Dans quelles conditions le bénéficiaire et l’auteur d’un permis de construire peuvent-ils contester un sursis à statuer en vue de la régularisation d’un vice entachant ledit permis ?

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 juillet 2023 Commune de Neauphle-le-Château, req. n° 463914 : mentionné aux T. Rec. CE

1             L’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme autorise le juge à différer sa décision, c’est-à-dire à « surseoir à statuer », sur un recours contre un permis de construire lorsqu’un vice affectant cette autorisation est susceptible d’être régularisé. Le juge laisse alors, via un jugement dit avant-dire droit, un délai au pétitionnaire pour régulariser l’irrégularité.

C’est d’une procédure qui s’inscrit dans un mouvement général, encouragé par le législateur, visant à permettre la régularisation des autorisations d’urbanisme et d’éviter leur annulation pure et simple.

Dans une décision du 10 juillet 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les modalités de contestation (par le pétitionnaire et l’auteur d’une autorisation d’urbanisme) de ces décisions avant-dire droit prises sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

2             Dans cette affaire, le tribunal administratif de Versailles avait rendu deux jugements :

  • le premier avant dire-droit par lequel il a sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme afin de permettre au pétitionnaire de régulariser le projet au regard des articles 6 et 7 du règlement du PLU de la commune relatifs aux règles d’implantation des constructions ;
  • le second au fond, après intervention de la mesure de régularisation, par lequel le tribunal a annulé le permis de construire initial et le permis de construire modificatif au motif que ce dernier n’était pas suffisant pour régulariser les vices constatés.

Un pourvoi a été formé devant le Conseil d’Etat 1)Le recours a été directement formé devant le Conseil d’Etat puisque le terrain d’assiette du projet de construction était situé en zone tendue (voir article R. 811-1-1). lequel a annulé le jugement précité.

3             Les requérants contestant la légalité d’un permis peuvent contester le jugement avant-dire droit en tant qu’il a jugé que cette autorisation était affectée d’un vice entachant sa légalité et/ou en tant qu’il fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1. Toutefois, dès que l’autorisation d’urbanisme de régularisation intervient, les requérants ne peuvent plus contester le jugement avant dire-droit en ce qu’il a ordonné le sursis-à-statuer 2)CE 23 novembre 2022 Sté Les Jardins de Flore et autres, req. n° 449443.

Dans la même hypothèse, le bénéficiaire de l’autorisation initiale d’urbanisme et l’autorité qui l’a délivrée peuvent contester le jugement avant dire droit en tant qu’il a jugé que cette autorisation était affectée d’un vice entachant sa légalité. Dans le cas particulier où le bénéficiaire de l’autorisation avait indiqué au juge administratif qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation, il peut également contester ce jugement en tant qu’il impose une régularisation, ce type de conclusions étant cependant privées d’objet à compter de la délivrance du permis destiné à régulariser le vice 3)Idem.

Dans sa décision du 10 juillet 2023, le Conseil d’Etat précise cette dernière hypothèse et décide qu’il en va de même lorsque le bénéficiaire et l’auteur du permis de construire contestent le jugement avant-dire après l’intervention du jugement mettant fin à l’instance : le recours formé à l’encontre du jugement avant-dire droit en tant qu’il a fait application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme est alors privé d’objet dès l’origine, du fait de la délivrance d’une autorisation modificative :

« Lorsque le juge administratif décide de recourir à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le bénéficiaire de l’autorisation initiale d’urbanisme et l’autorité qui l’a délivrée peuvent contester le jugement avant dire droit en tant qu’il a jugé que cette autorisation était affectée d’un vice entachant sa légalité. Ils peuvent également contester ce jugement en tant qu’il fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1, ces conclusions étant cependant privées d’objet à compter de la délivrance du permis destiné à régulariser le vice. L’annulation du jugement en tant qu’il a fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1 peut cependant toujours être prononcée par voie de conséquence de son annulation en tant qu’il a jugé que l’autorisation initiale d’urbanisme était affectée d’un vice.

Il en résulte que les conclusions de Mme B…, qui n’a contesté le jugement avant dire droit qu’après l’intervention du jugement du 11 mars 2022 mettant fin au litige, étaient privées d’objet dès l’origine du fait de la délivrance le 18 octobre 2021 du permis de construire modificatif qu’elle avait sollicité aux fins de régularisation».

Ainsi, il est inutile pour les auteurs d’un recours dirigé contre un jugement avant-dire droit en matière d’autorisations d’urbanisme de contester la partie du jugement faisant application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme lorsque la mesure de régularisation et/ou le jugement mettant fin définitivement à l’instance sont déjà intervenus.

 

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References   [ + ]

1. Le recours a été directement formé devant le Conseil d’Etat puisque le terrain d’assiette du projet de construction était situé en zone tendue (voir article R. 811-1-1).
2. CE 23 novembre 2022 Sté Les Jardins de Flore et autres, req. n° 449443
3. Idem

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