Des précisions sur les conditions d’indemnisation des titulaires dans le cadre de l’exécution d’un marché public à forfait

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2015

Temps de lecture

3 minutes

CE 12 novembre 2015 société Tonin, req. n° 384716

La commune de Saint-Saturnin-les-Apt a confié deux lots – le lot « plomberie » et le lot « chauffage bois » – d’un marché relatif à la construction d’un programme d’habitations individuelles appelé les « Hameaux d’Amélie » pour un montant respectif de 126 302,41 euros HT et de 156 062,53 euros HT à la société Tonin.

Le délai global d’exécution du marché était de 11 mois.

A la suite de la défaillance du titulaire du lot « gros œuvre », la société Polytech, la commune, en tant que maître d’ouvrage, a notifié aux entreprises le report du délai d’exécution de 9 mois.

La société Tonin a demandé au tribunal administratif de Nîmes de l’indemniser de ses préjudices au regard du retard de chantier et des sujétions supplémentaire qu’elle estime avoir subi.

Par un jugement en date du 4 octobre 2012, le tribunal administratif a fait droit à cette demande en condamnant la commune au paiement d’une somme de 18 152,16 euros HT.

Par un arrêt du 22 juillet 2014, la cour administrative de Lyon a annulé ce jugement.

La société Tonin a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

Le Conseil d’Etat se prononce, dans un premier temps, sur la régularité de l’arrêt attaqué et ne retient aucun des moyens soulevés par la société Tonin à cet égard.

Sur le bien fondé de l’arrêt et dans un second temps, le Conseil d’Etat ne retiendra également aucun des moyens invoqué par la société requérante.

1 D’abord, la Haute Juridiction écarte le principe de loyauté contractuelle comme n’étant pas applicable, en l’espèce.

En effet, la société invoquait un accord amiable avec la commune sur une somme de 13 410 euros en réparation des préjudices causés par l’allongement du chantier.

Toutefois, aucun accord n’était finalement intervenu.

2 Ensuite et surtout, le Conseil d’Etat rappelle que :

    « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique » 1) CE 5 juin 2013 Région Haute-Normandie, req. n° 352917..

Le Conseil d’Etat précise que ce considérant de principe, repris de la décision du 5 juin 2013 Région Haute-Normandie, n’énonçait pas pour la première fois les règles qu’il contient.

En effet, ce principe résulte aussi de jurisprudences plus anciennes 2) Not. CE 19 février 1975 Ministre chargé de la Défense Nationale c/ Société Entreprises Campenon-Bernard, req. 80470 : « que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l’exécution d’un marche a forfait ne peuvent ouvrir droit a une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure ou ceux-ci justifient soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables a un fait de l’administration »..

C’est donc à bon droit que la cour administrative de Lyon a appliqué ce principe au présent litige.

En outre, la Haute Juridiction ajoute que cette faute peut être « commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ».

Autrement dit, la société Tonin n’était pas dans une des hypothèses ouvrant droit, selon le Conseil d’Etat, à indemnisation.

3 Enfin, le Conseil d’Etat écarte le surplus des moyens invoqués par la société Tonin.

En conséquence, la Haute Juridiction rejette ainsi le pourvoi de la société Tonin, confirmant ainsi l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes et, par suite, rejetant ses demandes indemnitaires.

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References   [ + ]

1. CE 5 juin 2013 Région Haute-Normandie, req. n° 352917.
2. Not. CE 19 février 1975 Ministre chargé de la Défense Nationale c/ Société Entreprises Campenon-Bernard, req. 80470 : « que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l’exécution d’un marche a forfait ne peuvent ouvrir droit a une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure ou ceux-ci justifient soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables a un fait de l’administration ».

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