Des objets en état d’abandon sur un terrain privé constituent des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement

Catégorie

Environnement

Date

July 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 26 juin 2023 M. B , req. n° 457040 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par un arrêt du 26 juin 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de la notion de « déchet » au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, s’agissant notamment du critère de l’abandon d’un bien par son détenteur.

En l’espèce, le maire de la commune de Marigny-le-Lozon a mis en demeure, le 7 avril 2017, un propriétaire privé de mettre fin au « dépôt sauvage de déchets » sur un terrain lui appartenant. Confronté à l’inexécution de la mise en demeure, le maire a pris un arrêté du 6 décembre 2017 mettant à la charge du propriétaire une astreinte de 50 euros par jours, dans la limite de 8 400 euros, jusqu’à ce que celui-ci ait satisfait à la mise en demeure prononcée à son encontre.

Le propriétaire privé a saisi le juge administratif d’un recours en annulation contre l’arrêté du 6 décembre 2017. Par un jugement du 7 février 2020, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par un arrêt du 5 mars 2021, la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ce jugement. Le propriétaire s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi du propriétaire, en considérant que des objets accumulés par un propriétaire privé sur le terrain lui appartenant pouvaient être regardés comme des « déchets » au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement.

Ainsi, le maire était bien compétent pour prendre les mesures nécessaires permettant l’évacuation des déchets en application de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement.

1.   La notion de « déchet » au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’environnement

L’article L.541-1 du Code de l’environnement définit le déchet comme : « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

Par une importante décision en date du 24 novembre 2021 1)CE 24 novembre 2021 Société Ahouandjinou, req. n° 437105, le Conseil d’Etat est venu préciser que :

–  Un déchet au sens de l’article L. 541-1 du code de l’environnement est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire du bien, et ce « sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu». Le critère de définition du déchet tiré du processus de production est ainsi abandonné ;

–  Il convient de vérifier au cas par cas le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable : la qualification de déchet sera retenue dès lors que la réutilisation du bien sans opération de transformation préalable n’est pas suffisamment certaine.

2.    Des objets abandonnés sur un terrain privé constituent des déchets au sens du code de l’environnement

C’est ici l’occasion pour le Conseil d’Etat d’apporter des précisions sur les critères de qualification des objets en état d’abandon sur des propriétés privées.

En l’espèce, le propriétaire du terrain avait laissé des objets hétéroclites et usagés sur son terrain. Selon lui, les objets situés sur sa propriété n’étaient pas destinés à l’abandon et ne constituent donc pas des déchets.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler la définition du déchet et vérifier si le propriétaire s’est effectivement défait de ses biens. Au cas présent, il considère que lorsque des biens se trouvent, « compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain », ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Il convient donc, pour l’appréciation du critère de l’abandon du bien par son détenteur, de tenir compte de l’état ainsi que de la durée et des conditions de dépôt du bien.

Ensuite, le Conseil d’Etat vérifie si la réutilisation du bien sans opération de transformation préalable n’est pas suffisamment certaine. En l’occurrence, il considère « qu’au regard de ces critères, les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine ». La réutilisation des objets hétéroclites et usagés était donc impossible en l’état.

A ce titre, le Conseil d’Etat ajoute que les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet.

Ainsi, c’est à bon droit que le maire a prononcé une astreinte administrative journalière à l’encontre du propriétaire, qui refusait d’évacuer les déchets sur son terrain.

 

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1. CE 24 novembre 2021 Société Ahouandjinou, req. n° 437105

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