Dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

April 2020

Temps de lecture

6 minutes

Décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19

1           Contexte de l’adoption du décret

Afin de faire face à la propagation du virus Covid-19, la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 a permis au gouvernement de prendre, par ordonnance, des mesures permettant notamment d’adapter « les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives » 1)Article 11 I. 2°) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19..

Sur ce fondement, l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période 2)Cf. notre commentaire de cette ordonnance. a suspendu les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature.

Ainsi, lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, ces délais sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020 à minuit, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice. En outre, le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 inclus et le 24 juin 2020 inclus est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

Toutefois, le premier alinéa de l’article 9 autorisait la prise d’un décret ultérieur pouvant fixer, par dérogation, « les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement (…) le cours des délais reprend ».

C’est le décret commenté.

2          Contenu du décret

L’article 1er du décret précise les délais pour lesquels leurs cours, suspendus ou prorogés par l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée, reprennent à compter du 3 avril 2020 3)Le décret du 1er avril entre en vigueur le lendemain de sa publication au JORF (publication au JORF n° 0080 du 2 avril 2020)..

2.1        Au titre du code de l’environnement, recommencent à courir à compter de cette date le délai d’un an laissé à un exploitant d’installation ou ouvrage pour régulariser sa situation après mise en demeure 4)L. 171-7 du code de l’environnement. Egalement, les délais impartis à tout personne pour satisfaire aux prescriptions applicables en matière d’installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités (L. 171-8 du même code). .

Egalement, les délais prescrits par les arrêtés fixant les règles générales et prescriptions techniques s’appliquent aux installations classées pour la protection de l’environnement existantes recommencent à courir pour tous les types d’installations, qu’elles soient soumises à autorisation 5)L. 512-5 du code de l’environnement. , à enregistrement 6)L. 512-7 et article L. 512-7-3 du code de l’environnement. ou à déclaration 7)L. 512-9, L. 512-10 et L. 512-12 du code de l’environnement..

En outre, s’agissant des mesures de contrôle de ces installations, les délais suivants reprennent à compter du 3 avril 2020 :

  • délai dans lequel les préfets peuvent prescrire la réalisation des évaluations et la mise en œuvre des suite à un accident ou incident survenu dans l’installation ou tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts environnementaux 8)512-20 du code de l’environnement. ;
  • délai dans lequel le fabricant de substances chimiques doit satisfaire aux obligations relative au contrôle de ce type de produits 9)521-17 et article L. 521-18 du code de l’environnement. .

Concernant les déchets, sont également concernés les délais dans lequel un producteur de déchets est mis en demeure par l’autorité de police compétente de respecter la réglementation en la matière 10)L. 541-3 du code de l’environnement. ou le délai de 10 jours, suivant mise en demeure du maire, laissé au titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule abandonné sur la voie publique pour le remettre en état de circuler dans des conditions normales de sécurité ou l’évacuer 11)L. 541-21-3 du code de l’environnement. Ce délai recommence également à courir à l’encontre du propriétaire d’un lieu privé dans lequel un tel véhicule est abandonné (articles L. 541-21-4 et L. 541-21-5 du code de l’environnement)..

Reprend également à compter du 3 avril 2020 le délai dans lequel l’autorité compétente prescrit à toute personne physique ou morale qui se propose de transférer ou de faire transférer des déchet dans un pays transfrontalier de reprendre ces déchets lorsque le transfert a échoué ou que le transfert a eu lieu de manière illicite 12)L. 541-41 et  L. 541-42 du code de l’environnement..

Enfin, s’agissant des prescriptions devant être mises en œuvre pour renforcer la sécurité de diverses installations et ouvrages, les délais reprennent à compter de la date précitée concernant :

  • les prescriptions d’aménagement et d’exploitation des ouvrages d’infrastructure jugées indispensables pour préserver la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques directement ou indirectement par pollution du milieu 13) 551-3 du code de l’environnement. ;
  • la demande de mise hors service temporaire ou d’un abaissement de la pression imposée à l’exploitant d’une canalisation de transport ou distribution de gaz naturel, d’hydrocarbures, de produits chimiques ou assurant le transport et la distribution d’énergie thermique 14)554-9 du code de l’environnement. ;
  • les mesures de contrôles administratifs des canalisations 15)554-44 du code de l’environnement., de contrôle des exigences essentielles de sécurité applicables aux matériels à gaz 16)R. 557-8-3 du code de l’environnement. ou de contrôle des équipements sous pression nucléaires 17)R. 557-14-3 et R. 557-14-5 du code de l’environnement.  ;
  • la déclaration d’un événement survenu sur un barrage ou un système d’endiguement susceptible de mettre en cause la sécurité des personnes 18)214-125 du code de l’environnement.  ;
  • les mesures relatives à sécurité ou la sûreté des ouvrages hydrauliques 19)181-43 et R. 181-45 du code de l’environnement. et les mesures d’inspection périodiques des équipements et appareils sous pression simple ou nucléaire au sein des installations classées pour la protection de l’environnement 20)Article R. 557-14-4 du code de l’environnement..

Au titre du code minier, les délais recommencent à courir à compter du 3 avril 2020 en ce qui concerne la réalisation des mesures prescrites par l’autorité administrative à un exploitant pour la protection, notamment de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés 21)L. 173-2 du code minier. ou s’agissant des sanctions administratives pouvant conduire un titulaire d’un permis de recherches ou d’une concession de mines à se voir retirer son titre ou son autorisation 22)L. 173-5 du code minier..

Au titre du code de l’énergie, les délais dans lesquels l’autorité administrative met en demeure l’intéressé de se conformer aux dispositions du code de l’énergie 23)L. 142-31 du code de l’énergie., le délai de deux mois dans lesquels l’avis des communes consultées sur un projet de concession d’ouvrage hydraulique est réputé favorable 24)R. 521-31 du code de l’énergie. et les délais concernant la procédure d’autorisation des travaux ou modifications d’un ouvrage hydraulique 25) R. 521-40 et article R. 521-46 du code de l’énergie. reprennent leurs cours à compter du 3 avril 2020.

2.2       En outre, les délais de réalisation des mesures d’évitement, de réduction et de compensation prescrites par les autorisations environnementales autorisant les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique 26)L. 181-1 du code de l’environnement. Egalement, les délais prescrits par les décisions prises en applications des articles L. 181-12 et L. 181-14 du code de l’environnement recommencent à courir à compter du 3 avril 2020. recommencent à courir à compter du 3 avril 2020.

Il en va de même s’agissant du délai de deux mois accordé au préfet pour s’opposer à une opération soumise à déclaration 27)R. 214-35 du même code. .

Enfin, recommencent à courir les délais de réalisation des « travaux des prélèvements, des vidanges de plans d’eau, des actions d’entretien de cours d’eau, des dragages et des mesures d’évitement, de réduction et de compensation fixés » dans les dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et de leurs habitats prises en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

2.3       Le délai déterminé par le préfet concernant l’« élaboration »  d’un plan annuel de répartition du volume d’eau ainsi que le délai de trois mois pour l’ « homologation » par le préfet d’un tel plan 28)Article R. 214-31-3 du code de l’environnement. recommence à courir à compter du 3 avril 2020.

2.4       Toutefois, s’agissant des « prescriptions édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire » 29)S’agissant notamment des sanctions administratives (articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement), des prescriptions prises en cas de danger (articles L. 593-20 et L. 593-22 du code de l’environnement), des prescriptions de contrôle (articles L. 596-4 et L. 596-5 du code de l’environnement) et des amendes prononcées pour méconnaissance des règles relatives aux rayonnements ionisants (article L. 1333-31 du code de la santé publique). , ce dégel des délais ne joue que pour les prescriptions édictées à compter du 3 avril 2020 et jusqu’au 24 juin (date de la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois).

2.5       Enfin, les délais notifiés par la direction de la sécurité de l’aviation civile s’agissant des mesures conservatoires prises par dans l’attente, soit du rétablissement des conditions qui ont prévalu à une décision d’homologation d’un aérodrome, soit de propositions, par les opérateurs concernés, de mesures ou de restrictions opérationnelles appropriées démontrant que la sécurité d’exploitation pour les aéronefs n’est pas compromise 30)Article 6 de l’arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d’homologation et aux procédures d’exploitation des aérodromes., recommencent à courir dès le 3 avril 2020.

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References   [ + ]

1. Article 11 I. 2°) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
2. Cf. notre commentaire de cette ordonnance.
3. Le décret du 1er avril entre en vigueur le lendemain de sa publication au JORF (publication au JORF n° 0080 du 2 avril 2020).
4. L. 171-7 du code de l’environnement. Egalement, les délais impartis à tout personne pour satisfaire aux prescriptions applicables en matière d’installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités (L. 171-8 du même code).
5. L. 512-5 du code de l’environnement.
6. L. 512-7 et article L. 512-7-3 du code de l’environnement.
7. L. 512-9, L. 512-10 et L. 512-12 du code de l’environnement.
8. 512-20 du code de l’environnement.
9. 521-17 et article L. 521-18 du code de l’environnement.
10. L. 541-3 du code de l’environnement.
11. L. 541-21-3 du code de l’environnement. Ce délai recommence également à courir à l’encontre du propriétaire d’un lieu privé dans lequel un tel véhicule est abandonné (articles L. 541-21-4 et L. 541-21-5 du code de l’environnement).
12. L. 541-41 et  L. 541-42 du code de l’environnement.
13. 551-3 du code de l’environnement.
14. 554-9 du code de l’environnement.
15. 554-44 du code de l’environnement.
16. R. 557-8-3 du code de l’environnement.
17. R. 557-14-3 et R. 557-14-5 du code de l’environnement.
18. 214-125 du code de l’environnement.
19. 181-43 et R. 181-45 du code de l’environnement.
20. Article R. 557-14-4 du code de l’environnement.
21. L. 173-2 du code minier.
22. L. 173-5 du code minier.
23. L. 142-31 du code de l’énergie.
24. R. 521-31 du code de l’énergie.
25. R. 521-40 et article R. 521-46 du code de l’énergie.
26. L. 181-1 du code de l’environnement. Egalement, les délais prescrits par les décisions prises en applications des articles L. 181-12 et L. 181-14 du code de l’environnement recommencent à courir à compter du 3 avril 2020.
27. R. 214-35 du même code.
28. Article R. 214-31-3 du code de l’environnement.
29. S’agissant notamment des sanctions administratives (articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement), des prescriptions prises en cas de danger (articles L. 593-20 et L. 593-22 du code de l’environnement), des prescriptions de contrôle (articles L. 596-4 et L. 596-5 du code de l’environnement) et des amendes prononcées pour méconnaissance des règles relatives aux rayonnements ionisants (article L. 1333-31 du code de la santé publique).
30. Article 6 de l’arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d’homologation et aux procédures d’exploitation des aérodromes.

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