Rapport de cohérence entre l’autorisation ICPE et les orientations de la charte du parc naturel

Catégorie

Environnement

Date

May 2022

Temps de lecture

4 minutes

CE 21 avril 2022 Associations pour le développement durable req n°442953 : Rec. T. CE.

L’autorité administrative, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation pour l’implantation ou exploitation d’une Installation classée pour la protection de l’environnement au sein d’un parc naturel, doit s’assurer de la cohérence de la décision individuelle avec les orientations et mesures fixées dans la charte du parc.

C’est le fichage de l’arrêt commenté.

À la suite des sollicitations de la « société vents d’oc centrale énergie renouvelable 16 », Le préfet de la Manche a pris un arrêté autorisant ces dernières à exploiter un parc éolien sur le territoire de communes comprises dans un parc naturel.  Suite à un recours introduit par un consortium d’associations de protection de l’environnement locales et nationales le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté par un jugement du d’octobre 2018 contre lequel la « société Vents d’Oc centrale d’énergie renouvelable » et le ministre de la transition écologique et solidaire ont interjeté appel. Par un arrêt de juin 2019 la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement tendant à l’annulation de l’arrêté autorisant l’implantation des aérogénérateurs. Le consortium d’association s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

Ces associations invoquent la méconnaissance de la chartre du parc naturel régional dans lequel le projet est implanté. La chartre prévoyait le développement éolien raisonné dans une optique de cohérence entre le développement de l’éolien et la prise en compte d’enjeux paysagers comme le respect d’éléments identitaires du territoire.

Dans son arrêt, la cour d’appel interprète ces dispositions comme n’ayant pas pour objet la détermination des règles applicables à l’occupation des sols et ne faisant pas grief. Elle n’analyse donc pas si l’implantation des aérogénérateurs s’inscrivaient dans les orientations de la chartre impliquant notamment une mise en œuvre en cohérence avec les éléments paysagers identitaires du site.

Le Conseil d’État, pour trancher cette question, devait statuer sur l’applicabilité des chartres des parcs naturels régionaux et leur opposabilité.

La charte d’un parc naturel régional ne fait pas grief, elle ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard.

Mais, les décisions prises par l’Etat et les collectivités territoriales doivent être cohérentes avec les termes de ladite chartre c’est-à-dire que les mesures prises doivent tendre à la mise en œuvre des objectifs définis dans la charte.

Ce rapport de cohérence est défini dans une fiche technique émanant du Groupement d’intérêt public de recherche dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat rédigée par Gilles Pélissier, maître des requêtes au Conseil d’État, comme impliquant un rapport de légalité particulier : « Il ne s’agit ni de conformité, ni même de compatibilité, que l’on peut comprendre comme un rapport plus souple de respect entre deux normes. Il s’agit plutôt d’une exigence de ce que les normes ou actions aillent dans le même sens, poursuivent un objectif commun, partagent le même esprit. » 1)Fiche 3 « Projet d’aménagement et de développement durable » du groupement d’intérêt public de recherche dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat (GRIDAUH)

Cette exigence de cohérence est prévue par les dispositions de l’article L333-1 du code de l’environnement «L’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la chartre dans l’exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu’ils y consacrent. » ((D’autres normes, notamment en matière d’urbanisme font l’objet d’une exigence de cohérence. Voir, s’agissant de la cohérence avec un schéma départemental des carrières, CE, 25 juin 2014, Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, req n° 366007 ment. Tab.

Notons que cette jurisprudence est dans la lignée de l’arrêt du Conseil d’État de février 2012 (CE 8 février 2012 Union des industries de carrières et de métaux de Rhône-Alpes, req n°321219 : Publié au Rec. CE)   précisant que la charte d’un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l’action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l’Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu’ils tiennent des différentes législations, dès lors qu’elles leur confèrent un pouvoir d’appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. Toutefois, la charte d’un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard. Elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d’autorisations d’installations classées pour la protection de l’environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l’exercice de leurs compétences devront être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu’elles concernent. Leur légalité est également subordonnée à leur compatibilité avec l’objet que le législateur a assigné aux parcs naturels régionaux et à leur caractère nécessaire pour la mise en œuvre des orientations de la charte.

 

 

 

 

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References   [ + ]

1. Fiche 3 « Projet d’aménagement et de développement durable » du groupement d’intérêt public de recherche dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat (GRIDAUH)

Cette exigence de cohérence est prévue par les dispositions de l’article L333-1 du code de l’environnement «L’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la chartre dans l’exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu’ils y consacrent. » ((D’autres normes, notamment en matière d’urbanisme font l’objet d’une exigence de cohérence. Voir, s’agissant de la cohérence avec un schéma départemental des carrières, CE, 25 juin 2014, Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, req n° 366007 ment. Tab

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