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CE 4 juillet 2024 Mme A/commune de Beaulieu, req. n° 464689 : mentionné aux T. Rec CE
Par une décision mentionnée dans les tables du recueil, le Conseil d’Etat considère qu’il relève de la compétence du juge judiciaire de juger un litige relatif à une créance d’un propriétaire privé vis-à-vis d’une commune qui a décidé la démolition de son immeuble menaçant ruine dans le cadre des pouvoirs de police générale du maire, en situation d’extrême urgence.
Dans cette décision, la Haute Assemblée rappelle les champs d’application respectifs des pouvoirs de police spéciale et générale (voir également CE, 6 novembre 2013, n° 349245 : Rec. p. 265).
Concernant la police spéciale des immeubles menaçant ruine, si le maire peut ordonner la démolition d’un immeuble menaçant ruine en application de l’article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH) dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, après accomplissement des formalités qu’il prévoit et que, à défaut d’exécution, il peut, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à sa demande, faire procéder à cette démolition par la commune aux frais du propriétaire, en revanche il doit, lorsqu’il agit sur le fondement de l’article L. 511-3 du CCH afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, également aux frais du propriétaire.
En l’espèce, le maire de Beaulieu a, en application d’un arrêté de péril imminent pris le 31 décembre 2013, fait procéder à la démolition d’un immeuble implanté sur une parcelle menaçant ruine. Sur ordonnance du juge des référés, le maire a ordonné cette démolition par la commune aux frais du propriétaire. Or, les titres exécutoires ont été annulés par jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 février 2017 devenu définitif.
Concernant les pouvoirs de police générale, en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d’une mesure de démolition, le maire ne peut l’ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), en faisant réaliser ces travaux aux frais de la commune
Dans ce cadre, si la personne publique entend obtenir un remboursement, elle peut invoquer la responsabilité civile du propriétaire (sur le fondement de la faute ou de l’enrichissement sans cause).
En l’espèce, le conseil municipal de la commune a mandaté le maire par une délibération du 20 avril 2018 pour remettre ces sommes à la charge du propriétaire privé sur le fondement de l’enrichissement sans cause. Ledit propriétaire l’a contestée devant le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand puis devant la Cour Administrative d’Appel de Lyon qui ont tous les deux rejeté sa demande.
Pourtant, la jurisprudence a admis dès 1964 que les actions en responsabilité intentées contre les personnes privées à l’égard d’une collectivité relèvent de la compétence de l’ordre judiciaire (CE Sect. 30 oct. 1964 Commune d’Ussel, req. 58134 : Rec. p. 501).
Dans cette lignée, le Conseil d’Etat rejette les conclusions comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que :
« lorsque la personne publique entend obtenir le remboursement auprès d’un propriétaire privé des frais qu’elle a exposés à l’occasion de travaux de démolition engagés sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), en invoquant la responsabilité civile de ce propriétaire, au titre soit d’une faute soit de son enrichissement sans cause, la contestation de la créance invoquée par la personne publique, quel que soit son mode de recouvrement, constitue un litige relevant de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire, en l’absence d’une disposition législative spéciale régissant une telle action civile. »