Décryptage · Loi Climat et achat public

Catégorie

Contrats publics, Environnement

Date

August 2021

Temps de lecture

5 minutes

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets • JORF n° 0196 du 24 août 2021

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, adopté en Commission mixte paritaire le 20 juillet 2021 1)Voir l’article « Adoption définitive de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience : le texte en onze points », Adden Avocats Le Blog, Juillet 2021, puis déclaré partiellement non-conforme par le Conseil constitutionnel saisi a priori sur le texte 2)Décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021 a été promulgué le 22 août 2021.

Parmi les points-clefs de la loi figure une série de mesures destinées à renforcer la dimension écologique en matière d’achat public, qui entraine des ajouts et des modifications notables du code de la commande publique (1) et impacte indirectement les conditions de l’achat public (2).

Dispositions directement liées à l’achat public :

Tout d’abord, la loi prévoit l’insertion d’un nouvel article liminaire L. 3-1 au terme duquel la commande publique participe désormais « à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale (…) ». Leur prise en compte n’était jusque-là nécessaire qu’au seul stade de la définition du besoin.

La traduction concrète de leur existence se trouve surtout assurée par l’obligation de les transcrire dans les spécifications techniques, tant en marché (article L.°2111 -2) qu’en concession (article L.°3111-2).

En matière de conditions d’exécution des marchés, la loi prévoit que l’acheteur devra prendre en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi pour la passation des marchés d’une valeur supérieure ou égale aux seuils européens, ou indiquer les motifs à défaut. Il n’y est cependant pas tenu dans certains cas limitativement énumérés tenant à l’absence de solution immédiatement disponible, au lien insuffisant avec l’objet du marché, au risque de restriction de concurrence ou de rendre l’exécution de la prestation techniquement ou économiquement difficile, ou encore pour les marchés de travaux d’une durée de moins six mois (article L. 2112-2-1).

Le même principe prévaut s’agissant des conditions d’exécution des concessions, les deux seules dérogations tenant à l’absence de lien suffisant avec l’objet du contrat et au risque de restreindre la concurrence ou de rendre l’exécution de la prestation techniquement ou économiquement difficile (article L.3114-2-1).

Par ailleurs toujours en matière de concessions, le rapport d’information annuel remis à l’autorité concédante en vertu des dispositions de l’article L.3131-5 devra décrire les mesures mises en œuvre par le concessionnaire dans le cadre du contrat pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique.

Au stade de l’examen des offres, la loi modifie également la notion d’offre économiquement la plus avantageuse (article L.2152-7), puisqu’au moins un des critères devra désormais prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. On pourrait craindre que cela ne pousse certains acheteurs à opter pour un critère prix unique dans les conditions prévues par l’article R. 2152-7 3)Voir l’article « Projet loi « Climat résilience » : vers la fin de la méthode du moins disant ? », M. Laugier, Achatpublic.info, 14 juin 2021 ; Adden Avocats Le Blog, Juin 2021 afin d’éviter d’avoir à mettre en œuvre la disposition. On imagine néanmoins qu’ils seront soucieux de prendre en considération les enjeux environnementaux.

Aux cas d’exclusion de la procédure de passation déjà établis (articles L.2141-7 pour les marchés publics et L.3123-7 pour les concessions) se trouve ajouté celui des personnes n’ayant pas respecté l’obligation d’établir un plan de vigilance en application du code de commerce, pour l’année précédant celle de la publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation. Ce plan de vigilance a vocation à identifier et prévenir les atteintes graves, notamment envers l’environnement, qu’une société pourrait commettre dans le cadre de son activité. A nouveau, il est spécifié qu’une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation.

Ensuite, de nouvelles dispositions viennent préciser le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables déjà prévu à l’article L. 2111-3 : il devra désormais comporter des indicateurs précis sur les taux réels d’achat public, en nombre de contrats ou en valeur, publiés tous les deux ans. Le schéma sera mis en ligne sur les sites des acheteurs concernés et, à la différence des autres mesures dont l’entrée en vigueur est conditionnée à la prise des décrets d’application dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation, cette obligation rentrera en vigueur dès le 1er janvier 2023. En outre, il est prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation de la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics par les acheteurs concernés par ce schéma. Ce rapport comprendra un modèle de rédaction facultatif du schéma, et interviendra dans le délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

Le suivi aval de la passation est également renforcé par la mise à disposition des pouvoirs adjudicateurs par l’Etat d’outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat, intégrant le coût global lié à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens et coûts externes supportés par l’ensemble de la société tels que la pollution atmosphérique, les émissions de CO2 ou encore la perte de biodiversité ou la déforestation « lorsque c’est pertinent ».

Enfin, la loi complète l’article L.228-4 du code de l’environnement en prévoyant désormais l’usage de matériaux biosourcés ou bas-carbone dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique à compter du 1er janvier 2030. Cette obligation sera précisée par l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat.

Dispositions notables impactant les conditions de l’achat public :

Dispositions concernant à la restauration collective :

Accessoirement, la loi apporte également une précision sur les conditions encadrant l’expérimentation du menu végétarien hebdomadaire devant être proposé par les gestionnaires publics ou privés de restauration collective scolaire (article L.230-5-6 du code rural et de la pêche maritime). Elle prévoit ainsi qu’il incombera au Gouvernement, dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, de proposer des outils d’aide à la formulation des marchés publics concernés.

Par ailleurs, les personnes morales de droit public ayant la charge de repas servis dans les restaurants collectifs, lorsqu’elles déterminent la nature et l’étendue du besoin à satisfaire dans le cadre d’un marché public de fournitures ou de services de produits agricoles et de denrées alimentaires, devront prendre en compte les conditions de fraicheur, la nécessité de respecter la saisonnalité et le niveau de transformation attendu des produits (article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime).

Dispositions concernant la gestion des parcs de stationnement des véhicules :

En matière de marché public ou de délégation de service public de gestion des parcs de stationnement des véhicules, la loi ajoute un seuil plancher d’au-moins un point de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables accessible aux personnes à mobilité réduite par tranche de vingt emplacements.

Elle admet toutefois une exception liée à l’importance des nécessaires travaux d’adaptation du réseau électrique ou de sécurité incendie, et circonscrit la notion à deux cas de figure calculés en fonction du coût total des travaux et équipements réalisés en aval du tableau général de basse tension desservant les points de charge. En outre, les assemblées délibérantes des collectivités compétentes peuvent voter la répartition des infrastructures de recharge sur l’ensemble de leur territoire afin de prendre en compte la réalité des besoins, les difficultés techniques d’implantation ou les coûts d’aménagement.

Cette obligation entrera en vigueur au plus tard au 1er janvier 2025, ou lors du renouvellement des contrats.

La promulgation marque finalement l’achèvement d’un processus législatif inédit initié vingt-deux mois auparavant avec l’installation de la Convention Citoyenne pour le Climat.

 

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