant d’écarter une fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants de première instance n’avaient pas, en leur qualité de conseillers municipaux, intérêt à agir dès lors que la délibération attaquée ne portait pas atteinte à leurs prérogatives ou à leur statut. Le Conseil d’Etat admet leur intérêt à agir.
3. Pour mémoire, en vertu de l’article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales applicables aux faits de l’espèce, « Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation (…) montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d’urgence ».
4. Les requérants demandaient également l’annulation de cette délibération en tant qu’elle autorise le maire de Biarritz, d’une part, à signer l’acte d’acceptation de la cession de créances consentie par la SNC Biarritz Océan à la société Dexia ainsi que l’accord direct passé entre la commune et cette société et, d’autre part, à verser une somme de 150 000 euros à chacun des deux candidats non retenus, mais le Conseil d’Etat considère que le requérant n’articule aucun moyen utile contre cette partie de la délibération litigieuse, qu’il estime au demeurant divisible de l’ensemble.
5. CE 4 avril 2014 Département de Tarn et Garonne, req. n° 358994 : Publié au Rec. CE, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=5515.

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