Enfin le décret introduisant une « clause filet » élargissant le champ d’application de l’évaluation environnementale

Catégorie

Environnement

Date

April 2022

Temps de lecture

6 minutes

Décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets

En exécution de la décision du Conseil d’Etat (CE 15 avril 2021 Asso. France Nature Environnement, req. n° 425424 : mentionné aux Tab. Rec. CE – cf. notre commentaire) par laquelle il avait enjoint au Premier ministre de prendre les dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine pour d’autres caractéristiques que sa dimension, notamment sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale, le décret correspondant a été publié au journal officiel du 26 mars 2022.

Il en résulte un élargissement du champ d’application de l’évaluation environnementale aux projets ne répondant pas aux catégories visées ou situés sous les différents seuils listés dans l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

Ce nouveau dispositif, décrit ci-après, est applicable aux premières demandes d’autorisations ou déclarations de projets déposées à compter de la date d’entrée en vigueur du décret, c’est-à-dire le 27 mars 2022.

1          Une soumission à examen au cas par cas compte tenu des potentielles incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine

Le code de l’environnement se voit ajouter un nouvel article R. 122-2-1 indiquant qu’il appartient désormais à l’autorité compétente saisie de la première demande d’autorisation ou de déclaration d’un projet de le soumettre à un examen au cas par cas s’il apparait susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères de l’examen au cas par cas fixés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 du code de l’environnement.

Cette décision devra être notifiée au maître d’ouvrage de l’opération dans les 15 jours suivants le dépôt du dossier de demande, à charge pour ce dernier de saisir lui-même l’autorité environnementale compétente.

Le décret prévoit également que cette saisine pourra être anticipée par le porteur de projet qui, de sa propre initiative, pourra soumettre son dossier à l’autorité environnementale.

2          Les conséquences sur l’instruction des dossiers de demande d’autorisation ou de déclaration

Afin de tenir compte des répercussions qu’une telle soumission à examen au cas par cas peut engendrer, notamment sur la durée de l’instruction, le décret a apporté certaines précisions à l’égard de procédures spécifiques.

2.1

En cas de soumission à examen au cas par cas par le préfet des dossiers de demandes d’autorisations environnementales relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles, le délai d’instruction et les délais laissés aux personnes consultés sont suspendus à compter de l’envoi au pétitionnaire de la décision de soumission.

La suspension prendra fin dès la réception par le préfet de la décision de l’autorité environnementale dispensant le projet d’évaluation environnementale, ou de l’étude d’impact si le projet y a été soumis (art. R. 181-16, c. env.).

Le dossier de demande devra en outre comprendre, le cas échéant, mention des demandes d’autorisation ou déclarations déjà déposées pour le projet au titre d’une autre législation.

2.2

Il en ira de même pour ces projets seulement soumis à déclaration à l’égard desquels le délai dont dispose le préfet pour s’opposer à la déclaration se trouvera interrompu jusqu’à l’intervention de la décision de l’autorité environnementale (art. R. 214-35-1, c. env.) :

  • en cas de dispense de réaliser une évaluation environnementale, un nouveau délai de deux mois courra à compter de la réception par le Préfet de la décision de l’autorité environnementale ;
  • en cas de soumission à évaluation environnementale, le déclarant informera le préfet de la procédure qui fait office d’autorisation au sens de l’article L. 122-1 et l’opération fera alors l’objet d’une décision d’opposition expresse.

2.3

La clause filet sera également applicable aux opérations de modification des monuments naturels et sites classés et en instance de classement soumises à autorisations spéciales en application des articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l’environnement, lorsqu’elles ne sont pas soumises à autorisation en application du code de l’urbanisme.

Les délais d’instruction de ces demandes d’autorisations spéciales seront suspendus en cas de saisine pour examen au cas par cas et reprendront (art. R. 341-11-1, c. env.) :

  • soit à compter de la réception par le préfet ou, le cas échéant, le directeur de l’établissement public du parc, de la décision de dispense ;
  • soit à compter de la réception par ces mêmes autorités du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête en cas d’évaluation environnementale.

Si la décision de soumettre le projet relève du ministre chargé des sites, auquel le dossier de demande d’autorisation spéciale doit être transmis au plus tard 5 jours après son dépôt, le délai d’instruction de six mois prévu à l’article R. 341-13 du code de l’environnement sera suspendu à compter de la réception par le porteur de projet de la décision de soumission à examen au cas par cas et reprendra dans les mêmes conditions que celles vues précédemment (art. R. 341-13-1, c. env.).

2.4

Lorsque l’opération porte sur une ICPE soumise à déclaration, celle-ci pourra être mise en service et être exploitée quinze jours après la remise du récépissé du dépôt de la déclaration, sauf à ce que le préfet décide de soumettre l’installation à examen au cas par cas.

Dans une telle hypothèse, la mise en service ne pourra intervenir qu’après l’adoption de la décision de l’autorité environnementale, qui devra être transmise au préfet par l’exploitant, soit en cas de dispense, soit après autorisation lorsque l’autorité prescrit la réalisation d’une évaluation environnementale (art. R. 512-48, c. env.).

En outre, le dossier de déclaration devra comprendre mention des demandes d’autorisation ou déclarations déjà déposées pour le projet au titre d’une autre législation ou des demandes et autorisations que le déclarant envisage de déposer pour cette même installation (art. R. 512-47, c. env.).

2.5

Le décret s’intéresse également aux opérations impliquant des défrichements relevant du code forestier.

Ainsi, le dossier de demande d’autorisation de défrichement visé à l’article R. 341-1 du code forestier devra comprendre, le cas échéant, la décision prise par l’autorité environnementale saisie sur le fondement de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement après mise en œuvre de l’examen au cas par cas par le préfet (art. R. 341-4, c. for.), ainsi que  les demandes d’autorisation ou déclaration déjà déposées au titre d’une autre législation (art. R. 341-1, c. for.).

La soumission du projet de défrichement à cette procédure suspendra le délai d’instruction jusqu’à la production de la décision de l’autorité environnementale par le pétitionnaire.

En outre, l’article R. 431-6 du code forestier est modifié de manière à fixer les délais d’enquête publique ou de participation du public par voie électronique auxquelles l’opération pourrait être soumise conformément à ceux déterminés par les articles L. 123-9 et L. 123-19 du code de l’environnement.

En ce qui concerne enfin les opérations soumises à enquête publique qui relèvent des dispositions de l’article L. 214-13 du code forestier, c’est-à-dire les défrichements des bois et forêts susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent à certaines collectivités et personnes morales  ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis (les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes, les établissements publics, les établissements d’utilité publique, les sociétés mutualistes et les caisses d’épargne), le dossier soumis au public devra comprendre l’avis de l’Office national des forêts (art. R. 214-31, c. for.).

2.6

Le dispositif résultant de la « clause filet » fait également son entrée dans le code général de la propriété des personnes publiques.

Désormais, l’autorité compétente pour délivrer un titre d’occupation ou d’utilisation du domaine public maritime naturel devra également soumettre à examen au cas par cas les demandes qui seraient susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine (art. R. 2124-56-1, CG3P).

Il appartiendra au demandeur de l’informer de précédentes demandes et déclarations qui auraient déjà été déposées et celles envisagées dans l’avenir pour ce même projet au titre d’une autre législation (art. R. 2124-56-1, CG3P).

La décision de l’autorité environnementale (ou l’étude d’impact) constituera dans ce cadre une pièce devant compléter les dossiers de demandes de concession d’utilisation du domaine en dehors des ports (art. R. 2124-2, CG3P) et les autorisations d’occupation temporaire concernant les zones de mouillages et d’équipements légers (art. R. 2124-41, CG3P).

3          Les modifications du code de l’urbanisme

Le décret apporte enfin un certain nombre de modifications dans la composition et l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme – qui ne sont pas toutes en lien direct avec l’objet principal du décret :

  • le report du départ du délai d’instruction à compter de la réception du rapport du commissaire enquête ou de la commission d’enquête lorsqu’un projet est soumis à enquête publique est étendu aux dossiers soumis à déclaration préalable (art. 423-20, c. urb.). Dans ce cas, le délai d’instruction est de deux mois (art. R. 423-32, c. urb.) ;
  • le délai d’instruction des déclarations préalables est majoré de deux mois en cas de soumission du projet à participation du public par voie électronique en application de l’article  123-19du code de l’environnement (art. R. 423-25, c. urb.) ;
  • le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai de l’instruction vaudra rejet de la demande lorsque le projet est soumis à participation du public par voie électronique en application des mêmes dispositions (art. 424-2, c. urb.) ;
  • les dossiers de permis de construire, de déclaration préalable, de permis d’aménager, de permis de démolir devront indiquer, s’il y a lieu, les demandes d’autorisation et les déclarations dont le projet a déjà fait l’objet au titre d’une autre législation que celle du code de l’urbanisme (art. 431-5, R. 431-35, R. 441-1, R. 441-9, R. 451-1, c. urb.) ;
  • les dossiers de permis de construire, de déclaration préalable, de permis d’aménager, de déclaration préalable portant sur un projet d’aménagement, de permis d’aménager des terrains de camping et des parcs résidentiels de loisirs et de permis de démolir devront comprendre, le cas échéant, la décision de dispense de l’autorité environnementale ou l’étude d’impact si le projet est soumis à évaluation environnementale, ou son actualisation, notamment en cas de soumission après examen au cas par cas par effet de la « clause filet » (art. 431-16, R. 431-36, R. 441-5, R. 441-10, R. 443-5, R. 451-6-1, c. urb.) ;
  • enfin, comme les dossiers de permis de construire pour lesquels cela est déjà le cas, ceux de déclaration préalable devront comporter, s’ils portent sur une ICPE soumise à enregistrement, le récépissé de la demande, ainsi que s’il est exigé, l’agrément prévu à l’article 510-1 du code de l’urbanisme (art. R. 431-36, c. urb.).

 

 

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