Examen des capacités en marchés publics : lorsque le pouvoir adjudicateur exige des certificats de « capacité » établis par des organismes indépendants, la simple production de références de clients est insuffisante

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2012

Temps de lecture

4 minutes

CE 11 avril 2012, Ministère de la Défense et des Anciens combattants, req. n° 355564.

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 30 août 2011, le ministre de la défense et des anciens combattants a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue d’attribuer trois des seize lots du marché portant sur la construction d’un pôle de police judiciaire à Pontoise.

Le règlement de la consultation (i) “[exigeait] des candidats qu’ils produisent un certificat de qualification professionnelle ou
équivalent ” Qualibat ” n° 3813 (” tout type de bardage “), ” Qualibat ” n° 3523 (” fabrication et pose de menuiseries extérieures en aluminium “) et ” Qualibat ” n° 3532 (” fabrication et pose de menuiseries extérieures en acier “)
” et (ii) indiquait que “la preuve de la capacité du candidat pourrait être apportée par tout moyen, notamment par des certifications d’autres organismes indépendants répondant aux normes européennes ou des références de prestations attestant de la compétence de l’opérateur économique à réaliser la prestation pour laquelle il se porte candidat, ces références devant cependant être nécessairement appuyées d’attestations d’un tiers indépendant“.

N’étant pas conforme à ces exigences, la candidature de la société PMN a été rejetée (lot 2a « façades, menuiseries extérieures occultations »). Cette dernière a donc saisi le juge des référés précontractuels qui, jugeant illégal le rejet de cette candidature, a fait droit à sa demande d’annulation de la procédure par une ordonnance du 21 décembre 2011.

Le Conseil d’Etat va annuler l’ordonnance, estimant que le premier juge a commis une erreur de droit. En effet, ce dernier s’était fondé sur la seule circonstance que “le ministre ne s’était pas livré à l’examen des références professionnelles et de la liste des travaux présentées par la société PMN afin d’attester de sa compétence à effectuer les prestations pour lesquelles le règlement de la consultation exigeait la détention d’un certificat de qualification professionnelle ” Qualibat ” ou équivalent“, alors que le ministre avait également justifié ce rejet par le caractère insuffisant des capacités financières de la société.

En d’autres termes, le premier juge devait également vérifier si les autres motifs avancés par le ministre ne justifiaient le rejet de la candidature[1].

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat va valider en tout point la procédure de passation et notamment l’exigence, au stade de l’examen des candidatures, d’un certificat de capacité “spécifique“, en l’occurrence délivré par l’organisme indépendant “Qualibat“.

On rappellera, tout d’abord, qu’un pouvoir adjudicateur a, au stade des candidatures, l’obligation de contrôler les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats[2] et que l’article 45 du code des marchés publics fixe les règles applicables.

Un opérateur ne disposant pas des capacités requises doit voir sa candidature rejetée[3].

Dans le cadre de cette obligation de contrôle, le Conseil d’Etat a estimé que le ministre pouvait (i), d’une part, exiger des certificats spécifiques Qualibat” et (ii), d’autre part, “sur le fondement des dispositions du II de l’article 45 du code des marchés publics, demander aux candidats de produire, à titre de moyen de preuve équivalent aux trois certificats de qualification professionnelle « Qualibat » mentionnés au règlement de la consultation, des références de prestations accompagnées d’attestations délivrées par un tiers indépendant, lesquelles étaient destinées, comme la certification « Qualibat », à prouver la qualité technique des prestations antérieurement effectuées par le candidat dans les domaines couverts par les certifications en cause ».

Il résulte des motifs adoptés par la Haute Juridiction qu’il y a lieu d’opérer une distinction entre le I et le II de l’article 45 du code des marchés publics qui prévoient deux modalités d’utilisation en matière de certification :

►      L’arrêté du 28 août 2006[4], pris en application de l’article 45 I du CMP, précise que le pouvoir adjudicateur peut apprécier la capacité des candidats au moyen de « certificats de qualifications professionnelles » ou par tout autre moyen (notamment des certificats d’identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l’opérateur économique).

►      L’article 45 II, 2ème alinéa prévoit que pour les marchés qui le justifient (importance, complexité…[5]), un pouvoir adjudicateur est fondé à “exiger” la production de certificats spécifiques de “capacité” délivrés par des organismes indépendants.

Au titre du II, il peut également réclamer des certificats dit de « qualité »[6] ou des certificats « fondés sur le système communautaire de management environnemental et d’audit (EMAS) ou sur les normes européennes ou internationales de gestion environnementale“.

Mais, dans tous les cas, le pouvoir adjudicateur doit “accepte[r] tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d’organismes établis dans d’autres Etats membres“.

En l’espèce, il n’était pas contesté que la société PMN n’était pas titulaire des certificats « Qualibat » exigés de manière régulière par le ministre de sorte qu’il convenait de déterminer si les éléments produits à l’appui de sa candidature étaient bien “équivalents“.

A cet égard, l’arrêt nous enseigne que le ministre pouvait préalablement définir et porter à la connaissance des candidats les éléments qu’il allait juger comme “équivalents”.

Or, précisément, les références produites par la société contestant son éviction “émanaient seulement de clients pour lesquels elle a effectué des travaux et n’étaient pas accompagnées d’attestations délivrées par un tiers indépendant, contrairement à ce qu’exigeait le règlement de consultation“.

C’est donc à bon droit que la candidature de la société PMN a été rejetée par le ministre.

 

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[1] On rappellera qu’au cours du débat contentieux, les motifs de rejet d’une candidature ou d’une offre peuvent être complétés et/ou modifiés, voire même faire l’objet d’une substitution de motifs (cf. à cet égard : CE 24 juin 2011 commune de Rouen : req. n° 347840 : mentionné aux T. Rec. CE.

[2] CE 26 mars 2008 communauté Urbaine de Lyon (Courly), req. n° 303779 : mentionné aux T. Rec. CE.

[3] Pour un rappel récent en la matière : CE 3 octobre 2012 société Déménagement le Gars-Hauts-de-Seine déménagements, req. n° 360952.

[4] Arrêté du 28 août 2006 fixant la liste limitative des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs.

[5] L’exigence d’un niveau de capacité et sa proportionnalité à l’objet du marché sont laissés à l’appréciation du maître d’ouvrage. En effet, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur ces exigences et proportionnalité : en ce sens concl. N. Boulouis sur CE 11 avril 2012 ministre de la Défense et des anciens combattants, req. n° 355564 : mentionné aux T. Rec. CE. – CE 17 novembre 2006 ANPE, req. n°290712 : mentionné Tables Rec. Lebon : « s’il est loisible à l’acheteur public d’exiger la détention, par les candidats à
l’attribution d’un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu’elle a pour effet de restreindre l’accès au marché à des entreprises, doit être objectivement rendue nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser » – CE 6 mars 2009 Commune de Savigny-sur-Orge, req. n°315138 : mentionné Tables
Rec. Lebon : concernant des exigences minimales jugées justifiées pour une marché de balayage et lavage des caniveaux et trottoirs.

[6] Délivrés par des organismes indépendants et fondés sur les normes européennes.

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