DIA incomplète ou erronée : les règles du jeu !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2025

Temps de lecture

4 minutes

CE 7 novembre 2025 Société Financière Stratégie et Développement, req. n° 500233 : mentionné aux Tables

Le Conseil d’Etat actualise et clarifie sa jurisprudence quant aux délais de préemption dans l’hypothèse d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) incomplète ou entachée d’une erreur substantielle.

Dans cette affaire, la DIA initiale mentionnait un bien « bâti » alors que la promesse de vente annexée à la DIA faisant référence à la vente d’un « terrain nu », le bâtiment en cause devant être démoli avant le transfert de propriété.

Estimant qu’il existait une erreur substantielle quant à la consistance du bien vendu, la commune  a adressé une demande de précision au vendeur, qui en retour, lui a adressé une DIA rectificative. C’est à compter de la réception de cette dernière que le maire a exercé son droit de préemption. L’acquéreur évincé soutenait alors que la décision de préemption adoptée plus de deux mois après la DIA initiale, devait être regardée comme tardive.

A l’invitation de son rapporteur public, le Conseil d’Etat adapte sa jurisprudence Finadev 1)CE 24 juillet 2009 Société Finadev, req. n° 316158 : Rec. Tab. datant de 2009 et aux termes de laquelle en cas de DIA incomplète ou entachée d’une erreur substantielle sur la consistance du bien, son prix ou les conditions de son aliénation, le délai strict de 2 mois 2)Article L. 213-2 du code de l’urbanisme pour préempter était interrompu.

Depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite « loi ALUR», les conséquences d’une DIA incomplète sont encadrées par l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme qui permet à l’autorité préemptrice de solliciter une demande unique de communication de pièces 3)Les pièces dont il peut être demandé communication sont limitativement listées à l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme pour permettre d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière.

Dans ce cas, le délai pour préempter est suspendu à compter de la réception de la demande de communication des pièces et reprend à compter de la réception des documents, étant précisé que si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision.

Toutefois et comme le soulignait le rapporteur public 4) Conclusions de T. Janicot, rapporteur public, sous CE 7 novembre 2025 société Financière Stratégie et Développement, req. n° 500233 : mentionné aux Tables, l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme tel que modifié par la loi ALUR ne couvre pas l’hypothèse d’une DIA entachée d’erreur substantielle alors même qu’il y a « une différence de nature entre un document manquant et une erreur d’une gravité telle qu’elle ne permet pas de regarder l’administration comme saisie d’un projet de vente et qui justifie de faire courir le délai de deux mois d’exercice de la préemption à compter de la réception de la DIA corrigée ».

Suivant ainsi son rapporteur public, le Conseil d’Etat adapte son considérant issu de la jurisprudence Finadev et précise les règles du jeu en présence d’une DIA erronée et entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien, son prix ou les conditions de la vente :

« 5. Toutefois, d’une part, dans le cas où la déclaration initiale est entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation, le délai de deux mois ne court qu’à compter de la réception par l’administration d’une déclaration rectifiée.

6. D’autre part, ce délai est suspendu à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière ou de la demande de visite du bien effectuée par le titulaire du droit de préemption. Il reprend alors à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision.

7. Lorsqu’il a décidé de renoncer à exercer le droit de préemption, que ce soit par l’effet de l’expiration du délai de deux mois, le cas échéant suspendu ou prorogé dans les conditions rappelées aux points 5 et 6, ou par une décision explicite prise avant l’expiration de ce délai, le titulaire du droit de préemption se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption. Si la cession est intervenue et s’il estime que la déclaration préalable sur la base de laquelle il a pris sa décision était entachée de lacunes substantielles de nature à entraîner la nullité de la cession, il lui est loisible de saisir le juge judiciaire d’une action à cette fin »

Il en résulte ainsi que :

  • en cas de DIA incomplète : conformément aux dispositions de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme issues de la loi Alur, la demande d’une des pièces complémentaires listées à l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme suspend le délai de préemption jusqu’à la communication de cette pièce ;
  • en cas de DIA erronée car entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien, le prix ou les conditions de la vente : la DIA doit être rectifiée et seule la réception de cette DIA rectifiée fait courir le délai de 2 mois. Dans l’hypothèse où la vente est malgré tout conclue et que la collectivité estime par la suite que la DIA était entachée de lacunes substantielles, elle pourra toujours saisir le juge judiciaire en nullité de la vente.

Il faut également retenir qu’au cas d’espèce, le Conseil d’Etat estime que la discordance entre la DIA et la promesse de vente sur le caractère ou non bâti du terrain ne peut être regardée comme une erreur substantielle dès lors que le bâtiment existait bien au jour de la DIA initiale, la mention dans la promesse de vente d’une démolition future n’affectant pas la consistance du bien.

La préemption était donc bien tardive.

 

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References   [ + ]

1. CE 24 juillet 2009 Société Finadev, req. n° 316158 : Rec. Tab.
2. Article L. 213-2 du code de l’urbanisme
3. Les pièces dont il peut être demandé communication sont limitativement listées à l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme
4. Conclusions de T. Janicot, rapporteur public, sous CE 7 novembre 2025 société Financière Stratégie et Développement, req. n° 500233 : mentionné aux Tables

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