Délai d’exercice du droit de reprise de l’administration en matière de taxe d’aménagement

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2021

Temps de lecture

4 minutes

Conseil d’Etat 13 octobre 2021 Société civile de construction vente (SSCV) Campagne 1ère, req n°434551

Résumé

Dans cette décision rendue par les 9ème et 10ème chambres réunies, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions législatives ayant pour objet d’allonger le délai d’exercice du droit de reprise de l’administration fiscale en matière de taxe d’aménagement sont applicables immédiatement, en l’absence de disposition spécifique relative à leur entrée en vigueur, aux délais de reprise en cours et non encore expirés.

Contexte de la décision :

La société civile de construction vente (SCCV) Campagne 1ère a obtenu un permis de construire le 1er octobre 2012 délivré par le maire de Bouc Bel Air (Bouches-du-Rhône), au titre duquel elle était redevable de la taxe d’aménagement et de la redevance d’archéologie préventive.

A cette fin, le directeur départemental des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône a émis le 28 juin 2016, d’une part, deux titres exécutoires pour le recouvrement de la taxe d’aménagement due au titre de ce permis de construire, ainsi que la décharge de cette taxe, et d’autre part, un titre exécutoire pour le recouvrement de la redevance d’archéologie préventive, ainsi que la décharge de cette redevance.

La SSCV Campagne 1ère a demandé au Tribunal administratif de Marseille l’annulation de ces titres exécutoires en date du 28 juin 2016.

Le Tribunal a, par un jugement du 4 juillet 2019, fait droit à sa demande.

Ce dernier s’est en l’espèce fondé sur l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme relatif au droit de reprise en matière de taxe d’aménagement, dans sa rédaction issue de l’article 28 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010, qui disposait que : « Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit (…) celle de la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager (…) ».

Le permis de construire ayant été délivré à la SCCV Campagne 1ère le 1er octobre 2012, le Tribunal a estimé, en application de l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme dans sa version antérieurement applicable, que l’administration disposait alors d’un délai de trois ans, à compter du 31 décembre 2012, pour exercer son droit de reprise en matière de taxe d’aménagement, soit jusqu’au 31 décembre 2015.

Le Tribunal a ainsi considéré que les titres exécutoires émis le 28 juin 2016 étaient tardifs, et en a prononcé l’annulation.

La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales s’est pourvue en cassation contre le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2019, en tant qu’il a annulé les deux titres exécutoires relatifs à la taxe d’aménagement.

Portée de la décision :

Dans son arrêt du 13 octobre 2021, le Conseil d’Etat relève tout d’abord que l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme, relatif au délai de reprise de l’administration en matière de taxe d’aménagement, a été modifié par l’article 56 de la loi du 29 décembre 2015 de finance rectificative pour 2015.

Cette disposition a étendu le droit de reprise jusqu’au 31 décembre de la quatrième année suivant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme :

« Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la quatrième année qui suit, selon les cas, celle de la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle de la décision de non-opposition ou celle à laquelle l’autorisation est réputée avoir été accordée (…) ».

Le Conseil d’Etat relève ensuite que les nouvelles dispositions de la loi du 29 décembre 2015 sont entrées en vigueur le 30 décembre 2015, c’est-à-dire, pour les autorisations d’urbanisme délivrées à partir du 1er janvier 2012, avant l’expiration des délais de reprise résultant de la version initiale de l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme (ces derniers expiraient le jour suivant, le 31 décembre 2015).

Le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel :

« Lorsqu’une loi nouvelle allonge le délai de prescription d’un droit, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, le délai nouveau est immédiatement applicable aux délais en cours, compte tenu du délai déjà écoulé ».

En jugeant que le nouveau délai de reprise s’appliquait immédiatement aux délais en cours qui n’avaient pas encore expiré, le Conseil d’Etat est allé dans le sens de la volonté du législateur.

Ce dernier souhaitait octroyer plus de temps à l’administration pour le recouvrement de la taxe d’aménagement, dont la mise en place le 1er mars 2012 s’était accompagnée de retards importants. Cette volonté du législateur est expressément affirmée dans les débats parlementaires qui ont accompagné le vote de cette loi 1)Exposé des motifs de l’amendement n° 201 adopté au Sénat en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2015..

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de faire une application immédiate de dispositions qui venaient allonger les délais de reprise de l’administration fiscale, alors en cours et non encore expirés 2)CE 24 mars 1971 Société anonyme immobilière de l’étang de Berre et de la Méditerranée, req. n°77883.

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat retient aujourd’hui une solution identique, mais de portée plus large, puisque le juge en fait application y compris lorsque les dispositions en cause ne sont assorties d’aucune précision sur leur entrée en vigueur.

Le Conseil d’Etat justifie sa décision en prenant toutefois le soin de préciser que cette extension des délais de reprise en cours n’était pas de nature à contrevenir aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé le jugement du Tribunal administratif de Marseille en ce qu’il déclarait les titres exécutoires relatifs à la taxe d’aménagement tardifs, et tranché au fond comme le permet l’article L.821-2 du Code de justice administrative.

 

 

 

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References   [ + ]

1. Exposé des motifs de l’amendement n° 201 adopté au Sénat en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
2. CE 24 mars 1971 Société anonyme immobilière de l’étang de Berre et de la Méditerranée, req. n°77883

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