Covid-19 : nouveaux ajustement en matière de contrats publics, redevances domaniales et délais d’instruction des autorisations d’urbanisme et des autorisations de travaux sur ERP, IGH et IMH (ord. 22 avril 2020)

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général, Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

April 2020

Temps de lecture

6 minutes

Ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19

Cette ordonnance, parue au Journal officiel du 23 avril, et accompagnée d’un Rapport au Président de la République, vient à la fois compléter et préciser l’arsenal de dispositions diverses institué par les précédents textes relatifs à l’épidémie de Covid-19.

Son contenu étant relativement hétéroclite, nous nous intéresserons ici à ses dispositions concernant principalement certains aspects de droit public.

1           Contrats publics : suspension, redevances et avenants

L’article 20 de l’ordonnance du 22 avril vient compléter certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

1.1        Cette ordonnance n° 2020-319 a institué certains mécanismes, « applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire ».

Son article 6 comporte plusieurs dispositions s’appliquant « En cas de difficultés d’exécution du contrat [et] nonobstant toute stipulation contraire, à l’exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat » : prolongation du délai d’exécution d’une obligation contractuelle qui ne peut être exécutée ou ne peut l’être qu’au prix d’une charge manifestement excessive, hypothèses d’absence d’engagement de responsabilité contractuelle, suspension de l’exécution de certains contrats, indemnisation en cas d’aménagement significatif de ses modalités d’exécution…

1.2        La disposition relative à la suspension des concessions est complétée.

Le rapport au Président de la République indique :

« Les mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre la propagation du covid-19 impactent fortement l’activité économique des entreprises qui, du fait de la forte diminution de leur chiffre d’affaires voire de l’arrêt total de leur activité ne sont plus en mesure de faire face à leurs obligations contractuelles.

Notamment, certains délégataires de services publics doivent fermer leurs portes en raison du confinement et des mesures de restriction de circulation, comme par exemple les structures d’accueil de la petite enfance. Pour sécuriser leur situation, l’article 20 précise au 5° de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, d’une part, que les mesures destinées à les soutenir financièrement s’applique non seulement en cas de décision expresse de suspension prise par l’autorité concédante mais également lorsque l’arrêt de l’activité est la conséquence nécessaire d’une mesure de fermeture d’établissement prise par l’autorité de police administrative ».

Ainsi, le 5° de l’article 6 de l’ordonnance « contrats publics » prévoit désormais que :

« Lorsque l’exécution d’une concession est suspendue par décision du concédant ou lorsque cette suspension résulte d’une mesure de police administrative, tout versement d’une somme au concédant est suspendu et si la situation de l’opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, une avance sur le versement des sommes dues par le concédant peut lui être versée. A l’issue de cette suspension, un avenant détermine, le cas échéant, les modifications du contrat apparues nécessaires ».

1.3        Le sort des conventions d’occupation domaniale et des redevances d’occupation domaniale est ensuite précisé.

Bien que la notion de contrat public n’ait pas de définition législative, il était déjà acquis que l’ordonnance n° 2020-319 s’appliquait aux contrats d’occupation du domaine public, et même, à la condition qu’ils aient la nature de contrats administratifs, de sous-occupation du domaine public. Cette lecture étant notamment retenue par la version actualisée le 6 avril 2020 de la fiche technique du ministère de l’économie sur le champ d’application de ladite ordonnance « contrats publics » (§ 1.1).

Le rapport au Président de la République de l’ordonnance du 22 avril indique très explicitement que :

« De même, de nombreuses entreprises exercent une activité commerciale sur le domaine public. A cette fin, elles concluent avec l’autorité gestionnaire du domaine des conventions aux termes desquelles elles sont autorisées à occuper une dépendance domaniale pour y exercer leur activité moyennant le versement d’une redevance. Or, la forte baisse d’activité liée au covid-19 ne leur permet plus de verser les redevances dues à l’autorité gestionnaire du domaine. Il en est ainsi par exemple des entreprises de publicité extérieure qui ne parviennent plus à commercialiser leurs espaces du fait des annulations en masse des campagnes publicitaires. Il est donc proposé de compléter l’article 6 de l’ordonnance par une disposition permettant aux entreprises dont l’activité est fortement dégradée du fait de l’épidémie de covid-19 de suspendre le versement des redevances d’occupation domaniale.

Cette disposition serait applicable aux contrats de la commande publique, comme les contrats de mobilier urbain, qui ne peuvent bénéficier des autres dispositions de l’ordonnance en l’absence de suspension de leur exécution, ainsi qu’aux pures conventions domaniales, qui sont des contrats publics par détermination de la loi (article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques) mais ne peuvent bénéficier ni des dispositions applicables aux marchés ou aux concessions ni de la théorie de l’imprévision qui, en l’état de la jurisprudence administrative, n’est susceptible d’être invoquée que dans le cadre de la prise en charge de missions de service public, de la gestion d’un service public ou de l’exécution de mesures prises dans un but d’intérêt général ».

L’article 6 de l’ordonnance n° 2020-319 est ainsi complété par un 7° énonçant :

« 7° Lorsque le contrat emporte occupation du domaine public et que les conditions d’exploitation de l’activité de l’occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, le paiement des redevances dues pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public est suspendu pour une durée qui ne peut excéder la période mentionnée à l’article 1er. A l’issue de cette suspension, un avenant détermine, le cas échéant, les modifications du contrat apparues nécessaires ».

1.4        Enfin, il est dérogé à l’obligation de réunion de commissions avant la passation de certains avenants.

Le rapport au Président de la République indique :

« Enfin, afin de pallier les difficultés rencontrées par les collectivités locales, leurs établissements publics et leurs groupements pendant la période de confinement pour réunir les commissions d’appel d’offres et les commissions de délégation de service public et afin d’accélérer les procédures, il est proposé de déroger aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales qui imposent le passage en commission pour les avenants aux délégations de service public et aux marchés publics qui entrainent une augmentation du montant du contrat de plus de 5 % ».

Le texte de l’ordonnance n° 2020-319 est ainsi complété par un nouvel article 6.1 prévoyant que :

« Par dérogation aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % sont dispensés, respectivement, de l’avis préalable de la commission mentionnée à l’article L. 1411-5 du même code et de celui de la commission d’appel d’offres. »

2          Autorisations d’urbanisme, autorisations de travaux et préemption

Les règles en la matière avaient déjà été aménagées par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, avant d’être largement modifiées par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 (commentée dans nos colonnes).

2.1        Autorisations et certificats d’urbanisme : possibilité d’un aménagement par décret

Le premier ajustement est modeste. Le rapport au Président de la République indique :

« L’article 23 de l’ordonnance procède à un ajustement de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période. La modification de cette ordonnance par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 a eu notamment pour objet de prévoir un régime spécifique de suspension des délais pour l’instruction de certaines procédures (autorisations d’urbanisme, préemption). La suspension de ces délais pour une période plus brève doit s’accompagner de la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer par décret la reprise du cours des délais dans les conditions fixées par l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020. C’est la raison pour laquelle les articles 12 ter et 12 quater de cette ordonnance sont précisés. »

La modification consiste à prévoir que, pour les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme d’une part et les délais relatifs aux procédures de préemption d’autre part, et en sus du mécanisme de suspension que ces articles prévoient, une reprise des délais peut également être prévue par décret « pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l’article 9 » de l’ordonnance n° 2020-306 ; c’est-à-dire pour des motifs, notamment, de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement…

2.2       Suspension des délais d’instruction de certaines demandes d’autorisations prévues par le code de la construction et de l’habitation

L’article 12 ter de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, inséré par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril, ne visait que les autorisations et certificats d’urbanisme.

En revanche, en dehors des hypothèses de permis de construire en tenant lieu, les autorisations de travaux sur établissement recevant du public avaient manifestement été oubliées. Tout comme les immeubles de moyennes et grandes hauteurs. Dans les deux cas, ce sont les autorisations à obtenir lorsque le projet n’est pas soumis à permis de construire.

L’oubli est réparé. Le rapport au Président de la République de l’ordonnance du 22 avril indique :

« L’article complète également l’article 12 ter de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 pour que les délais d’instruction des autorisations de travaux et des autorisations d’ouverture et d’occupation prises en application du livre Ier du code de la construction et de l’habitation et sanctionnant les règles de sécurité incendie et d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des immeubles de grande hauteur (IGH), ainsi que ceux des autorisations de division d’immeubles, reprennent leur cours dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire et non un mois plus tard. L’objectif est de relancer aussi rapidement que possible, une fois passée la période de crise sanitaire, de nombreux travaux dans les ERP et IGH réalisés par les artisans et PME du bâtiment, notamment les réaménagements de commerces qui devront faire des travaux d’adaptation au Covid-19 à la sortie du confinement ».

L’article 12 ter est ainsi complété :

« Les dispositions du présent article s’appliquent également aux demandes d’autorisation de division prévues par le livre Ier du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’aux demandes d’autorisation d’ouverture, de réouverture, d’occupation et de travaux concernant des établissements recevant du public et des immeubles de moyenne ou de grande hauteur prévues par le même livre, lorsque ces opérations ou travaux ne requièrent pas d’autorisation d’urbanisme. »

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