Evaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement : la CJUE apporte des précisions sur la directive 2001/42

Catégorie

Environnement

Date

March 2023

Temps de lecture

6 minutes

Evaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement : la CJUE apporte des précisions sur la directive 2001/42.

CJUE 9 mars 2023 NJ et OZ c/ An Bord Pleanala, Ireland, aff. C-9/22

Par un arrêt du 9 mars 2023 la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur une demande de décision préjudicielle présentée par la Haute Cour irlandaise portant notamment sur l’interprétation des dispositions de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 qui soumet à évaluation environnementale certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

1 – Le contexte de l’affaire et les questions posées

En l’espèce, les requérants avaient sollicité l’annulation d’un permis de construire un ensemble immobilier de logements et commerces, fondé sur un plan directeur élaboré conjointement par le maître d’ouvrage du projet et le conseil municipal de Dublin et adopté par ce dernier sans avoir fait l’objet d’une évaluation environnementale.

Ce plan directeur était cependant envisagé par le plan d’aménagement de Dublin 2016-2022, qui avait pour sa part fait l’objet d’une évaluation environnementale. Toutefois, le plan directeur dérogeait au plan d’aménagement de Dublin, en autorisant des constructions dépassant les limites de hauteur de ce dernier. Les requérants soutenaient en conséquence qu’en se fondant sur ce plan directeur, la décision d’octroi du permis de construire violait les dispositions de la directive 2001/42 précitée.

Enfin, il était également reproché à l’autorité ayant délivré le permis de construire d’avoir suivi des lignes directrices ministérielles qui avaient certes fait l’objet d’une évaluation environnementale, mais qui incitaient à favoriser la densification urbaine en augmentant la hauteur des bâtiments.

Par une première série de questions, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour si l’article 2, sous a), et l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 devaient être interprétés en ce sens qu’un plan relève du champ d’application de cette directive lorsque, premièrement, il a été élaboré par une autorité au niveau local en collaboration avec un maître de l’ouvrage visé par ce plan et a été adopté par cette autorité, deuxièmement, il a été adopté sur le fondement d’une disposition figurant dans un autre plan ou programme et, troisièmement, il envisage des aménagements distincts de ceux envisagés dans un autre plan ou programme.

Dans l’arrêt du 9 mars 2023, la CJUE a ainsi été amenée à apporter des précisions, d’une part, sur la définition des « plans et programmes » au sens de la directive 2001/42 (2), et, d’autre part, sur les plans et programmes soumis à évaluation environnementale (3).

Par une dernière question, la juridiction nationale l’a également conduite à déterminer si la directive 2011/92 sur l’évaluation environnementale des projets pouvait s’opposer au respect de lignes directrices ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale (4).

2 – La notion de « plans et programmes »

La Cour rappelle tout d’abord que l’article 2, sous a) de la directive 2001/42 définit les « plans et programmes » comme étant ceux répondant à deux conditions cumulatives :

  • D’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, au moyen d’une procédure législative ;
  • Et, d’autre part, être exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives 1)Se référant à sa jurisprudence, elle renvoie ce faisant à un précédent arrêt (CJUE 22 février 2022 Bund Naturschutz in Bayern, req. n° C‑300/20, point 35)..

2.1 – Au cas présent, la Cour a regardé la première condition comme remplie, le plan directeur ayant été adopté par une autorité locale, à savoir le conseil municipal de Dublin.

A cet égard, elle souligne que la circonstance que le plan ait été élaboré conjointement avec une personne privée est sans importance sur la qualification de plan au sens de la directive, les dispositions de l’article 2 sous a) énonçant que ce dernier doit avoir été « élaboré et/ou adopté par une autorité au niveau (…) local (…) ».

2.2 – S’agissant de la seconde condition, la Cour réitère sa jurisprudence aux termes de laquelle un plan ou programme doit être regardé comme étant « exigé » au sens de la directive 2001/42 dès lors que son adoption est encadrée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives déterminant l’autorité compétente pour l’adopter et sa procédure d’élaboration ; c’est-à-dire dès lors qu’il existe dans le droit national une base juridique particulière autorisant les autorités compétentes à procéder à son adoption, même si cette adoption ne revêt pas un caractère obligatoire 2)Ibid, point 37..

La Cour précise à cet égard que, dans la mesure où l’article 2, sous a) de la directive 2001/42 vise notamment les plans et programmes exigés par des dispositions « administratives » (et pas uniquement législatives ou réglementaires), ladite disposition doit être interprétée comme visant, en principe, également des plans adoptés sur le fondement d’une base juridique prévue dans un autre plan.

Ainsi, en l’espèce, la Cour estime que le plan directeur, s’il a bien été adopté sur le fondement du plan d’aménagement de Dublin, pourrait constituer un plan dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives, règlementaires ou administratives, au sens de l’article 2, sous a) de la directive 2001/42, et donc satisfaire la seconde condition de la définition de « plan et programme » au sens de la directive.

Elle renvoie toutefois à la juridiction nationale le soin de vérifier que le plan directeur a effectivement été adopté sur le fondement d’une disposition du plan d’aménagement de Dublin.

3 – Les plans et programmes soumis à évaluation environnementale

3.1 – La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, une évaluation environnementale doit être effectuée pour tous les plans et programmes qui satisfont à deux conditions cumulatives :

  • Etre élaborés pour les secteurs visés à cette disposition ;
  • Et définir, pour l’avenir, le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 (relative à l’évaluation environnementale des projets, notamment de construction) pourra être autorisée.

Elle ajoute qu’en vertu du paragraphe 3 du même article 3, des modifications, même mineures, des plans et programmes sont obligatoirement soumises à évaluation environnementales, lorsque les Etats membres établissent qu’elles sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

3.2 – S’agissant de la première condition, la Cour indique que dès lors que le plan directeur concerne les secteurs de l’aménagement du territoire urbain et/ou de l’affectation des sols et que ces secteurs sont visés à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, cette condition doit être regardée comme satisfaite.

3.3 – S’agissant de la seconde condition, la Cour rappelle que la notion de « plans et programmes » se rapporte à « tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » 3)Ibid, point 60.. [3].

En outre, sont donc également visées les modifications mineures de plans, dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Dès lors, elle juge que la notion de modification mineure d’un plan « doit nécessairement inclure également des actes qui, sans modifier un plan ou un programme, permettent néanmoins de déroger à certains éléments du cadre » défini par un plan ou programme et dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée.

Au cas présent, elle relève que, selon la juridiction nationale, si le plan directeur ne modifie pas formellement le plan d’aménagement de Dublin, il prévoit d’autoriser des aménagements qui ne seraient pas conformes à ce dernier et reviendrait en réalité à déroger à celui-ci en ce qu’il envisage expressément un ensemble différent d’aménagements, notamment en matière de hauteur des bâtiments. La Cour en déduit que le plan directeur pourrait donc relever du champ d’application de la directive.

Elle précise toutefois qu’il pourrait en aller différemment dans deux hypothèses. D’une part, si la dérogation aux règles du plan d’aménagement découlait en fait d’autres actes ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale, tels que les lignes directrices ministérielles (imposant de densifier les villes) ; d’autre part, si le plan directeur ne revêtait en fait aucun caractère contraignant pour les autorités chargées de délivrer les permis de construire.

En vertu de ces dispositions, la Cour considère qu’un plan qui envisage des aménagements distincts de ceux envisagés dans un autre plan ou programme est susceptible de relever du champ d’application de la directive 2001/42, à la condition toutefois qu’il revête à tout le moins un caractère obligatoire pour les autorités compétentes dans le domaine de la délivrance d’autorisations de projets.

4 – L’articulation entre les directives 2001/42 et 2011/92

Les requérants reprochaient également à l’autorité ayant délivré le permis de construire d’avoir tenu compte des lignes directrices ministérielles prévoyant l’augmentation de la hauteur des bâtiments. La dernière question de la juridiction nationale était ici de savoir si pouvait s’y opposer non plus la directive 2001/42 sur l’évaluation environnementale des plans et programmes, mais la directive 2011/92 sur l’évaluation environnementale des projets.

La Cour relève que les lignes directrices ministérielles n’interféraient pas avec les mesures de transposition de la directive 2011/92 et qu’elles envisageaient même que les projets concernés puissent faire l’objet d’une évaluation environnementale.

Mais surtout, et de façon plus générale, elle rappelle que c’est dès le stade de l’établissement des règles encadrant l’autorisation des projets, que des options favorables à l’environnement peuvent être retenues ou écartées, et que c’est précisément pour cette raison que la directive 2001/42 a été adoptée.

Elle juge en conséquence que la directive 2011/92 ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant aux autorités compétentes d’un État membre, lorsqu’elles décident d’accorder ou non une autorisation pour un projet, d’agir en conformité avec des lignes directrices qui exigent d’augmenter, si possible, la hauteur des bâtiments et qui ont fait l’objet d’une évaluation environnementale au titre de la directive 2001/42.

[1]                 Se référant à sa jurisprudence, elle renvoie ce faisant à un précédent arrêt (CJUE 22 février 2022 Bund Naturschutz in Bayern, req. n° C‑300/20, point 35).

[2]                 Ibid, point 37.

[3]                 Ibid, point 60.

Partager cet article

References   [ + ]

1. Se référant à sa jurisprudence, elle renvoie ce faisant à un précédent arrêt (CJUE 22 février 2022 Bund Naturschutz in Bayern, req. n° C‑300/20, point 35).
2. Ibid, point 37.
3. Ibid, point 60.

3 articles susceptibles de vous intéresser