Des précisions en matière de recours administratif préalable et de liaison du contentieux

Catégorie

Droit administratif général

Date

March 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 février 2021 Mme B, req. n° 439366

Par un avis rendu le 19 février 2021, les 5ème et 6ème chambres réunies du Conseil d’Etat ont apporté des précisions utiles sur les règles de liaison du contentieux en matière de responsabilité extracontractuelle de l’administration.

Par un jugement avant-dire droit n° 1900712 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a sursis à statuer et a adressé une demande d’avis au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative. Le tribunal administratif avait été saisi d’une requête indemnitaire formée par la fille d’une patiente du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims.

Le tribunal administratif invitait le Conseil d’Etat à apprécier la régularité d’une demande indemnitaire introduite postérieurement au rejet d’une première demande présentée pour le même fait générateur, mais portant sur des dommages qui, postérieurement à la première décision, se sont aggravés ou se sont révélés dans toute leur ampleur.

En réponse, les 5ème et 6ème chambres réunies du Conseil d’Etat ont tout d’abord rappelé qu’une requête indemnitaire n’était recevable qu’après saisine préalable de l’administration. Cette règle dite de la décision préalable, fixée à l’article R. 421-1 du code de justice administrative, a pour objet de permettre la liaison du contentieux. Dans un précédent avis, le Conseil d’Etat avait précisé cette règle en jugeant que les conditions de recevabilité de la requête s’appréciaient à la date à laquelle le juge statuait, l’intervention de la décision de l’administration en cours d’instance ayant pour effet de régulariser la requête 1)CE 27 mars 2019 M. et Mme D, req. n° 426472 : Publié au Rec. CE.

Ainsi, comme l’ont rappelé les 5ème et 6ème chambres réunies dans l’avis n° 439366 rendu le 19 février 2021, la décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d’un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l’égard du demandeur « pour l’ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question ». La victime peut alors former un recours devant le juge administratif, dans le délai de deux mois à compter de la notification par l’administration de son rejet de sa demande préalable. La requête formée devant la juridiction administrative peut solliciter la réparation de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, « y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n’étaient pas mentionnés dans sa réclamation ».

Toutefois, une fois le délai de recours contre le rejet de la demande préalable expiré, la saisine du juge est tardive, et donc irrecevable 2)CE 7 juin 2004 Assistance publique à Marseille, req. n° 252869 : Mentionné aux Tables du Rec. CE. Il en va également ainsi y compris si la requête indique pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages ou bien invoque d’autres préjudices que dans la demande présentée à l’administration. De même, la circonstance que la requête indemnitaire soit précédée d’une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d’une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur est sans incidence sur l’irrecevabilité de la requête.

Toutefois, le Conseil d’Etat admet une exception à cette règle, lorsque la victime demande au juge la réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur que celui invoqué dans sa demande préalable rejetée par l’administration, « sont nés, se sont aggravés ou ont été révélés dans toute leur ampleur » postérieurement à cette décision préalable.

Dans un tel cas de figure, « qu’il s’agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudices nouveaux » précise le Conseil d’Etat dans son avis, la victime peut saisir l’administration d’une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de rejet de sa demande, saisir l’administration d’une nouvelle réclamation dans les deux mois suivant la notification de ce refus.

Si la victime a déjà saisi le juge de premier ressort, elle n’a alors pas l’obligation de saisir l’administration d’une nouvelle demande mais peut invoquer directement l’existence de ces dommages devant le juge saisi du litige, afin qu’il y statue « sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle ».

Si le juge de premier ressort a déjà statué, la victime peut également saisir directement le juge d’appel, « dans la limite toutefois du montant total de l’indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l’indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, se sont aggravés ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance » 3)CE 31 mai 2007 M. Jean-Paul A, req. n° 278905 : Publié au Rec. CE ; voir également CE 18 décembre 2017 M. A, req. n° 401314 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.

Par son avis n° 439366 du 19 février 2021, le Conseil d’Etat assouplit donc la règle de liaison du contentieux lorsqu’un recours indemnitaire formé devant le juge a pour objet la réparation de dommages imputables à l’administration qui sont nés, se sont aggravés ou ont été révélés dans tout leur ampleur postérieurement au rejet par l’administration de la demande préalable.

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