Décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 relatif à l’utilisation des téléprocédures : des précisions importantes sur les règles d’utilisation de l’application Télérecours

Catégorie

Droit administratif général

Date

October 2020

Temps de lecture

5 minutes

Décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 relatif à l’utilisation des téléprocédures devant le Conseil d’Etat, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs et portant autres dispositions

Le décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 simplifie, précise et complète les dispositions du code de justice administrative relatives à l’utilisation des téléprocédures au sein des juridictions administratives. Celui-ci s’inscrit dans un mouvement de généralisation de l’usage des procédures dématérialisées devant les juridictions administratives engagé depuis plusieurs années. Afin d’apprécier la portée de ce nouveau décret, un bref rappel s’impose.

1        Le décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 s’inscrit dans un mouvement de généralisation de l’usage des téléprocédures devant les juridictions administratives

Pour mémoire, le décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016, adopté le même jour que le décret n° 2016-1480 dit « JADE » (pour « justice administrative de demain ») avait rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2017 la transmission par voie électronique, via l’application « Télérecours », des requêtes et mémoires soumis aux tribunaux administratifs, aux cours administratives d’appel et au Conseil d’Etat par les avocats, les personnes morales de droit public autres que les communes de moins de 3 500 habitants, et les organismes de droit privé chargés de la gestion permanente d’un service public.

Afin de garantir la lisibilité des mémoires échangés par Télérecours, et d’uniformiser les usages entres juridictions, le décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 avait également précisé les règles de présentation des pièces jointes sur Télérecours, en modifiant la rédaction de l’article R. 414-3 du code de justice administrative :

« Les pièces jointes sont présentées conformément à l’inventaire qui en est dressé.

Lorsque le requérant transmet, à l’appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d’entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l’inventaire mentionné ci-dessus. S’il transmet un fichier par pièce, l’intitulé de chacun d’entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d’irrecevabilité de la requête.

Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d’effet, de voir ses écritures écartées des débats ».

De nombreuses voix s’étaient alors élevées pour contester la sévérité de la sanction prévue en cas de non-respect des règles ainsi fixées, d’autant que certaines juridictions du fond avaient pu faire preuve d’une grande rigidité dans l’application de celles-ci. En outre, lesdites juridictions laissaient dans certains cas peu de temps aux parties pour régulariser la situation, parfois quelques jours tout au plus. N’ayant pas procédé à cette régularisation dans le temps imparti, de nombreux requérants avaient vu leur requête rejetée pour irrecevabilité 1)Voir par exemple CAA Bordeaux 28 septembre 2017, req. n° 17BX02451.

Le Conseil d’Etat a logiquement été conduit à se prononcer sur cette question. Dans une décision rendue le 5 octobre 2018, la Section du contentieux avait adopté une lecture plus libérale des dispositions des articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative, en jugeant que la présentation des pièces jointes était conforme à leur inventaire détaillé « lorsque l’intitulé de chaque signet au sein d’un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d’ordre que celui affecté à la pièce par l’inventaire détaillé »  2)CE Section 5 octobre 2018 Sergent et autres, req. 418233 : Publié au recueil Lebon.

Puis, dans une décision ultérieure rendue par les 8ème et 3ème chambres réunies, le Conseil d’Etat a également précisé qu’une partie qui transmet un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène, telles que des factures, pouvait les faire parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d’elles par un signet, « à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que la numération, au sein de chacun d’eux, des pièces qu’ils regroupent soient conformes à l’inventaire » 3)CE 6 février 2019 SARL Attractive Fragrances et Cosmetics, req. n° 415582 : Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

La généralisation progressive de l’usage des téléprocédures a également conduit à la mise en service de Télérecours citoyen devant toutes les juridictions administratives à compter du 30 novembre 2018. A cette fin, le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 a inséré au sein du code de justice administrative les nouveaux articles R. 414-6 à R. 414-11 relatifs à la transmission par voie électronique des requêtes et mémoires par les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d’un service public.

2       Les changements résultant du décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020

Le décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 regroupe tout d’abord au sein d’un même ensemble les dispositions applicables d’une part à l’utilisation de l’application Télérecours et, d’autre part, celles relatives au service Télérecours citoyen, qui font aujourd’hui l’objet de deux sections distinctes au sein du code de justice administrative. Les règles d’usage de ces deux applications ne sont toutefois pas uniformisées, davantage de souplesse étant laissée aux utilisateurs de Télérecours citoyen.

Le nouvel article R. 414-4 tel que résultant du nouveau décret simplifie la présentation des requêtes par voie dématérialisée en prévoyant que l’indication des nom et domicile du requérant dans l’application Télérecours ou dans le service Télérecours citoyens vaut indication de ces mentions dans la requête. Il en va de même s’agissant de l’identification de l’auteur d’un mémoire en défense (article R. 611-8-4).

Le décret n° 2020-1245 simplifie également les règles de présentation des pièces jointes qui s’imposent aux utilisateurs de l’application Télérecours. Les nouveaux articles R. 414-5 et R. 611-8-5 prévoient que ceux-ci devront dorénavant transmettre un fichier par pièce jointe. Le non-respect de ce formalisme au stade de la communication de la requête conduira à l’irrecevabilité de celle-ci, alors que, s’agissant de la communication de pièces jointes aux mémoires complémentaires ou aux mémoires en défense, cette irrégularité ne pourra conduire qu’à la mise à l’écart desdites pièces après invitation à régulariser non suivie d’effet.

En outre, les fichiers transmis via Télérecours devront comporter un intitulé comprenant un numéro dans un ordre continu et croissant et un libellé décrivant leur contenu de manière suffisamment explicite. La sanction s’appliquant au non-respect de ce formalisme est toutefois assouplie : l’irrégularité ne conduit plus à l’irrecevabilité de la requête ou à la mise à l’écart de l’ensemble du mémoire, mais seulement à la mise à l’écart des pièces mal libellées.

En application de la jurisprudence du Conseil d’Etat SARL Attractive Fragrances et Cosmetics du 6 février 2019 précitée, il est toujours laissé la possibilité au requérant de transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l’ordre de présentation, au sein de chacun d’eux, des pièces qu’ils regroupent soient conformes à l’énumération, figurant à l’inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête. Dans cette hypothèse, le requérant a l’obligation de transmettre un inventaire détaillé.

Conformément à la rédaction actuelle des articles R. 414-3 et R. 611-8-7, les nouveaux articles R. 414-4 et R. 611-8-5 prévoient toujours que « si les caractéristiques de certains mémoires ou pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ils sont transmis à la juridiction sur support matériel, accompagnés de copies en nombre égal à celui des autres parties augmenté de deux ». Leur production doit alors être annoncée par le requérant dans la rubrique correspondante de l’application.

Enfin, le décret n° 2020-1245 supprime la possibilité de demander la délivrance d’une copie papier de la décision rendue, en complément de la notification faite par l’application Télérecours ou le service Télérecours citoyens, pour les personnes ayant utilisé cette application ou ce téléservice.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2021, à l’exception des dispositions des premier et troisième alinéas des articles R. 414-5 et R. 611-8-5 qui n’entreront en vigueur qu’au 1er juin 2021.

Partager cet article

References   [ + ]

3 articles susceptibles de vous intéresser