Droit de préemption dans les « périmètres sensibles » : le Grand Retour

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2023

Temps de lecture

3 minutes

Décret n° 2023-1174 du 12 décembre 2023 définissant les modalités d’exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles à l’intérieur des zones mentionnées à l’article L. 215-4-1 du code de l’urbanisme

Ce décret, pris en application de la loi Climat et résilience, vient de rétablir la possibilité pour les titulaires du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles de faire usage de ce droit dans les zones de préemption situées au sein d’anciens périmètres sensibles institués par l’Etat avant 1985.

En effet, jusqu’à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, il existait des « périmètres sensibles » (régime instauré en 1959) permettant à l’Etat de promouvoir une politique d’acquisition et d’ouverture au public d’espaces verts et plus généralement de sauvegarde des espaces naturels.

La loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme a modifié ce régime et, notamment, déconcentré au niveau du préfet la procédure de délimitation des périmètres sensibles 1)Ancien article R. 142-2 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à 1987 ; concrètement ces périmètres pouvaient être délimités par le préfet dans les départements inscrits sur une liste établie par décret en Conseil d’Etat..

C’est ainsi qu’il est prévu de longue date qu’à l’intérieur de ces périmètres, « les départements ont un droit de préemption sur tous terrains compris dans des zones fixées par l’autorité administrative [le préfet] après avis du conseil général et qui feraient l’objet d’une aliénation à titre onéreux » 2)Ancien article L. 142-1 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à 1987..

En 1985, le législateur a supprimé ce régime de protection des périmètres sensibles et confié aux seuls départements la compétence pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des « espaces naturels sensibles », dans lesquels le conseil général pouvait créer des zones de préemption.

Toutefois, lors de la recodification du code de l’urbanisme en 2015 3)Ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme., l’ancien article L. 142-12 du code de l’urbanisme qui fixait le régime transitoire entre « périmètres sensibles » et « espaces naturels sensibles » a été purement et simplement abrogé 4)Alors que l’ordonnance avait correctement recodifié les dispositions relatives aux espaces naturels sensibles (articles L. 113-8 et suivants pour les dispositions relatives à la politique départementale de protection des espaces naturels sensibles et articles L. 215-1 et suivants pour celles relatives au droit de préemption dans ces espaces)..

Par conséquent, depuis le 1er janvier 2016, comme le Conseil d’Etat a pu le relever : « le droit de préemption prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l’urbanisme n’est plus applicable dans les zones de préemption créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu’il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles » 5)CE 29 juillet 2020, avis n° 439801..

Cherchant à rectifier le tir, le législateur a, dans le cadre de la loi Climat et résilience de 2021 6)Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, article 233. inséré un article L. 215-4-1 dans le code de l’urbanisme, reprenant l’esprit de l’avis précité du Conseil d’Etat :

« Le droit de préemption prévu à l’article L. 215-4 est applicable à l’intérieur des zones fixées par l’autorité administrative en application de l’article L. 142-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement, et des textes pris pour son application et qui n’ont pas été intégrées dans les zones de préemption pouvant être instituées par délibération du conseil départemental au titre des espaces naturels sensibles.

Les actes et conventions intervenus dans les conditions prévues par la législation antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 précitée demeurent valables sans qu’il y ait lieu de les renouveler.

Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’exercice du droit de préemption défini au premier alinéa du présent article. »

C’est conformément au dernier alinéa de ces dispositions, que le décret n° 2023-1174 vient d’être adopté.

Aux termes d’un article unique, le décret « rétablit » un article R. 215-20 ainsi rédigé :

« A l’intérieur des zones mentionnées à l’article L. 215-4-1, le droit de préemption prévu à l’article L. 215-4 7)« A l’intérieur des zones délimitées en application de l’article L. 215-1, le département dispose d’un droit de préemption. » s’applique dans les conditions prévues aux articles R. 215-9 à R. 215‑18»

Ainsi, les départements, au titre de la compétence qui leur est dévolue au titre de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme en matière d’espaces naturels sensibles, ainsi que le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, parcs nationaux et régionaux, communes et établissements publics de coopération intercommunales susceptibles de se voir déléguer le droit de préemption au sein des espaces naturels sensibles, sont désormais compétents pour faire usage de ce droit dans les anciens périmètres sensibles qui sont encore en vigueur.

 

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References   [ + ]

1. Ancien article R. 142-2 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à 1987 ; concrètement ces périmètres pouvaient être délimités par le préfet dans les départements inscrits sur une liste établie par décret en Conseil d’Etat.
2. Ancien article L. 142-1 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à 1987.
3. Ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme.
4. Alors que l’ordonnance avait correctement recodifié les dispositions relatives aux espaces naturels sensibles (articles L. 113-8 et suivants pour les dispositions relatives à la politique départementale de protection des espaces naturels sensibles et articles L. 215-1 et suivants pour celles relatives au droit de préemption dans ces espaces).
5. CE 29 juillet 2020, avis n° 439801.
6. Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, article 233.
7. « A l’intérieur des zones délimitées en application de l’article L. 215-1, le département dispose d’un droit de préemption. »

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