Groupements d’entreprises et délégation de service public : quelques rappels et précisions pratiques

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2013

Temps de lecture

4 minutes

Rép. min. n° 340, JO Sénat du 25 octobre 2012, p. 2390.

Le sénateur Gaëtan Gorce a souhaité obtenir quelques éclaircissements concernant les modalités selon lesquelles un groupement d’entreprises peut participer à la passation et à l’exécution d’un contrat de délégation de service public (DSP). Le sénateur a également souhaité savoir « quelles sont les conditions pour qu’une société en cours de constitution, issue du groupement, puisse valablement candidater à une procédure de délégation de service public ».

1 Tout d’abord, la réponse ministérielle valide en tout point la participation d’un groupement d’entreprises à la passation et à l’exécution d’une DSP[1], à l’instar de la possibilité offerte explicitement en matière de marché public.

Cette possibilité, déjà implicitement admise par le Conseil d’Etat[2], recèle de nombreux avantages tant pour les opérateurs économiques que pour la personne publique :

  • Elle « offre aux entreprises, qui n’auraient pas la capacité de soumissionner seules à l’attribution de la délégation de service public, d’accéder à la commande publique ».
  • Elle « peut favoriser l’exercice de la concurrence, car il constitue un facteur d’accroissement du nombre d’offres ».

Il est, en effet, reconnu depuis longtemps que les groupements peuvent avoir un « effet pro-concurrentiel »[3].

En pratique, les entreprises membres d’un groupement ont la faculté de désigner l’une d’entre elles comme mandataire[4], qui pourra signer le contrat[5] et/ou coordonner les prestations effectuées par chacun des membres dans le cadre de l’exécution du contrat.

2 Toutefois, le ministre rappelle que le groupement d’entreprises ne doit pas méconnaitre « les règles de transparence et de libre concurrence » en aboutissant notamment à une entente illicite au sens de l’article L. 420-1 du code du commerce[6].

Selon le ministre, le respect de cette exigence interdit aux entreprises concernées « de présenter des offres à plusieurs titres en agissant à la fois en qualité de candidats individuels et de membres d’un ou plusieurs groupements ». 

On observera que cette position diffère des règles applicables en matière de marchés publics où le pouvoir adjudicateur ne dispose que d’une simple faculté pour prohiber le dépôt d’une candidature individuelle et la participation à un ou plusieurs groupements :

« VI. – L’avis d’appel public à la concurrence ou le règlement de la consultation peut interdire aux candidats de présenter pour le marché ou certains de ses lots plusieurs offres en agissant à la fois :

1° En qualité de candidats individuels et de membres d’un ou plusieurs groupements ;

2° En qualité de membres de plusieurs groupements »[7].

A défaut d’une telle interdiction prévue dans l’AAPC ou le règlement de consultation, la personne publique[8] doit établir l’existence d’un comportement anticoncurrentiel pour pouvoir écarter une candidature[9].

On peut s’interroger sur la différence de traitement que la réponse ministérielle fait entre DSP et marchés publics[10].

 3 Enfin, s’appuyant sur l’article L. 1411-1 du CGCT, le ministre confirme que « la candidature d’une société en cours de création au sein d’un groupement d’opérateurs économiques est acceptée ».

Il faut néanmoins qu’il existe« un lien suffisant entre le candidat et l’attributaire final » et donc que la création de la société soit suffisamment avancée au stade de la candidature[11]. Autrement dit, la création de la société ne doit pas être à l’état de « simple projet »[12].

 


 

[1]           Et ce bien qu’un tel groupement soit dépourvu de la personnalité morale.

[2]           CE 15 décembre 2006 société Corsica Ferries, req. n° 298.618 : L. Givord, J.-P. Markus Liaison maritime Corse-continent : le renouvellement de DSP annulé, ACCP contrats publics n° 64, mars 2007, p.48 – CE 6 juin 2007 société Corsica Ferries, req. n° 305280.

[3]          Cons. Conc. Décision du 2 juin 2009 « relative aux pratiques mises en oeuvre à l’occasion de la constitution du groupement momentanée d’entreprises RTM-Veolia en vue de sa candidature à la délégation de service public de la CUMPM pour l’exploitation du réseau de tramway de la ville de Marseille », n° 09-D-18 : points 90 et s. -Cons. Conc. Décision du 21 janvier 2009 « relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales », n° 09-D-03, point 105.

[4]          On soulignera qu’en pratique, bon nombre de personnes publiques offrent aux candidats la possibilité de recourir aux formulaires DC, lesquels facilitent la présentation du groupement.

[5]           Au nom des membres du groupement.

[6]          Cons. Conc. Décision du 2 juin 2009 « relative aux pratiques mises en oeuvre à l’occasion de la constitution du groupement momentanée d’entreprises RTM-Veolia en vue de sa candidature à la délégation de service publicde la CUMPM pour l’exploitation du réseau de tramway de la ville de Marseille », n° 09-D-18 : points 81 à 89 – Cons. Conc. Décision du 21 janvier 2009 « relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales », n° 09-D-03, point 106.

[7]          Article 51 CMP.

[8]          Ou un des concurrents.

[9]          V. en ce sens CAA Paris 23 novembre 2004 département Seine-Saint-Denis, req. n° 01PA01119 :  « Considérant que si l’existence de pratiques anticoncurrentielles établies peut, nonobstant le droit reconnu aux entreprises par les dispositions précitées de présenter dans les conditions prévues au règlement de consultation des candidatures ou des offres groupées, justifier qu’une entreprise ou un groupement d’entreprise soit écarté par la commission d’appel d’offre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présentation de trois offres groupées représentant pour la première, les entreprises Magny TPS, Colas Ile-de-France Normandie et SMRB, pour la seconde, les entreprises SNPR et Colas Ile-de-France Normandie et pour la troisième, les entreprises Sylvain Y… et Colas Ile-de-France Normandie, cette dernière entreprise ayant également présentée une candidature individuelle, ait constitué une pratique anticoncurrentielle ; que, par suite, la commission d’appel d’offres ne pouvait écarter la candidature de ces groupements au seul motif que la société Colas Ile-de-France, déjà retenue individuellement sur la liste des candidats admis à présenter une offre, était présente au sein de ces groupements ».

[10]          Cons. Conc. Décision du 31 octobre 2006 « relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics dans le département de l’Aveyron », n° 06-D-32 :  « Le fait que des cabinets aient participé simultanément à plusieurs groupements de compositions différentes a, cependant, fortement accru le risque que le niveau des prix pratiqués par chaque cabinet ait été connu des autres. (…). Mais il n’y a pas au dossier d’éléments suffisants pour apporter la preuve que cette transmission des prix s’est effectivement produite et pour considérer qu’elle aurait, de fait, permis une concertation générale entre tous les cabinets pour définir leurs offres. Faute d’autres indices disponibles au dossier, cette multiplicité de groupements n’apparaît donc pas illicite, dans le cas de l’espèce, étant toutefois observé que ce type d’association généralisée ne saurait être considéré, par principe, comme une solution favorable à l’exercice d’une concurrence effective ».

[11]          CE 3 juin 1987 société nîmoise de tauromachie et de spectacle, req. N° 56733 : signature des statuts, par exemple.

[12]          CAA Bordeaux 13 octobre 2011 SARL Labhya, req. n° 10BX02465.

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