Droit de préemption ENS et défaut d’urgence

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE Ord. 29 juin 2020 SCI Les Eaux douces, req. n° 435502

Par une ordonnance du 29 juin 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat vient préciser qu’il ne peut y avoir d’urgence à suspendre les effets d’une décision de préemption qui ne peut plus être exécutée, faute pour la collectivité bénéficiaire d’avoir payé ou consigné le prix d’acquisition dans le délai qui lui était imparti.

Dans cette affaire, le Département de la Vendée a exercé son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles afin d’acquérir un terrain non bâti aux prix et conditions fixées dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA). La SCI Les Eaux Douces, acquéreur évincé, a sollicité à deux reprises la suspension de cette décision devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, puis a formé un pourvoi en cassation à l’égard de la seconde ordonnance.

Dans le cadre de ce pourvoi, classiquement, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que l’urgence est présumée à l’égard de l’acquéreur évincé lorsque celui-ci sollicite la suspension d’une décision de préemption, eu égard à ses effets sur son projet d’acquérir le bien.

Il rappelle également que cette présomption peut être renversée lorsque :

  • « le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple, s’agissant du droit de préemption urbain, à l’intérêt s’attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’exercice du droit de préemption ou, s’agissant du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles, aux nécessités de l’intervention rapide de mesures de protection de milieux naturels fragiles ».
  • « le propriétaire du bien préempté renonce, implicitement ou explicitement, à son aliénation, empêchant ainsi la collectivité publique titulaire du droit de préemption de l’acquérir, l’urgence ne peut être regardée comme remplie au profit de l’acquéreur évincé que si celui-ci fait état de circonstances caractérisant la nécessité pour lui de réaliser à très brève échéance le projet qu’il envisage sur les parcelles considérées »

Ce qui est nouveau, c’est la précision apportée selon laquelle :

« Enfin, si la collectivité publique titulaire du droit de préemption ne respecte pas le délai qui lui est imparti par l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme pour payer ou consigner le prix d’acquisition, la décision de préemption ne peut plus être exécutée et le vendeur peut aliéner librement son bien, de sorte que la condition d’urgence n’est, en tout état de cause, pas remplie ».

Ainsi, lorsque le délai de 4 mois imparti à la collectivité bénéficiaire pour payer ou consigner le prix d’acquisition n’a pas été respecté, la décision de préemption ne peut plus être exécutée et le vendeur peut aliéner librement son bien. Dans ces circonstances, il ne peut donc plus y avoir urgence à suspendre une décision qui ne produit plus d’effet.

C’est ce qu’a appliqué le Conseil d’Etat dans l’affaire qui lui était soumise :

Il précise que dans la mesure où la décision de préempter du Département a été faite aux prix et conditions posées dans la DIA, le propriétaire du terrain non bâti ne pouvait plus renoncer à l’aliénation de son bien, même si ce dernier s’est abstenu de répondre à l’offre d’acquérir dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de préemption au notaire chargé de la vente.

Toutefois, la Haute Juridiction poursuit en précisant, après avoir diligenté une mesure supplémentaire d’instruction, qu’il s’est avéré que le Département n’a ni payé ni consigné le prix d’acquisition dans le délai de quatre mois imparti par l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme et qu’en conséquence, la décision de préemption ne pouvait plus faire obstacle à la réalisation de la vente au profit de la SCI Eaux douces.

De la sorte, la condition d’urgence ne pouvait, en tout état de cause, être regardée comme remplie.

Partager cet article

3 articles susceptibles de vous intéresser